Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 10 octobre 2017 à 21h45
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, madame la présidente et rapporteure, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons ce soir vise à inscrire dans le règlement de notre Assemblée une pratique de fonctionnement déjà ancienne et à garantir la mise en oeuvre de principes constitutionnels.

Mon propos sera centré autour de trois idées. Il s'agit tout d'abord d'une disposition de nature a priori technique, mais dont les effets politiques sont importants pour notre démocratie parlementaire. Le but de cette proposition de résolution est plutôt simple : codifier équitablement un système de répartition des postes de vice-présidents, questeurs et secrétaires du Bureau de l'Assemblée nationale. Le principe de ce système est la proportionnalité, tant en ce qui concerne la définition de l'importance des postes et des responsabilités que la répartition de ceux-ci entre groupes parlementaires.

La proposition met en avant le caractère consensuel de l'accord entre groupes qui doit d'abord y présider. Elle évoque aussi la place de l'opposition, puisqu'un des questeurs doit y appartenir. Globalement, cette disposition reprend une pratique presque aussi ancienne que les institutions de la Ve République. La « distribution » – au sens fonctionnel – des postes répond à une nécessité de partage des responsabilités au sein de notre assemblée.

Si la disposition renforce la légitimité d'une pratique acquise, elle complète aussi des dispositions du règlement de l'Assemblée nationale actuellement en vigueur donnant des pouvoirs aux groupes d'opposition. Je pense notamment à l'article 16 de notre règlement qui établit une commission spéciale de quinze membres chargés de vérifier et d'apurer les comptes de notre assemblée et dont le bureau comprend un président, lequel ne peut être qu'un député appartenant à un groupe s'étant déclaré d'opposition.

Je pense aussi à l'article 39 de ce même règlement disposant que seul un député appartenant à un groupe s'étant déclaré d'opposition peut être élu à la présidence de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

L'ensemble des dispositions déjà en vigueur et celle que nous nous apprêtons à discuter contribuent à assurer la répartition équitable des responsabilités entre groupes, entre majorité et opposition.

Au-delà du dispositif visant à faire vivre la diversité des groupes au sein de l'Assemblée, ces dispositions mettent en oeuvre des principes constitutionnels qu'il nous appartient de respecter et, surtout, de faire vivre.

Deuxième idée : très concrètement, il s'agit d'une disposition mettant en oeuvre un des grands principes constitutionnels de notre République et de notre démocratie, énoncé non dans le titre IV relatif au Parlement mais dans le titre Ier relatif à la souveraineté. En effet, l'article 4, alinéa 3, de la Constitution pose le principe que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ». C'est bien de pluralisme, de participation équitable et de groupements politiques participant à la vie démocratique qu'il est ici question.

Après avoir rappelé ce principe de base, je souhaite vous faire part de quelques interrogations suscitées par ce texte. Plusieurs observations peuvent être faites.

D'une part, la répartition des responsabilités est par nature « contingente ». Elle l'est au sens où elle dépend non seulement des résultats des élections nationales, mais aussi des positions prises par les groupes à la suite de ces mêmes élections lors de la législature. On le sait, les regroupements et constitutions de groupes des députés se font dans notre système institutionnel selon le fait majoritaire résultant de l'élection du Président de la République, entre ceux qui soutiennent le Président et ceux qui proposent une alternative politique à ses choix essentiels. L'opposition se définit après les élections, mais aussi en fonction des prises de positions et des votes en cours de législature.

D'autre part, l'appartenance d'un groupe politique à l'opposition repose sur une déclaration, mais non sur le constat de votes significatifs et cohérents. C'est l'article 19 du règlement de notre Assemblée qui définit ce qu'est un groupe d'opposition. Pour faire simple : le groupe majoritaire est celui qui a l'effectif le plus élevé. Les autres groupes sont minoritaires, sauf celui ou ceux qui se sont d'eux-mêmes définis comme d'opposition. Autrement dit, ce qui prime, en l'état, c'est le caractère déclaratif de l'opposition.

Ainsi – c'est ma troisième observation – , cette situation n'est pas sans soulever de problèmes. En effet, un groupe peut revendiquer son appartenance à l'opposition et, pourtant, soutenir quasi systématiquement les choix de l'exécutif et de sa majorité à l'Assemblée. Ainsi, un groupe parlementaire peut s'inscrire comme groupe d'opposition et soutenir tous les textes gouvernementaux. Une partie de la majorité peut même revendiquer le statut d'« opposition » et soutenir les textes.

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