La fin des emplois aidés a cristallisé les craintes. Si cette mesure était nécessaire car il n'est profitable à aucune structure de recevoir des subventions déguisées au travers du financement d'emplois, alors que ces ressources n'étaient ni stables ni récurrentes, que ce mode de fonctionnement pouvait aveugler sur les projets et les modèles associatifs et que trois bénéficiaires sur quatre ne s'inséraient pas durablement dans l'emploi, il nous est tout aussi essentiel de repenser la solidité et la pérennité des modèles associatifs en favorisant la diversification des modèles économiques, d'organisation, de gouvernance, et le travail collaboratif.
Nous le faisons en pérennisant la baisse des cotisations sociales, qui permettra de restituer, au 1er janvier prochain, 1,4 milliard d'euros au secteur associatif. Il faudrait remonter bien loin pour retrouver un soutien financier direct d'une telle ampleur en faveur du tissu associatif.
L'an prochain, le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires s'ajoutera à ces baisses de cotisations, apportant 500 millions d'euros supplémentaires aux associations qui emploient plus de dix salariés. C'est un appui financier sans précédent pour les associations mais il faut aller encore plus loin et c'est ce à quoi je veux m'atteler avec vous.
J'ai présenté ce matin ma feuille de route au mouvement associatif. Elle s'articule autour de trois axes. Plusieurs des mesures qu'elle contient se retrouvent dans cette proposition de loi et je tiens à saluer le remarquable travail de la rapporteure, Sarah El Haïry, qui a su associer les acteurs de terrain, les écouter, pour porter devant vous un texte attendu depuis des années. Je l'en remercie sincèrement, mais également l'ensemble des députés qui se sont engagés en commission à ses côtés. Je pense à Fabien Matras, du groupe La République en marche, mais aussi à bien d'autres parlementaires de tous les bancs.
Ce texte a pour objectif d'améliorer la trésorerie des associations, essentielle à leur action et à leur développement.
Il s'agit tout d'abord d'accompagner la transformation de ces structures, e les aider à devenir plus robustes et à se pérenniser. Cela passe par la mutualisation et le travail en commun mais également par un changement culturel. Les associations se sont souvent développées dans une logique de développement individuel, voire de concurrence quand plusieurs d'entre elles interviennent dans un même secteur, sur un même territoire. Pour sortir de cette logique, il faut un partenaire stable, fiable, capable de soutenir celles d'entre elles qui souhaitent se regrouper, et ce partenaire, c'est en l'occurrence l'État.
Des appels à projets seront lancés dans tous les territoires avec pour objectif d'aboutir à 200 regroupements d'employeurs associatifs dans l'année qui vient. Des « postes FONJEP », aidés à hauteur de 7 000 euros par an durant trois ans par une subvention du FONJEP – Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire – seront créés ; des subventions d'amorçage pour le regroupement seront accordées ; les formalités administratives seront simplifiées ; le dispositif Impact emploi sera étendu aux associations comptant jusqu'à vingt salariés contre dix aujourd'hui ; le compte Asso sera modernisé pour accueillir un bouquet de services numériques dématérialisés afin que toutes les démarches, en particulier les demande de subvention, puissent être effectuées sur une plateforme centralisée.
Trois articles de la proposition de loi concernent particulièrement ce premier axe.
L'article 1er permet aux associations de conserver les excédents raisonnables de l'utilisation d'une subvention publique. Cette disposition, si elle est adoptée, affermira les logiques de performance sans rien renier de la mission d'intérêt général des associations, ce qui leur permettra également de renforcer leurs fonds propres pour avoir demain les moyens d'investir et de développer leur action sur les territoires.
L'article 2 comporte une mesure indispensable pour la simplification de la vie des associations, en leur permettant de réaliser des prêts à taux zéro entre structures d'un même groupement d'employeurs ou d'une même fédération.
C'est aussi une incitation à la mutualisation des compétences et des ressources, qui est un levier majeur du développement du monde associatif. À cette fin, il faudra savoir passer outre les sentiments de concurrence ou d'animosité, issus du passé : telle est, souvent, la condition d'une dynamique plus forte, du passage à l'échelle supérieure ou, tout simplement, de la concrétisation du premier emploi, projet qu'il peut être difficile de mener à bien pour une association seule.
L'article 3, enfin, introduit la possibilité de récupérer les fonds des comptes bancaires associatifs inactifs qui, au bout de trente ans, sont aujourd'hui versés dans le budget général de l'État. L'an passé, 1,9 milliard d'euros de comptes bancaires inactifs l'ont ainsi été : or une part de ce montant provient des comptes inactifs d'associations. Grâce à l'article 3, il sera désormais possible de demander aux banques de les identifier et d'en évaluer la part, une part que je souhaite, comme la rapporteure, voir réutilisée pour le développement de la vie associative. Les fonds du monde associatif pourraient ainsi revenir au monde associatif : cette possibilité, qui semble d'une logique imparable, n'existe pourtant pas à l'heure actuelle. Cet argent permettra de développer les associations.
Le second axe de ma feuille de route porte sur la valorisation et la reconnaissance de l'engagement de chacun tout au long de la vie. Je ne détaillerai pas toutes les mesures fortes qui ont été annoncées ce matin. La première est la possibilité pour les bénévoles de valider des certifications gratuites, proposées par l'État, des compétences acquises dans le cadre d'un bénévolat. En matière de gestion de projet, de communication ou de recherche de subventions, les bénévoles doivent pouvoir valider des compétences et les valoriser dans le cadre d'une insertion professionnelle. C'est aujourd'hui possible dans le cadre du CFGA – certificat de formation à la gestion associative – , qui est proposé aux bénévoles bénéficiant d'une formation dispensée par le Fonds de développement de la vie associative – FDVA. Nous souhaitons que cette possibilité concerne désormais, et de manière gratuite, l'ensemble des bénévoles associatifs qui le souhaitent. Des outils comme les MOOC – massive open online course – nous aideront à développer ces certifications, qui constitueront un avantage très concret pour les bénévoles.
La deuxième mesure est l'élargissement du compte d'engagement citoyen, le CEC. Cette mesure importante est appelée à se développer dans les prochains mois pour tous les bénévoles. Nous l'élargirons en effet aux bénévoles qui encadrent des non-bénévoles et qui jusqu'à présent ne bénéficiaient pas du CEC. La mesure aura un impact particulier dans le secteur du sport et dans celui du scoutisme : les chefs et les cheftaines ne peuvent pas en bénéficier aujourd'hui, alors même qu'ils encadrent bénévolement des jeunes très régulièrement.
Enfin, un travail sera mené sur les congés d'engagement associatif que peuvent prendre les salariés : ils sont en effet aujourd'hui peu lisibles et peu connus. Or il faut permettre aux salariés qui le souhaitent d'y avoir recours. Nous lancerons un travail avec le mouvement associatif dans l'année qui vient pour simplifier et rendre plus lisibles ces congés d'engagement.
Le troisième axe de cette feuille de route vise à créer une véritable confiance entre les associations, l'État et les entreprises, afin de faire de l'engagement, non pas uniquement l'affaire de quelques-uns, mais bien l'affaire de tous. Cet axe concerne, d'une part les acteurs de la charte d'engagements réciproques pris entre l'État et les associations, et, d'autre part, le mécénat financier et de compétences, afin de favoriser le développement d'une « philanthropie à la française », comme l'a indiqué Sarah El Haïry.
Une mesure importante sera prise, consistant à libérer le mécénat des TPE et PME. Un grand nombre d'entre elles souhaiteraient pouvoir soutenir financièrement des associations de leur bassin de vie ou d'emploi, y compris, vis-à-vis des consommateurs, dans une logique de communication et d'attraction : ces entreprises souhaitent pouvoir soutenir directement des associations situées dans leur territoire. Or ce mécénat est aujourd'hui rendu très difficile par la législation fiscale, laquelle limite à 5 pour 1000 du chiffre d'affaires la prise en compte des dons effectués au titre du mécénat pour l'octroi d'une réduction d'impôt. Ainsi, une PME dont le chiffre d'affaires est de 100 000 euros, ne peut déduire que 500 euros sur son année fiscale, ce qui est peu. Dès le 1er janvier 2019, le plafond des versements éligibles, dans le cadre du mécénat, sera porté à 10 000 euros.
L'article 5 de la proposition de loi est intrinsèquement lié à ce dernier axe. Il porte, en effet, sur l'évaluation de la fiscalité liée aux dons et du modèle économique des organismes d'intérêt général reposant majoritairement sur la générosité.
Si mieux connaître l'impact de la fiscalité sur les dons est essentiel pour ajuster nos politiques publiques, je souhaite toutefois que nous allions au-delà de la seule logique fiscale : j'aurais à coeur, dans les mois qui viennent, de trouver des nouvelles incitations, non fiscales, visant à développer le mécénat financier et le mécénat de compétences, ainsi qu'à renforcer le travail commun entre les secteurs lucratif et lucratif. Ce travail a déjà été engagé par des parlementaires, notamment par Sarah El Haïry et Cathy Racon-Bouzon. Nous pouvons avancer sur ce sujet de manière collective. Un grand nombre de pistes existent, qui permettront de renforcer ce travail partenarial.
Le Gouvernement accueille donc très favorablement cette proposition de loi, qui s'inscrit pleinement dans la stratégie qu'il déploie envers le mouvement associatif. Elle apporte des réponses concrètes supplémentaires pour relever les défis auxquels celui-ci est confronté. Notre programme de travail en 2019 poursuivra et amplifiera ce mouvement. J'ai eu l'occasion, ce matin, de présenter au mouvement associatif et à l'ensemble des acteurs qui ont travaillé dans le cadre de la mobilisation lancée par le Premier ministre, sur le site des Grands Voisins, il y a un an, la méthode concrète à laquelle je souhaite recourir pour avancer.