La chose qui me semble la plus importante est de garder le lien avec l'ensemble des partenaires et d'éviter de tomber dans les clichés un peu faciles de la revanche des écologistes contre les chasseurs, comme on l'entend parfois.
Vous demandez si nous pensons que les chasseurs jouent un rôle important pour la biodiversité : j'en suis absolument convaincu. Quand on essaie de prendre un peu de recul, on se rend compte que les associations de protection de la nature et les chasseurs sont, pour 80 % ou 90 %, les défenseurs des milieux qui permettent la biodiversité. Ils n'en font pas tout à fait le même usage, mais, aujourd'hui, les menaces pour la biodiversité sont dues en général à des problèmes de milieu : le drainage, le retournement des prairies, la fin du bocage, une exploitation agricole différente de celle qui existait auparavant, l'artificialisation et l'urbanisation, l'utilisation parfois excessive de produits phytosanitaires. Or, chasseurs et associations de protection de la nature se retrouvent en grande partie pour lutter contre ces phénomènes.
Les zones humides, par exemple, sont un sujet essentiel. Beaucoup de zones humides n'existent aujourd'hui que parce qu'on y chasse et le jour où il n'y aura plus de chasse, elles seront drainées, on y fera autre chose et ce sera une perte pour la biodiversité. Je peux vous donner d'autres exemples de milieux où, si vous arrêtez la chasse, le territoire cesse d'être utilisé et perd son utilité. Il y aura certes toujours des caricatures et des contre-exemples, mais je pense que cette utilisation partagée du territoire est essentielle et qu'elle concerne aussi bien les chasseurs que les associations de protection de la nature.
Je peux vous donner un autre exemple issu de mon expérience lorsque j'étais en poste en Savoie : la protection des galliformes des montagnes et des tétras-lyres. Dans certains endroits, il n'y a de tétras-lyres que parce que des chasseurs assurent l'entretien des zones intermédiaires entre les alpages – avec de la déprise parce qu'il y a de moins en moins de moutons et de brebis dans ces alpages – et la forêt. Si vous perdez ces zones de transition, vous perdez l'habitat favorable à ces galliformes et l'espèce disparaît de la région. C'est aussi grâce à ceux qui vont défricher, regarder, mesurer, que ces espèces perdurent. Il en va de même partout ; il peut toujours y avoir des extrémistes dans un sens ou un autre, mais le partage du territoire et le lien entre les acteurs est important. Il faut que le futur établissement puisse travailler avec tout le monde, c'est une clé essentielle de la réussite du projet.