Intervention de Stéphane Testé

Séance en hémicycle du jeudi 29 novembre 2018 à 21h30
Interdiction des violences éducatives ordinaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Testé :

De 1979 à 2018, cinquante-quatre pays ont interdit les violences éducatives ordinaires ; parmi eux, l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, le Danemark, le Brésil, la Bolivie, l'Argentine ou encore le Pérou. Comme ces cinquante-quatre pays, la France se doit d'être fidèle à ses principes humanistes et républicains, et d'affirmer par un texte de loi clair sa vision de l'éducation et de la place qu'elle fait à l'enfant. C'est chose faite avec la proposition de loi que nous avons à examiner ce soir.

Il s'agit de réaffirmer la dignité et l'intégrité de l'enfant. Il s'agit aussi de mettre notre droit français en conformité avec le droit international. La France pourra ainsi rejoindre la majorité des pays européens qui ont déjà adopté des lois interdisant les violences faites aux enfants dans un cadre familial. Il s'agit enfin de répondre à une demande de notre société, qui se doit d'être sans violence vis-à-vis de ses enfants.

Or, la violence sur les enfants, qu'elle se manifeste par des gestes, des attitudes ou des paroles, continue à faire beaucoup trop de victimes. Aujourd'hui en France, 87 % des enfants subissent, quotidiennement, des pratiques punitives et coercitives auxquelles les parents ont recours « à titre éducatif ». Combien de fois, dans un lieu public, dans un magasin, dans une grande surface ou simplement dans la rue, avons-nous été témoins de ces violences « ordinaires », « anodines », que des parents font parfois subir à leurs enfants et face auxquelles nous n'osons pas ou plus intervenir ?

Ces violences n'ont hélas rien de banal ni d'éducatif. Pourtant, la société condamne toute forme de violence physique, verbale ou psychologique. Des sanctions pénales sont prévues pour les auteurs de coups, de blessures, mais pas pour celles et ceux qui frappent des enfants, encore moins leurs propres enfants. Ces comportements sont renvoyés à l'intimité de la famille, à la liberté des parents dans le choix de l'éducation qu'ils donnent à leurs enfants. Nous nous disons que tout cela appartient à la sphère familiale et privée et nous n'intervenons pas car des siècles de discours sur l'autorité nous ont fait intégrer que ces gestes, cette maltraitance ordinaire n'étaient pas de la violence. Ces gestes qui agressent et détruisent quelquefois des êtres humains en devenir ont infusé notre société et ne sont finalement plus remis en question.

Contrairement à ce que l'on entend parfois, la violence n'est pas éducative. Si elle éduque, c'est à la violence, à la résolution des conflits par la violence et la douleur. La violence sur les enfants les habitue aux rapports de force et de domination. Elle les habitue aussi à craindre celui qui a la force, plus qu'à respecter celui qui a raison. D'ailleurs, une étude publiée il y a quelques semaines dans le journal BMJ Open montre que la violence des jeunes est plus restreinte dans les pays qui interdisent totalement les châtiments corporels. Ainsi, dans les pays où les punitions physiques sont totalement proscrites, la fréquence de la violence entre jeunes est 69 % moins élevée chez les jeunes hommes et 42 % chez les jeunes femmes que dans les pays sans interdiction. Ces chiffres doivent nous inciter, s'il en est besoin, à légiférer sur le sujet.

Alors, certes, les violences intrafamiliales ne tuent pas à chaque fois, mais les spécialistes sont unanimes quant aux dégâts qu'elles occasionnent sur les enfants qui en sont victimes. Cette violence quotidienne fragilise la construction de futurs adultes, qui perdent toute confiance en eux et toute estime d'eux-mêmes.

Avec cette proposition de loi, il ne s'agit en aucun cas de pointer quiconque du doigt, mais d'aider à sortir de cette situation. Une évidence s'impose en effet : on ne naît pas parent, on le devient. Le chemin pour construire avec nos enfants une relation saine, enrichissante et respectueuse n'est pas si simple. Un enfant à qui l'on ne parle pas et que l'on enferme dans une violence physique et psychologique toute-puissante ne peut pas grandir. Un enfant à qui l'on ne fixe des limites que par la force et la contrainte n'a bien souvent d'autre horizon possible que la peur et le stress permanents.

Nous devons donc renforcer la politique d'accompagnement à la parentalité. Nous devons offrir davantage de médiation et d'espaces de rencontres et surtout informer, encore et toujours, afin que la violence faite aux enfants et leurs souffrances ne soient plus acceptées.

Il est selon moi nécessaire de s'appuyer sur cette proposition de loi pour développer les services d'aide à la parentalité mais aussi soutenir les associations qui oeuvrent en la matière partout sur le territoire. Par cette proposition de loi, il s'agit simplement d'affirmer que l'on peut dire non à un enfant de toute autre manière que par des actes violents. Par cette proposition de loi, il s'agit d'affirmer aussi que la violence ne peut et ne doit pas être une réponse éducative et constituer une solution acceptable.

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