Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du mercredi 28 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

… de l'histoire de nos institutions budgétaires, de la Révolution jusqu'à nos jours, l'a dit et répété à juste titre : il n'avait jamais vu cela en vingt-six ans.

Monsieur le ministre, de qui se moque-t-on ? Qui voulez-vous humilier ici ? Après avoir humilié les corps intermédiaires et après avoir, chaque jour un peu plus, humilié le peuple, vous décidez, avec cette manière d'exercer le pouvoir, d'humilier le Parlement.

Que les choses soient dites avec force : nous avons été mis – chaque député ici présent doit en être conscient – dans l'incapacité d'exercer correctement notre mandat parlementaire. Nous avons été neutralisés et nos droits élémentaires ont été bafoués.

Cette parodie d'examen parlementaire nous a empêchés d'agir au nom du peuple français, conformément au rôle que nous confère la Constitution. Chaque jour qui passe, texte après texte, nous voyons à quel point vous voulez anticiper la mauvaise réforme constitutionnelle que l'affaire Benalla vous a été empêchés de mettre en oeuvre.

Aux termes de l'article 24 de la Constitution, le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». L'article 44 garantit pour sa part le droit d'amendement en commission et en séance. Ces droits fondamentaux des représentants du peuple ont été balayés par la majorité. Vous l'avez souligné, monsieur le ministre, pour l'en remercier.

À cette forme de mépris s'en est ajoutée une autre, cette fois en séance publique, quand par souci de garantir la pureté de cette loi rectificative que vous voulez vierge de toute disposition fiscale, vous n'avez pas daigné répondre sur le fond aux quelques amendements que nous avions pu déposer malgré les délais intenables qui nous étaient imposés. En plus de limiter le droit d'amendement et la capacité de contrôle de l'action du Gouvernement par les parlementaires, vous avez donc choisi en quelque sorte d'éteindre le débat démocratique contradictoire alors même que dans notre pays le vent de la colère souffle et que la révolte grandit.

Monsieur le ministre, à l'heure où je parle, après les non déclarations du Président de la République, après les tergiversations du Premier ministre ce matin chez Jean-Jacques Bourdin, les choses s'enkystent. Chez moi, les ronds-points sont bloqués et les entreprises, comme l'économie réelle, sont pénalisées. Vous êtes responsables de ces blocages et de cette chienlit !

Vous avez cédé à une forme d'autoritarisme qui illustre bien votre conception – non la vôtre personnellement, mais celle du Gouvernement – de l'exercice du pouvoir. Car les coups de force et les oukases du Gouvernement se multiplient bel et bien. Et comment ne pas évoquer ici la méthode qu'il a employée il y a quelques jour pour réformer l'ordonnance de 1945 sur l'importante question de la prise en charge des mineurs, en procédant par ordonnance et à la va-vite, en déposant à l'improviste un amendement gouvernemental sans discussion, en toute opacité. C'est inacceptable, insupportable et intenable ! Et je pourrais illustrer mon propos de bien d'autres exemples.

En agissant ainsi, vous exacerbez les déséquilibres institutionnels de la Ve République. Pire, vous entendez les sacraliser, les graver dans le marbre avec votre projet de réforme constitutionnelle reportée suite au scandale Benalla.

L'absence de réaction de nos collègues de la majorité nous laisse parfois perplexes. Chers collègues, dans cette affaire vous êtes aussi piétinés que le sont les parlementaires de l'opposition. C'est le Parlement dans son ensemble qui est maltraité ! Et quand il est ainsi malmené, c'est le peuple qui se trouve privé de voix.

J'en viens au fond de ce projet de budget rectificatif. Comme nous l'avons dit et répété, il porte mal son nom puisqu'il ne rectifie en rien la funeste trajectoire de votre budget fait pour les riches et pour ceux qui vont bien. De son cortège de mesures destinées au petit nombre du premier cercle, l'ISF est devenu emblématique aux yeux de ceux qui portent les gilets jaunes et qui le brandissent tel un étendard. Il faut absolument que vous nous le restituiez.

Au regard de la mobilisation de la rue et du vent de colère et de révolte qui souffle sur nos territoires, vous aviez l'occasion de corriger le tir, de revoir votre copie, d'entendre les difficultés de celles et ceux qui bossent et n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, d'écouter tous ceux qui, faute d'emploi, faute de travail rémunérateur, faute de services publics de proximité, ont le sentiment d'avoir perdu leur dignité. Je pense notamment à ces territoires ruraux, à ces villes moyennes et à ces villes populaires où la République recule chaque jour un peu plus. Vous avez raté l'occasion d'écouter celles et ceux dont le frigo est vide le 15 du mois, celles et ceux qui doivent dire non à leurs enfants pour un livre, un cadeau, une activité sportive.

La rude augmentation des taxes sur les carburants est la goutte d'eau, ou plutôt la goutte d'essence, qui a fait déborder le vase de la colère !

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