Une collègue députée disait tout à l'heure à cette tribune qu'il y avait beaucoup de mauvaise foi à faire croire que cette proposition de loi confondrait les violences répétées envers les enfants avec une fessée occasionnelle. Mais s'il en est ainsi, alors nous pouvons arrêter la discussion : je pense que tout le monde sera d'accord. Personne n'aurait l'idée ici de cautionner ou de justifier des violences régulières envers les enfants. J'ai même entendu en commission parler d'actes de barbarie ! Le problème est là : votre proposition de loi veut légiférer sur la violence éducative « ordinaire » et elle pratique la confusion, l'amalgame entre les agressions dangereuses pour la santé de l'enfant et la simple punition, ordinaire justement.
Je ne vous cache pas ma perplexité quand je vois utiliser dans la presse ou ici même des termes aussi nébuleux qu'« agressions psychologiques » ou même ces fameuses « violences éducatives ordinaires ». Comme le disait Albert Camus, mal nommer les choses, c'est ajouter du malheur au monde. Je crois que c'est précisément l'écueil dans lequel sont tombés les signataires de cette proposition de loi.
En effet, ce texte, malgré son passage en commission, m'inspire toujours les mêmes sentiments : confusion, intrusion, culpabilisation et dénonciation.
La confusion d'abord. Si la protection des enfants doit être prise au sérieux, elle doit aussi être traitée sans hystérie, sans amalgames et sans caricatures. De quoi parle-t-on ? Pour la Croix-Rouge, porte-étendard des droits de l'homme au niveau international, la violence envers les enfants désigne toute forme de mauvais traitements physiques, psychologiques ou sexuels ou d'absence de soins qui cause une blessure ou un dommage psychologique à un enfant. La Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989 nous impose de prendre toutes mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant, ce à quoi la France a répondu notamment par les lois de mars 2007, de novembre 2015 ou encore de mars 2016. Nous ne sommes donc pas en reste.
Mais comme souvent, à trop légiférer, on finit par perdre le cap – par ne plus faire la différence entre un enfant battu qui reçoit des coups, et qu'il faut protéger, et un enfant qui a fait une bêtise et qui reçoit une tape sur la main ou sur la couche. Le mot de violence est dévoyé et les parents sont déboussolés.
Ce qui me conduit à dénoncer un deuxième risque de cette proposition de loi : l'intrusion, pour ne pas dire l'immixtion de l'État dans la sphère familiale, au nom d'un bon sentiment, certes, mais qui devient insupportable tant il est infantilisant. Ne vous en déplaise, les parents ne sont pas tous irresponsables, démissionnaires, dépassés, ni même violents. Alors, comme trop souvent, dans une société guidée davantage par l'émotion que le bon sens, à partir des défaillances, des fautes, des crimes de quelques-uns, on fait peser un soupçon sur tous les autres.
Alors oui, je le répète, les coups, les blessures sont intolérables et sont à condamner avec la plus grande fermeté. C'est une évidence. Mais attention à ne pas, sous couvert de protection, dépouiller les parents de leurs prérogatives car, contrairement à ce qu'aime à dire Emmanuel Macron, il n'y a pas « d'enfants de la République ». La République n'a jamais enfanté qui que ce soit. Il n'y a que des enfants de leurs parents et, l'État ne doit pas l'oublier, ce sont les familles qui les élèvent !
Ce qui me conduit à parler de la culpabilité que l'État fait peser sur les parents. Le fantasme de parents parfaits – j'ai entendu évoquer plusieurs fois en commission les « bons parents » – adossé à celui de l'enfant roi…
Le 06/12/2018 à 21:46, Laïc1 a dit :
"La République n'a jamais enfanté qui que ce soit."
Mais si, elle a enfanté de petits clones tout juste bons à répéter des slogans et des mots d'ordre idéologiques en guise de pensée argumentée, logique et raisonnée...
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