Intervention de Nicole Dubré-Chirat

Séance en hémicycle du mardi 10 octobre 2017 à 21h45
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Dubré-Chirat :

Ainsi institutionnalisée, l'opposition dispose aujourd'hui d'un quasi-statut reposant sur des normes écrites autant que sur des pratiques ayant acquis par la force du temps valeur de coutume constitutionnelle ou parlementaire.

Quoi de plus normal dans une démocratie moderne ? Le professeur Hans Kelsen l'affirmait : « par définition même, la majorité suppose l'existence d'une minorité ; et par suite, le droit de la majorité suppose le droit d'une minorité à l'existence ». L'opposition peut ainsi être définie de façon générale comme désignant « les partis ou groupements politiques qui sont en désaccord avec le gouvernement ou le régime politique », selon les termes de Pierre Avril. Le règlement de l'Assemblée a retenu une définition du groupe d'opposition par un critère organique : est considéré d'opposition le groupe qui s'est déclaré comme tel.

L'opposition demeure toutefois une « réalité insaisissable, entre droit et politique », et ce même lorsque nous avons eu, des décennies durant, une gauche et une droite aisément identifiables. Effectivement, un parlementaire peut toujours appartenir à un groupe d'opposition, et, du fait de sa liberté autant que par la force du mandat représentatif, parfois entrer en opposition avec son propre groupe pour aller, un temps, dans le sens du groupe majoritaire.

Plus encore, l'opposition est désormais plus protéiforme que jamais. Nous avons longtemps distingué, d'une part, l'opposition qui s'exprime dans le cadre républicain, qui s'accommode des règles du jeu et du régime politique en vigueur, et, d'autre part, celle qui, pour s'opposer, va jusqu'à contester la légitimité de la majorité ou jusqu'à remettre en question le régime. L'opposition jouait et rejouait le « procès symbolique du pouvoir ».

La recomposition politique à l'oeuvre depuis les élections du printemps dernier donne à voir une configuration inédite : celle d'une majorité nouvelle aussi large que composite, construite sur la base du projet d'Emmanuel Macron, qui a transcendé certains vieux clivages. Autour de cette large majorité se forment plusieurs oppositions distinctes, de poids disparates et plus ou moins véhémentes. Dans ce même mouvement semble émerger un concept nouveau, ou rarement assumé comme tel : celui de l'opposition dite « constructive », qui suscite également, nous le voyons, quelques interrogations nouvelles dans la répartition des rôles entre majorité et opposition.

Cette nouveauté contribue à justifier l'évolution des règles qui régissent notre assemblée, et la résolution qui nous occupe n'en est qu'une étape. Les groupes de travail récemment mis en place, dont nous attendons les conclusions et recommandations, devraient déboucher sur une transformation ambitieuse du fonctionnement de nos institutions.

Enfin, la reconnaissance de l'opposition et la garantie des droits spécifiques à celle-ci sont essentielles au fonctionnement apaisé du régime parlementaire, où elle joue un rôle précieux de contre-pouvoir au sein des institutions démocratiques. C'est par ce rôle utile qu'elle joue au sein des institutions que l'opposition est légitime, bien plus qu'en se faisant entendre par la rue.

La résolution dont nous débattons n'est qu'une étape supplémentaire en vue de garantir le respect et la représentation de l'opposition au sein de notre assemblée, dans l'attente d'une réforme plus ambitieuse encore.

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