Le tiers-financement est un système complexe dans lequel le tiers qui investit se rémunère sur l'économie financière réalisée par le consommateur grâce aux travaux d'économie d'énergie effectués. Il faut que cette économie soit prévue, mesurée et garantie, sans quoi l'investisseur prend un risque. Cela pose un problème technique, mais aussi des problèmes comptables aux entreprises : une entreprise ayant recours à un tiers financeur pour réaliser des travaux d'efficacité énergétique ne peut déconsolider cet investissement dans ses comptes, les normes IFRS – International Financial Reporting Standards – imposant à l'entreprise de grever sa capacité d'endettement alors même qu'elle a fait des travaux d'efficacité énergétique qu'elle n'a pas l'habitude de faire au jour le jour. Ces règles sont un véritable obstacle à l'engagement des consommateurs dans la démarche de tiers financement alors que cette dernière présente pour eux un intérêt majeur : les consommateurs n'ont pas à débourser un centime pour financer le reste à charge, le financement étant assuré par l'économie d'énergie. De nombreux rapports d'experts, dont ceux du plan « Bâtiment durable » et de la Cour des comptes, ont été rédigés à ce sujet et formulent des préconisations très intéressantes. Enfin, pour que l'investisseur ait envie d'investir auprès de consommateurs dans les travaux d'efficacité énergétique, il faut absolument qu'il y soit incité fiscalement. Il faut rediriger les fonds d'investissement vers le développement durable et l'efficacité énergétique, ce qui passe par une fiscalité incitative.
En ce qui concerne l'effacement, je vais essayer d'être plus claire que je ne l'ai été. Il est étonnant que l'effacement paraisse complexe alors que c'est la France qui en a inventé le concept avec les tarifs « effacement jour de pointe » (EJP) que nos grands-mères ont connus et que tout le monde a malheureusement oubliés aujourd'hui. L'idée était d'inciter le consommateur, par une tarification intelligente, à faire baisser sa consommation les jours dits de pointe, c'est-à-dire les jours où le système électrique est sous tension. Les tarifs EJP, qui étaient un peu statiques et imposaient beaucoup de contraintes aux consommateurs, sont en voie d'extinction aujourd'hui.
En 2006, le numérique et l'innovation ont amené les pouvoirs publics à inventer une notion d'effacement de consommation plus dynamique : on ne demande plus de manière statique au consommateur de faire baisser sa consommation pendant de longues heures, mais uniquement quand le système en a réellement besoin, en s'appuyant sur le numérique. Le consommateur reçoit par SMS ou par téléphone la consigne de faire baisser sa consommation pendant quelques minutes ou quelques heures et en contrepartie, il récupère une rémunération financière qui fait baisser sa facture d'énergie. Le rapport Poignant-Sido de 2010 souhaitait que l'effacement se développe progressivement pour accompagner l'essor des énergies renouvelables et le déclassement des centrales à fioul.
Depuis, les lois successives ont instauré un « appel d'offres effacement », confié à Réseau de transport d'électricité (RTE). Chaque année, RTE lance un appel d'offres et fixe le volume de mégawatts que les consommateurs devront s'engager à libérer au moment où le système électrique en a besoin. En compensation, RTE leur verse une prime. Cela fait dix ans que cet appel d'offres est lancé chaque année mais malheureusement, le niveau financier accordé à cet appel d'offres est complètement déconnecté des besoins des consommateurs et n'est donc pas suffisamment incitatif. Les chiffres, repris par l'ADEME, sont connus au niveau international. Dans l'industrie, il faut que le mégawatt soit entre 30 000 et 60 000 euros par an pour qu'un gisement émerge. Dans le tertiaire, le niveau se situe entre 60 000 et 100 000 euros ; dans le secteur résidentiel, il est au-delà de 100 000 euros. Mme Battistel pourrait très bien vous en parler puisqu'elle a fait un rapport il y a deux ans sur le secteur résidentiel, dans lequel elle évoquait ce niveau d'investissement – et vous-mêmes connaissez parfaitement le sujet. Aujourd'hui, le niveau a été fixé à 30 000 euros par mégawatt par an, ce qui explique que l'on 2 gigawatts et non pas les 5 gigawatts prévus par la PPE pour 2018. Cependant, si on prévoit en 2015 dans la PPE d'atteindre 5 ou 6 gigawatts entre 2018 et 2023, il faut prévoir aussi le niveau de soutien financier connu dans la littérature.