Malgré l'heure tardive, c'est avec une émotion certaine que l'on monte à cette tribune lorsque l'on défend un texte que nous avons conçu ensemble, qui a germé, qui a grandi et que nous avons accompagné depuis des mois. La vie associative a été choisie par mon groupe, le MODEM, comme fil rouge de ses journées parlementaires. C'est donc tout naturellement que ce texte s'inscrit dans le tracé, dans le plan dont la première étape fut la proposition de résolution défendue par mes collègues Sylvain Waserman et Michel Fanget et qui a été votée par notre assemblée à l'unanimité, ce qui témoigne de l'intérêt que nous portons sur tous les bancs à l'engagement associatif.
Notre journée d'initiative parlementaire de novembre permet également de valoriser un axe qui fait écho au tunnel budgétaire que notre Parlement traverse en cette fin d'année. Enfin, nous pouvons déposer une petite pierre législative en cette fin du mois de l'économie sociale et solidaire auquel je crois beaucoup et auquel les associations contribuent énormément.
Les associations occupent une place importante dans notre économie avec 1,8 millions de salariés qui représentent 5 % du salariat national. Si l'on valorisait davantage l'engagement bénévole, nous aurions le tournis. En prenant le SMIC comme valeur de référence de l'heure de travail, la contribution bénévole s'élèverait à plus de 19 milliards d'euros. Si l'on osait valoriser l'heure de travail au salaire de référence versé aux salariés associatifs, on atteindrait 39,5 milliards d'euros.
Ces chiffres ne sont là que pour donner une dimension comptable aux choses, car le véritable enjeu est ailleurs. Il est dans l'immatériel, le dépassement de soi, la relation humaine, l'engagement, le faire ensemble, pour former une communauté, et comme nous souhaitons une communauté de l'engagement, il est de notre devoir d'accompagner ces lieux de brassage, d'écoute et d'émancipation des hommes et des femmes, que sont les associations.
L'association, par construction, est profondément démocratique, et assurément républicaine. N'oublions pas que le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme, pour reprendre les mots de 1789. En miroir, le but de toute association est de faire vivre le lien et la passion de ceux qui ont décidé de se retrouver ensemble pour avancer. Là où la solidarité naturelle s'efface, l'association prend la place. Là où la force publique faillit, l'association prend le relais. Là où deux ont décidé qu'ils feraient trois, nous devons leur permettre de choisir cette voie.
Nos associations ont besoin de financements pour fonctionner. Si la part du financement public représentait 51 % de leurs ressources en 2005, cette part est tombée à 49 % en 2011. Depuis, elle n'a cessé de se réduire. Les subventions publiques sont passées de 34 à 24 % des ressources. Le partenariat public s'est profondément modifié. Nous sommes progressivement passés de l'esprit de subvention à celui de la commande publique, de l'instrumentalisation. Désormais, les associations sont des outils de politique publique. Face à cette baisse du financement public, elles se sont tournées vers le secteur privé, qui est aujourd'hui leur première source de financement. Depuis 2012, le montant des exonérations fiscales liées aux dons aux associations est supérieur à celui des subventions versées par l'État. En outre, la plus grande part des ressources privées provient des membres de ces associations, via les cotisations ou la participation aux services rendus.
La puissance publique ayant modifié les règles, il est de notre devoir d'accompagner ces évolutions au sein de chaque texte mais aussi grâce à des textes nouveaux comme celui d'aujourd'hui, en levant des freins, en accordant de nouveaux moyens permettant de diversifier les sources de financement, en essayant d'être à la hauteur des enjeux que relèvent au quotidien, sur nos territoires, les associations.
Après plusieurs mois de travaux, pilotés par les acteurs institutionnels et le mouvement associatif, pas moins de cinquante-neuf propositions ont été soumises au Premier ministre lors de la remise d'un rapport par le mouvement associatif, en mai dernier. Alors que le Gouvernement vient de présenter son plan d'action, cette proposition de loi reprend quatre des cinquante-neuf propositions du rapport précité . Elles répondent toutes à la même nécessité d'accompagner le développement des associations en leur permettant de renforcer leurs fonds propres et d'obtenir de nouvelles formes de financement.
L'article 1er prévoit d'inscrire dans la loi la possibilité pour les associations de conserver un excédent, dans la limite du raisonnable, correspondant au reliquat d'une subvention non dépensée, pour leur permettre de financer leur développement. De fait, les subventions sont toujours calculées au plus juste et les éventuels reliquats, même s'ils résultent d'une bonne gestion de la part de l'association, sont généralement repris par les autorités publiques qui les ont versées.
Aussi, si rien ne leur interdit de réaliser des excédents, à condition qu'ils ne donnent pas lieu à un partage entre leurs membres mais soient réinvestis dans leur activité, les associations éprouvent beaucoup de difficultés à se constituer des fonds propres. Cette notion d'excédent raisonnable figure déjà dans une circulaire du Premier ministre mais nous vous invitons à l'inscrire dans la loi.
L'article 2 a pour objet, à l'image des prêts inter-entreprises, de permettre aux associations d'un même réseau de s'accorder des prêts entre elles afin de faciliter la création et le démarrage de nouvelles structures. Par définition, cette mesure ne devrait concerner que de petites sommes, principalement au moment de la création d'une association locale d'un réseau existant, par exemple. Cette activité de prêteur de deniers demeurera naturellement accessoire dans l'activité des associations ou fondations concernées, pour que celles-ci puissent conserver leur but non lucratif et leur mission d'utilité publique.
L'article 3 doit permettre d'affecter le produit des comptes bancaires en déshérence des associations, gérés par la Caisse des dépôts et consignations au fonds pour le développement de la vie associative – FDVA. La rédaction que nous avons adoptée en commission se veut plus opérationnelle que celle initialement déposée.
L'article 4 prévoit d'autoriser l'État à confier à des associations reconnues d'intérêt général la gestion des biens immeubles dont il est devenu propriétaire à l'occasion d'une instance pénale. Les procédures de saisie des biens immeubles sont mises en oeuvre par l'agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Lors de son audition, la directrice générale de cette agence a fait état de la diversité, sur l'ensemble du territoire national, des immeubles en gestion, dont certains pourraient parfaitement correspondre aux besoins du monde associatif.
Ces quatre propositions, qui figuraient déjà dans un rapport du Haut conseil à la vie associative de 2014, font aujourd'hui l'objet d'un large consensus au sein du monde associatif et sont attendues avec une certaine impatience. Elles ont également fait l'unanimité en commission des lois. Deux d'entre elles avaient même été adoptées par le Parlement lors du vote de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, avant d'être censurées comme cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel.
L'article 5, enfin, prévoit la remise au Parlement d'un rapport dressant un état des lieux de la fiscalité liée aux dons afin de permettre le développement d'une forme de philanthropie à la française Nous sommes nombreux ici à penser que l'engagement associatif est souvent le point de départ d'une vie d'engagement, que les associations façonnent notre société et sont souvent à son avant-garde, que la République que nous chérissons tant serait bien terne si, dans nos territoires ruraux ou urbains, la vie associative ne faisait pas vivre la fraternité qui rend si vivante notre devise.
Parce que le monde associatif n'est le monopole de personne, d'aucun banc, d'aucun courant, parce que la vie associative est aussi universelle et diverse que notre pays, je souhaite, mes chers collègues, l'unanimité de vos votes sur cette proposition de loi qui servira notre société et notre République.