Intervention de Jean-Paul Delevoye

Réunion du mercredi 14 novembre 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites :

Absolument ! Cela veut dire que nous sommes dans la société du partage, monsieur Door…

Monsieur Pietraszewski, vous avez posé une question fondamentale sur la position des organisations syndicales. Elles sont pour nous un acteur essentiel, au même titre que les citoyens, les parlementaires, les journalistes, les observateurs. Nous devons travailler ensemble et préserver la richesse du débat à laquelle les parlementaires contribuent en acceptant d'être des ambassadeurs auprès de nos concitoyens. Je crois beaucoup à la régulation politique et syndicale. Ce projet nous offre l'occasion de renforcer le politique et le paritarisme.

Madame Corneloup, nous devons en effet réfléchir aux indicateurs dont nous voulons nous doter pour aider au pilotage du futur système.

Madame Brocard, vous m'interrogez sur la conquête de la confiance des jeunes, en partant d'un déséquilibre entre actifs et retraités. Je pense que nous pouvons conquérir cette confiance grâce à un exercice de transparence et à l'instauration de règles d'or qui n'affecteront pas les générations futures. Les jeunes aspirent à une société qui ait du sens. Une telle société repose sur la solidarité et non pas sur un système assurantiel individuel tel que celui qui prime aux États-Unis, qui exacerbe les différences et écrase le faible au profit du fort.

Monsieur Viala, vous vous inquiétez de la période transitoire. Les personnes qui sont à moins de cinq ans de la retraite au moment du vote de la loi ne seront pas concernées par le nouveau système. Nous allons faire en sorte que la transition se passe d'une manière claire et transparente, et que la conversion des droits soit garantie à 100 %. Nous prévoyons des simulateurs pour que les gens puissent se projeter dans le nouveau système et faire des comparaisons. Y a-t-il une remise en cause des capitalisations ? Le nouveau régime va-t-il se traduire par des cotisations et des pensions plus faibles ? La réponse est non. Nous raisonnons à enveloppe constante. Nous visons à garder les équilibres actuels, voire à les améliorer.

Madame Khattabi, je veux tout d'abord vous remercier pour votre participation à la journée de réflexion qui s'est tenue à Dijon et pour votre sensibilité au travail des détenus. Le point est lié aux revenus quels qu'ils soient. Les détenus qui travaillent doivent acquérir des points de retraite, quitte à ce que ceux-ci soient complétés par des mesures de solidarité.

Madame Firmin Le Bodo, vous m'avez aussi interrogé sur l'ENIM. Que les choses soient claires : mes collaborateurs ont reçu la totalité des présidents et des directeurs de caisses de retraite. Pour ma part, je reçois les politiques, c'est-à-dire ceux qui représentent une profession et qui ont la responsabilité de fixer un cap. Quant à la concrétisation de ces choix politiques, elle est du ressort des gestionnaires de caisse qui sont reçus par mes collaborateurs que je tiens à remercier ici publiquement pour leur investissement et les relations privilégiées qu'ils ont su nouer avec vous.

Madame Grandjean, nous voulons évidemment réduire les inégalités et je participerai à des réunions, notamment pour évoquer l'égalité entre les femmes et les hommes, un sujet qui est au coeur de nos préoccupations.

Monsieur Belhaddad, nous allons développer des arguments qui montrent que le régime à points est plus efficace, plus juste et plus responsabilisant que le régime par trimestre.

Madame Valentin, vous avez raison de dire que la retraite est le miroir de la société. Je suis extrêmement attentif aux informations données. En 2003, alors que j'étais ministre de la fonction publique, j'ai souhaité mettre en place l'information sur les retraites. Cette mise en place a pris beaucoup de temps et l'information reste encore insatisfaisante. Je pense que la qualité des services rendus par le nouveau système universel devra se situer à un échelon nettement supérieur, même si je rends hommage aux différentes caisses – la Caisse d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT), l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) – pour les efforts accomplis.

Madame Lecocq, je connais votre sensibilité à la question des aidants familiaux. Le Président de la République et la ministre des solidarités et de la santé tiennent beaucoup à ce débat. Nous devons réfléchir à une évolution des textes qui permettrait de clarifier les relations entre employeurs et aidants familiaux, peut-être en élargissant le débat au handicap, une problématique sur laquelle ne cesse de m'alerter ma voisine Sophie Cluzel.

M. Aviragnet a raison. Les organisations syndicales nous alertent sur le caractère sensible de la nature d'un régime de protection sociale qui repose sur des cotisations salariales. Elles considèrent que des financements externes les dénaturent. La question que nous posons – que vous retrouverez peut-être au cours des débats parlementaires – est celle de la nature juridique de la solidarité. Si nous considérons que le minimum vieillesse relève d'un pacte de solidarité nationale, alors il doit être financé par l'impôt. Si nous estimons que l'attribution de points pour l'interruption d'activité et le chômage relève d'une solidarité salariale, alors elle doit être financée par les cotisations salariales.

Nous souhaitions profiter de l'instauration de ce régime universel pour clarifier les flux budgétaires par rapport aux objectifs politiques. Ce n'est pas si évident. Ainsi, en ce qui concerne les droits de la famille, les deux thèses s'affrontent. Nous aurons le temps d'approfondir ce sujet, mais je voudrais surtout que nous clarifiions très nettement les ambitions politiques que nous voulons embarquer dans ce régime, et les modes de financement qui en découleront. Ainsi, chaque contribuable saura à quoi sert son impôt. Il sera intéressant de clarifier cela dans la maquette budgétaire. Cela vous aidera aussi à avoir un débat politique transparent sous le regard de nos concitoyens.

Je rends hommage, monsieur Lejeune, à l'avocat que vous êtes : vous portez la parole des militaires. Vous soulevez un vrai sujet, sur lequel la ministre des armées nous alerte en permanence. J'ai ainsi rencontré, pendant une heure et demie, la totalité des généraux pour leur expliquer, à la demande de Mme Parly, à quel point nous pouvions prendre en compte des particularités, des spécificités, comme pour d'autres catégories d'actifs. La question que vous posez se pose non seulement pour les militaires, mais aussi pour le monde hospitalier et d'autres. Comment faire en sorte que le système renforce l'attractivité des métiers plutôt que de contribuer à une panique qui déstabilise la gestion des ressources humaines ? De ce point de vue, le moment est tout à fait intéressant, y compris pour les militaires : nous avons la possibilité d'analyser toutes les règles, de voir si elles sont équitables, justifiées, si elles doivent éventuellement évoluer. Je parle de dispositifs qui ne concernent pas seulement les militaires, et qui remontent parfois au temps de l'administration coloniale. C'est peut-être une bonne occasion de remettre à plat ce genre de choses. De même, certaines professions versent des cotisations minorées, tout en obtenant les mêmes droits – et je ne parle pas de fonctionnaires. Ces dérogations ne sont plus justifiables aujourd'hui.

Nous avons donc une formidable occasion d'examiner ce que doit être le contrat entre la Nation et les fonctionnaires qui la servent, notamment les militaires, de défendre politiquement ce qui est justifiable par les opérations extérieures et ce qui l'est moins. Cette opération de transparence ennoblira et les politiques, qui viseront à la conclusion d'un nouveau contrat social, et les fonctionnaires – et je sais pouvoir avoir ce débat avec les militaires en considérant l'intérêt de la nation.

Monsieur Masson, vous avez parlé d'un problème comptable et d'une triple peine. Je comprends votre sensibilité et votre angoisse. Je m'en nourrirai pour essayer de faire en sorte qu'à l'issue de nos discussions et du débat, à la vue des espérances que portera le nouveau système, vous puissiez vous-même nourrir ce sourire qui vous va si bien. Et je pense comme vous être un maçon (Sourires) capable de construire des architectures fortes et des fondations solides pour le nouveau système.

Mme Iborra a mille fois raison : l'anxiété doit être levée par la lisibilité. Plus nous serons transparents, plus les règles seront lisibles et plus nous pourrons apporter les réponses appropriées.

Peut-être n'ai-je pas abordé un certain nombre de sujets. Non, nous ne visons pas l'harmonisation par le bas, puisque nous allons travailler au niveau des dépenses actuelles. Quant aux militaires, il est possible de prendre en compte leurs spécificités. J'appelle d'ailleurs votre attention, mesdames et messieurs les députés : à la crainte de l'accélération des départs anticipés, je réponds en rappelant que cette période transitoire de cinq ans permet de prendre son temps. Chacun pourra lire la loi votée en 2019, puis disposera de cinq ans pour considérer la question de son départ. Nous offrons du temps non seulement pour l'élaboration de la loi, mais aussi pour la prise de décision, voire pour d'éventuels ajustements, car je souhaiterais que la future gouvernance comporte des outils de médiation permettant de traiter de façon urgente des sujets que nous n'aurions pas du tout évoqués. Nous allons apporter toutes les garanties nécessaires pour accompagner les personnes et faire en sorte qu'au cours de ce délai de cinq ans nous ayons tous les débats nécessaires pour éviter, lors du basculement vers le nouveau système, les accidents industriels comme celui du régime social des indépendants (RSI). Nous allons prendre tout le temps nécessaire pour faire les simulations et pour que les gestionnaires de ressources humaines de la fonction publique comme du secteur privé puissent accompagner leurs salariés dans leurs choix face à la retraite.

Nous avons déjà parlé des minima de retraite et de la réduction des inégalités.

L'accès au travail en milieu carcéral est une politique pénale qui relève de la garde des Sceaux, mais nous y sommes tout à fait ouverts.

J'ai répondu également sur le régime des marins.

M. Door a évoqué la nécessité de réfléchir à des étages supplémentaires au-delà du système universel. Nous allons effectivement y réfléchir. Les produits d'épargne ne sont pas concernés, mais c'est peut-être une occasion. Le vieillissement de la population posant le problème de la liquidation du patrimoine et de l'affectation de l'épargne, une revue de tous les produits d'épargne actuellement disponibles serait peut-être opportune, comme en 2003, afin de voir si certains ne pourraient être optimisés.

J'ai répondu sur la problématique de l'optimisation.

Je crois avoir répondu à toute et à tous. Madame la présidente, nous restons à votre disposition. Je vous remercie. (Applaudissements.)

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