« La violence n'est pas un mode d'éducation. Elle n'explique rien et ne résout rien. » Je reprends vos mots, madame la rapporteure, et je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce principe. Je comprends votre combat et j'y souscris. Certaines violences laissent sur certains enfants des traces psychologiques indélébiles, qu'on ne peut accepter. En tout état de cause, que l'on soit pour, contre ou réservé, cette proposition de loi ne laisse personne indifférent, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est souvent le cas, d'ailleurs, lorsqu'on traite des sujets de société : les passions et les excès sont souvent de mise. Le débat en commission des lois a été riche, notamment, comme vous l'avez vu, madame la rapporteure, en rappels d'anecdotes de campagne électorale.
Et pour cause ! Cette loi baptisée « antifessée » nous amène à nous interroger plus largement et plus globalement sur notre manière d'être parents, à tout le moins pour ceux qui ont eu la chance et la volonté de le devenir, ce qui mon cas et j'en suis heureux. Certains, comme Paul Molac, qui est dans mon groupe, le sont même devenus sept fois !
Ce texte pose donc la question de la manière d'éduquer nos enfants, des valeurs à leur transmettre, de la manière dont nous leur disons « non ». Quel parent un tantinet censé ne s'est jamais posé la question de savoir si l'éducation qu'il donne à son enfant est appropriée ?
Ce texte rappelle toute la complexité que revêt le fait d'être père ou mère au XXIe siècle. Sans nous perdre dans une rhétorique marquée par la nostalgie des sociétés traditionnelles passées, sur le thème « C'était mieux avant », nous devons nous interroger plus globalement sur l'éducation, avec un grand « É », dans nos sociétés contemporaines.
Tout d'abord, l'éducation occupe-t-elle, aujourd'hui, au sein de nos sociétés, la place cruciale qui lui revient – car n'est-elle pas, finalement, la base de tout ? Ensuite, n'avons-nous pas, collectivement, quelque peu failli dans l'éducation de nos enfants ? Nous, parents du XXIe siècle, n'avons-nous pas, parfois, trop privilégié nos carrières professionnelles ou politiques par rapport à notre vie de famille ? Cette question n'est pas réactionnaire : bien au contraire, elle est très moderne et il est même vital de se la poser.
Loin de nous l'idée d'une culpabilisation : il s'agit plutôt d'un processus de responsabilisation, qui est précisément l'objet de ce texte. Nous sommes tous responsables – famille, école publique – de l'échec, réel ou supposé, de l'éducation, souvent dénoncé dans le débat public. Nous sommes tous responsables de cette forme de rupture que l'on perçoit de nos jours dans la transmission des repères, des modèles de réussite, des valeurs humanistes, du respect, mais aussi d'un enracinement à une histoire et à un territoire, et qui peut entraîner certains jeunes vers la radicalisation, qu'elle soit religieuse ou de l'ordre de la délinquance ou d'une dérive vers la drogue. Cela ne concerne d'ailleurs pas uniquement les couches les plus défavorisées de la société.
Revenons-en au texte de la proposition de loi et à son contenu : selon notre rapporteure, l'inscription dans le code civil de l'interdiction expresse des violences éducatives ordinaires vise principalement à mettre un terme à la reconnaissance par la jurisprudence du fameux « droit de correction ».
Certains membres du groupe Libertés et territoires y sont pleinement favorables et voteront des deux mains la proposition de loi. Pour eux, si le droit peut permettre d'engager un changement des mentalités, allons-y ! François-Michel Lambert avait ainsi fait de ce sujet l'un de ses combats depuis 2012, déposant notamment un amendement dans ce sens lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, sous la précédente législature. M. Lambert, vous proposera d'ailleurs, madame la rapporteure, des amendements visant à inscrire dans le carnet de santé de l'enfant les principes de l'interdiction des violences éducatives ordinaires.
D'autres membres de notre groupe, en revanche, sans pour autant admettre la violence, sont plus nuancés. Ils s'interrogent, à juste titre peut-être, sur les risques de cette inscription dans le code civil. Pour certains d'entre eux, si nous ne sommes pas confrontés à des cas de maltraitances avérés, l'État ne doit pas forcément s'immiscer dans la vie quotidienne familiale en expliquant comment il faut élever ses enfants.
Il ne s'agit pas pour eux d'acquiescer ou d'excuser les « bonnes claques », les « bonnes fessées » ou, pire, les « belles raclées » qui n'auraient, paraît-il, « jamais fait de mal à personne » : la principale difficulté en la matière réside dans la définition de la frontière entre l'action mesurée du parent qui vise à poser des limites à son enfant et la maltraitance, occasionnelle ou répétée, que l'on doit condamner et combattre avec force et détermination. C'est la raison pour laquelle ces collègues-là s'abstiendront très certainement.
La liberté de conscience de chacun et la liberté de vote font partie des piliers fondateurs de la démocratie, et en particulier de notre groupe politique. Nous n'aurons donc pas, comme vous l'aurez compris, de vote uniforme sur ce texte. Néanmoins, il ne faudrait pas tomber dans une vision trop manichéenne qui viserait à pointer du doigt les opposants à ce texte en les accusant de cautionner les mauvais traitements infligés à nos enfants. Soyons raisonnables et tâchons de ne pas tout mélanger.
Cette proposition de loi a eu le mérite de commencer à poser les jalons d'un vrai débat autour de l'éducation de nos enfants. Nous vous en remercions.
Le 06/12/2018 à 21:31, Laïc1 a dit :
"Ce texte pose donc la question de la manière d'éduquer nos enfants, des valeurs à leur transmettre,"
L'éducation nationale n'a pas de valeurs à transmettre, c'est une administration "aux ordres", où la loi du petit chef domine, les valeurs de la République y sont inconnues, les surdoués y pâtissent de la médiocrité ambiante, c'est l'école de la nullité institutionnalisée, cette administration est la honte de la France.
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui