Intervention de Anne LAURENT

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Anne LAURENT, directrice des mobiles et de l'innovation à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) :

Merci Monsieur le président. L'ARCEP est effectivement indépendante et notamment chargée de définir la procédure d'attribution des fréquences radio, qui sont le carburant nécessaire au déploiement de cette technologie 5G. Une procédure de codécision est mise en place. Nous proposons au gouvernement des modalités d'attribution, qu'il lui appartient ensuite de décider.

La 5G apporte un certain nombre de ruptures technologiques et d'usages : le saut de performance est un débit multiplié par 10, la latence divisée par 10, enfin, une fiabilité de la communication renforcée grâce à la possibilité de configurer le réseau en tranches. La qualité de service sera adaptée à chaque type d'usage. La 5G est un « capaciteur » : elle présente un potentiel d'usages très variés avec la réalité virtuelle, la réalité augmentée, l'amélioration de la qualité de la diffusion audiovisuelle et des usages dans les transports, pour la santé, etc. Cette technologie soulève également de nombreuses questions en termes d'industrie du futur.

Le 16 juillet 2018, le gouvernement et l'ARCEP ont rendu publique une feuille de route ambitieuse pour la France en matière de 5G. La feuille de route prévoit quatre grands objectifs : lancer plusieurs pilotes 5G sur une variété de territoires ; accueillir des premières mondiales d'application de la 5G dans des domaines industriels ; attribuer des fréquences en 2020 dans une grande ville ; couvrir les axes de transport principaux en 2025.

Les quatre volets d'action de l'ARCEP se croisent avec ces objectifs : la libération et l'attribution des fréquences radio, la simplification des conditions de déploiement, la mobilisation des acteurs et la dynamisation de l'écosystème, enfin, l'amélioration du dialogue et de la transparence autour de l'exposition aux ondes électromagnétiques. Ce dernier et quatrième axe concerne pour l'ARCEP l'anticipation des réseaux du futur et l'information du public. Le comité prospectif sur les réseaux du futur a été mis en place il y a cinq mois. Le troisième axe sur la mobilisation des acteurs inclut notamment, pour nous, l'ouverture d'un guichet pilote depuis janvier 2018, ainsi que des actions de sensibilisation et de mobilisation pour favoriser l'émergence de nouveaux usages.

Le deuxième axe impliquera un point sur la fiscalité. Parallèlement, des réflexions avec les collectivités sur les bonnes pratiques en matière d'accès au mobile urbain sont engagées. Sur le premier axe, l'ARCEP a deux chantiers à ouvrir : d'une part, définir le plan de fréquences cible, c'est-à-dire la quantité et la planification des fréquences attribuées, d'autre part, se demander à qui les attribuer et quelles seront les obligations attachées aux licences.

Le 26 octobre 2018 a ainsi été lancée une consultation publique, ouverte jusqu'au 19 décembre. Nous avons accompli un effort particulier de pédagogie pour ne pas utiliser des termes trop spécifiques au secteur des télécommunications. L'objectif consiste à ouvrir cette consultation le plus largement possible en interrogeant les acteurs sur les usages à venir de la 5G et sur les conditions pour permettre leur émergence. Cette consultation aborde les questions de fréquence, d'évaluation des besoins en termes de largeur de bande, les problématiques de coexistence avec les utilisateurs existants, le potentiel d'obligations futures associées aux autorisations, notamment les obligations en matière de couverture ainsi que les obligations de nature à favoriser l'accès au spectre d'autres acteurs que les opérateurs, notamment pour des besoins professionnels spécifiques.

L'ARCEP proposera au gouvernement un appel à candidatures au second trimestre 2019. La consultation publique sera donc suivie d'une proposition concrète d'appel à candidatures en vue d'un déploiement commercial de la 5G en 2020.

Une comparaison européenne permet de constater que trois bandes sont visées par les équipementiers : celles des 700 mégahertz, 3,5 gigahertz et 26 gigahertz. La France n'est pas tellement en retard, car elle avait de l'avance sur la bande 700 mégahertz et notre calendrier semble adapté pour les deux autres bandes. L'Italie est le seul pays à avoir attribué les trois bandes de fréquences, il y a quelques semaines.

Des travaux d'approfondissement avec les acteurs, notamment les collectivités publiques, seront nécessaires et des travaux techniques auront lieu pour affiner le plan de fréquences cibles. Un certain nombre de réunions d'information menées avec le gouvernement permettront la définition d'usages ciblés.

Les questions sont différentes selon les bandes de fréquence considérées. La bande 700 mégahertz, déjà attribuée aux opérateurs, pourrait être utilisée pour la 5G, mais elle répond davantage aux besoins de la 4G. Sa capacité limitée ne lui permet pas d'offrir le débit annoncé pour la 5G. En revanche, elle offre l'avantage d'une latence réduite.

Les autres bandes font encore l'objet de questions dans le cadre de la consultation publique. Il est possible qu'elles soient attribuées l'an prochain. La bande 1 400 mégahertz ne permet que des communications en sens descendant de la station de base vers le terminal. Cette bande représente une augmentation de capacité de 90 mégahertz, mais très utilisée pour des applications régaliennes sensibles, dont le contrôle des crues. Elle sera en 4G ou 5G du fait de sa petite taille. Elle pourra être couplée aux applications à venir.

La bande 3 400-3 800 mégahertz est plutôt une bande haute. Elle ne permet de couvrir que 90 % de la population, ce qui laisse penser qu'elle n'est pas adaptée pour couvrir tout le territoire. Il faut des bandes basses pour assurer la couverture à 100 %. En outre, cette bande est occupée actuellement par des utilisateurs gouvernementaux avec lesquels les discussions se poursuivent. Elle est également occupée par des opérateurs de boucles locales de radio. Des travaux importants doivent être menés pour étudier qui déplacer et comment faire cohabiter la 5G et ces réseaux. Les questions autour de cette cohabitation sont très complexes. Les fréquences de la 5G ne sont pas réservées à des liens montants ou à des liens descendants. Cette situation conduit à la nécessité que les réseaux émettent de manière simultanée, l'alternative consistant à avoir des bandes de fréquence différentes selon le sens et qui fonctionnent séparément.

La bande de 26 gigahertz est très directive, ce qui suppose d'avoir une ligne de vue et qu'il n'y ait personne sur celle-ci. Cette bande peut constituer une alternative à la fibre optique, mais pas partout étant donné que nul ne doit passer entre l'émetteur et le récepteur. Cette technologie est très adaptée aux États-Unis en raison de la structure géographique et de l'habitat. Le très haut débit fixe avec cette bande ne paraît pas évident en France. La consultation publique permettra d'améliorer la qualification de cette analyse. Nous imaginons donc davantage des usages de densification tels que des hotspots, notamment pour les entreprises. Nous n'avons pas reçu de demande d'expérimentation sur cette bande. Nous les appelons cependant de nos voeux. En outre, cette bande est associée à plusieurs projets de stations satellites en cours de traitement. En tout cas, vous voyez qu'il y aura beaucoup de travail d'ici l'attribution des bandes de fréquences.

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