Intervention de Pierre Dubreuil

Réunion du mercredi 28 novembre 2018 à 9h10
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Pierre Dubreuil, directeur général délégué du Muséum national d'histoire naturelle, directeur général en charge de la préfiguration du nouvel établissement AFB-ONCFS :

Merci pour toutes ces questions, auxquelles je vais essayer de répondre, étant entendu qu'elles se recoupent parfois et que le caractère récent de ma mission m'amènera à être beaucoup plus succinct sur certains points.

Merci également de m'avoir souhaité bon courage pour ce « challenge ». Si je l'ai accepté, c'est parce que j'ai déjà mené des réorganisations difficiles et que la finalité de cette mission me paraît absolument essentielle : je crois, comme je l'ai dit en introduction, que la taille critique de l'opérateur issu de la fusion permettra de mieux exercer les missions attribuées séparément aux deux établissements actuels, au service de la biodiversité. J'en ai la conviction, même si le chemin sera parsemé d'obstacles.

En ce qui concerne la culture d'établissement, mais aussi la question qui m'a été posée sur la chasse, l'un des points essentiels de ce projet est de ne surtout pas opposer les associations et les organisations non gouvernementales (ONG) qui s'occupent de la préservation de l'environnement et les chasseurs qui, selon moi, sont des acteurs de la préservation de la biodiversité.

Vous savez que la COP 14 sur la biodiversité se déroule en ce moment en Égypte : l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) vient de publier une « liste verte » des aires protégées, et il se trouve que la France est le pays en comptant le plus – dix sont reconnues sur notre territoire, pour la qualité de la gestion des sites, dont la réserve nationale de chasse et de faune sauvage d'Orlu, dans l'Ariège. Je ne la connais pas, mais c'est la preuve que des espaces gérés par les chasseurs peuvent être reconnus étant comme de grande qualité au titre des services rendus à la biodiversité.

Je pense qu'il est absolument fondamental de ne pas opposer les deux bouts de la chaîne, et je suis convaincu que c'est tout à fait possible car cela correspond à la réalité. Les polices de l'environnement s'exercent toutes au service du même objectif de biodiversité. Le nouvel établissement pourra avoir une culture commune dès lors que les différentes communautés concernées reconnaîtront qu'elles sont au service des mêmes objectifs.

Mes premiers contacts avec les agents des établissements me laissent penser que c'est tout à fait possible : c'est déjà le cas dans certains territoires où les équipes de l'ONCFS et l'AFB travaillent ensemble, bien que leurs cultures soient d'origines différentes – il ne faut pas le nier. La fonction de police est beaucoup plus affirmée à l'ONCFS qu'à l'AFB, dont les objectifs sont a priori différents, bien sûr. Je crois aussi au temps : la culture d'un établissement public se construit dans le temps.

L'AFB est récente, en effet, et si la fusion ne se fait qu'aujourd'hui, je n'en suis pas responsable. Je ne peux pas répondre à la question de savoir pourquoi elle n'a pas été réalisée plus tôt, car j'entrerais dans un champ qui n'est pas le mien. Vous avez une opinion, comme je peux en avoir une, mais ce n'est pas la question. Ma mission est de créer les conditions d'une culture d'établissement commune, sur le terreau d'un établissement qui a été créé il y a deux ans et qui n'est pas achevé. Je dis les choses comme je le sens : le processus de création de l'AFB n'est pas terminé et la culture d'établissement, comme je l'ai vu dans d'autres établissements que j'ai dirigés, ne se décrète pas. Elle se construit dans le temps avec les agents.

Je tiens à insister sur le fait que l'on ne pourra pas construire le futur établissement public sans s'appuyer sur les agents, grâce à des groupes de travail qui permettront de « mixer » l'AFB et l'ONCFS, de travailler sur les grands sujets que nous sommes en train d'évoquer, en sollicitant des propositions, et de porter une grande attention au mixage territorial des implantations. Ce sera un gros travail – il existe environ 300 implantations au total. On fera du « 1+1 » : ma lettre de mission me demande de créer une structure qui soit un établissement plus un autre, et non de faire une restructuration en supprimant des missions, des agents et des moyens. Il y a un vrai défi : comment réaménager les implantations territoriales en mixant les agents afin de mieux assurer les missions sur le plan opérationnel ? Ce sera une priorité pour la construction du nouvel établissement, et ça ne se fera pas en un an.

Tout ne peut pas être réalisé dans ce délai, comme je l'ai dit d'emblée. Certaines choses doivent être faites en un an, mais d'autres ont des échéances de deux ou trois ans : il faut construire le projet d'établissement avec les agents. Ce qui doit être absolument réglé au 1er janvier 2020, ce sont les structures de l'établissement, la gouvernance, ainsi que les questions relatives au budget et aux ressources humaines (RH), étant entendu que les regroupements territoriaux ne pourront avoir lieu que dans un temps plus long.

En ce qui concerne le budget et les moyens, le contexte actuel est difficile. Je vais me rendre au conseil d'administration de l'ONCFS tout à l'heure, juste après cette réunion : la réduction de la redevance cynégétique conduit à une moins-value de 20 millions d'euros de recettes pour l'établissement, qui n'est pas compensée et doit être prélevée sur les fonds de roulement. Vous avez entendu les directeurs généraux des deux établissements : c'est un sujet de gestion sur lequel je n'ai pas à intervenir.

En revanche, je dois faire en sorte que le modèle économique du futur établissement ne soit pas grevé. Il s'agit de faire, je l'ai dit, du « 1+1 » en regroupant et en consolidant les budgets des établissements. J'ai reçu un cadrage clair. On me l'a dit, et j'ai insisté pour le savoir : c'est un regroupement d'établissements, de budgets et d'agents, et non une réduction de moyens. Je serai très vigilant et je construirai, avec les équipes, les directions budgétaires et les agences comptables, les outils financiers nécessaires.

Vous savez, en effet, qu'il y a beaucoup d'aspects un peu techniques derrière ces sujets. Les systèmes d'information des deux établissements, par exemple, ne sont pas les mêmes : sans entrer dans les détails, ce sont des obstacles à lever. Derrière la question des moyens et des budgets, il y a plusieurs points à traiter. Je ferai des propositions, avec les deux directeurs généraux, pour la préfiguration du futur établissement en matière de gestion, mais aussi pour la création des outils financiers qui lui permettront de fonctionner. Nous devrons aller assez vite, car nous serons confrontés à la question dès 2020.

Je ne vais pas contourner le sujet de la gouvernance. Je vous l'ai dit, mon point de vue est que l'on ne peut pas avoir une gouvernance resserrée, comme le demande le projet de loi, et avoir au conseil d'administration tous les membres actuels : ce n'est pas possible. Comme l'a dit madame la présidente, il n'y aura pas forcément le même nombre de membres dans chaque collège. Vous savez que la concertation est au coeur de ma mission : je dois rencontrer les parties prenantes pour les écouter, faire la part des choses et voir quelles sont les possibilités, notamment en ce qui concerne la répartition entre les différentes instances. Je ferai ensuite des propositions, mais ce sera au Gouvernement de décider. Pour moi, il est évident que l'efficacité opérationnelle d'un établissement ne peut pas s'accommoder d'un conseil d'administration de 70 personnes. C'est un vrai enjeu, mais la phase de concertation ne fait que commencer, et je ne peux donc pas vous en dire davantage sur ce sujet. Ma feuille de route consiste à proposer une répartition juste dans le contexte d'un conseil d'administration resserré, et j'insisterai sur la nécessité d'une représentation équilibrée.

L'outre-mer est un aspect fondamental pour moi, comme je vous l'ai déjà dit. Il faudra veiller à cette question.

Vous m'avez interrogé sur ce qui a vocation à figurer dans la loi ou au contraire dans le décret. J'entends qu'il y a une vigilance à exercer sur ce point, qui est très important. Je pense que la loi doit fixer le cadre général et que l'organisation de l'établissement, au-delà d'un certain degré de précision, n'a pas à figurer dans la loi mais plutôt dans le décret : sinon, cela peut compliquer la gestion et la vie de l'établissement. Je l'ai vu à d'autres étapes de ma carrière. Il faut une répartition bien équilibrée entre la loi et le décret. Voilà mon point de vue, mais c'est vous qui prendrez les décisions dans le cadre du débat parlementaire à venir. Il faudra être vigilant et penser à l'avenir de l'établissement, qui devra fonctionner. Certains éléments, notamment la composition des comités d'experts en charge de la gestion adaptative, relèvent du pouvoir réglementaire : il faut laisser une certaine souplesse.

La question de l'articulation territoriale, notamment avec les DREAL, pour l'exercice de la police de l'environnement, est très importante. Je veillerai – pour répondre notamment à la question de M. Loïc Prud'homme – à ce qu'il y ait adéquation entre les missions et les moyens. En effet, on ne peut à la fois se fixer pour objectif d'exercer une véritable police de l'environnement – ce que la taille critique du futur établissement devrait permettre, comme je l'ai dit – et réduire les moyens alloués à cette mission.

En ce qui concerne l'appui fourni par les services départementaux et régionaux aux ressources existantes en matière de police environnementale, notamment sous l'égide des préfets, des scénarios sont à l'étude, à la suite des rapports de l'inspection générale. Il appartiendra au Gouvernement de décider de l'articulation entre les services départementaux et ceux du futur établissement. Mon opinion est que cet établissement, qui sera l'opérateur de référence en matière de police de l'environnement, doit absolument avoir des moyens suffisants pour exercer ses missions et bénéficier d'un appui fort des services qui sont sous l'égide des préfets. Je pense que ce sera le cas. D'ailleurs, les services départementaux et ceux de l'ONCFS et de l'AFB travaillent déjà ensemble.

J'ai été interrogé sur le rapprochement entre le futur établissement et l'Office national des forêts (ONF). Dès lors que l'office exerce lui aussi des missions de police, il est parfaitement légitime de se demander si le rapprochement est possible. Mon point de vue – que j'ai déjà exprimé au ministre – est que ce serait prématuré : on ne peut à la fois considérer qu'il est déjà très compliqué de fusionner deux établissements, dont l'un est encore en phase de stabilisation après sa création récente, et vouloir intégrer une partie ou la totalité d'un troisième, à savoir l'ONF, qui emploie 8 000 agents. Je considère que cette démarche déstabiliserait l'AFB-ONCFS, nouvellement créé. À l'avenir, en revanche, pourquoi pas ? Il ne m'appartient pas d'en décider. Un tel rapprochement peut avoir du sens.

S'agissant du pilotage de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), celui-ci est effectivement assuré par l'AFB. À l'avenir, il semble absolument évident que le nouvel établissement devra être au coeur de l'élaboration et du suivi de la SNB, sachant que le rôle de la tutelle est également très important en la matière, aux côtés de nombreux autres acteurs.

En ce qui concerne la contribution de 5 euros par chasseur due par les fédérations, je vous avoue que, pour l'instant, j'ai tout juste commencé à en parler. Je vais rencontrer pour la première fois tout à l'heure le conseil d'administration de l'ONCFS. Je rencontrerai aussi, évidemment, les fédérations de chasseurs. Cela représente un volume de 5 millions d'euros environ, ce qui n'est pas neutre dans un budget. Pour l'instant, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question : je me garde le temps d'y réfléchir. Toutefois, il est évident que c'est l'un des éléments de ma mission que j'ai bien présent à l'esprit.

Je vais également rencontrer des présidents de comités de bassin – car les ressources de l'AFB sont abondées, comme cela a été rappelé, par les agences de l'eau, de même que celles de l'ONCFS le sont par les chasseurs. Il faut savoir ce que l'on veut : si l'on crée un établissement, il faut lui donner des moyens et les garantir dans la durée. Cela dit, que ceux qui sont au coeur du financement des établissements actuels puissent avoir leur mot à dire à propos de l'avenir est une évidence. Le rôle des comités de bassin est connu, comme celui des agences de l'eau, comme celui des fédérations de chasseurs. Mais ce sujet participe lui aussi de la question de la gouvernance. Or, une fois encore, je ne peux pas vous dire qui doit faire partie du conseil d'administration : je risquerais d'aller trop loin si j'en parlais à ce stade.

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