Intervention de Gilles BREGAND

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gilles BREGAND, directeur général de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) :

Merci Monsieur le président. L'ANFR est un établissement public dédié au spectre, territoire invisible, mais crucial dans le monde actuel. Un très grand nombre d'activités économiques l'emploient. Toute activité sans fil y est associée. La 5G est une demande importante en termes de spectre, mais ce n'est pas la seule. Le spectre est une ville-champignon qui attire de nombreuses personnes.

La 5G est un sujet important, mais de nombreux usages doivent être abordés. Le new space concerne les connexions satellites en orbite basse, jusqu'à plusieurs centaines par constellation. Des drones, des voitures intelligentes et des trains fonctionnent de plus en plus avec des fréquences radio. Des bateaux seront aussi autonomes et intelligents. Les besoins en termes de sécurité sont croissants dans la police, la gendarmerie, la récupération des situations après les crues, les ouragans, etc. L'Agence propose régulièrement des évolutions du « plan d'occupation des sols des fréquences » au Premier ministre. Nous cherchons des optimisations en écoutant les acteurs pour améliorer leur répartition. Nous devons être diplomates vis-à-vis de nos homologues. Les bornes de fréquence de la 5G doivent être les mêmes en France et sur le reste du continent européen. Un travail important a été réalisé à ce niveau par l'Agence depuis plusieurs années. Nous devons aussi reprendre le contrôle de l'implantation de chaque site, puisque l'Agence autorise chaque site d'émission sur le territoire.

L'Agence prend environ, chaque semaine, 1 000 décisions de création, modification ou suppression de sites d'émission de fréquence. Durant cette réunion, j'ai indirectement pris plusieurs décisions d'autorisation de site parmi ceux qui ne gênent pas l'environnement et qui sont conformes aux autorisations reçues des opérateurs de télécommunications, de l'aviation civile, des pompiers, etc. Nous sommes garants de l'exposition du public et nous avons la capacité d'exproprier les personnes qui se trouvent dans une bande de fréquence dont l'usage a changé. L'Agence peut, enfin, telle une banque, préfinancer l'expropriation et se faire rembourser par les utilisateurs, souvent les opérateurs de télécommunications.

Le spectre se décide à trois niveaux. La décision s'esquisse en premier lieu au niveau mondial, étant donné que la demande de 5G est émise par l'Union internationale des télécommunications (UIT) qui dépend des Nations Unies. Ensuite, l'harmonisation se déroule au niveau européen avec 48 pays du continent et une harmonisation plus intense au niveau de l'Union européenne. C'est à ce niveau que se situent les bornes 3,4-3,8 et 26 gigahertz. Au niveau national, les décisions sont entérinées et nous précisons les conditions des usages des acteurs nationaux.

Le spectre des fréquences est déjà très occupé. Ce n'est pas l'Amérique d'avant Christophe Colomb, mais plutôt l'Amérique du XIXe siècle avec encore des espaces libres. La 5G consommera beaucoup de spectres, de l'ordre du gigahertz, c'est-à-dire tout ce que le XXe siècle a occupé en termes de communications, en commençant par les bandes les plus basses. Il faut imaginer un aménageur du territoire confronté à la problématique de la création du quartier de la Défense dans les années 1950 et 1960. Il s'agissait de trouver de l'espace pour construire de nouveaux bâtiments. Une solution astucieuse aurait consisté à prendre de l'espace dans Paris intra muros, car cette zone est au centre des différentes voies d'accès. Il aurait fallu éventuellement raser la moitié de Paris pour que ce soit plus efficace. Mais il y avait des solutions pour construire des bâtiments de grande hauteur correspondant plus à la 5G, c'est-à-dire la tour Montparnasse et d'autres immeubles dans le 13e arrondissement. Nous devons en quelque sorte trouver des zones où installer des quartiers d'affaires nouveaux, comme La Défense ou Val-de-Fontenay, correspondant aux bandes hautes de la 5G. Notre problème consiste à marier les bandes hautes, qui sont moins faciles d'accès et nécessiteront d'être viabilisées, et les bandes basses.

Les bandes de la 5G ont été préalablement évoquées par les autres intervenants. La bande C, la bande 3,4-3,8 gigahertz et la bande 26 gigahertz occupent pratiquement 3 gigahertz. Ce sont les bandes pionnières de la 5G. Les bandes vierges pour les opérateurs de télécommunications sont des bandes aujourd'hui déjà prises pour d'autres usages. Chaque bande de fréquence est liée à des usages installés. La bande 3,4-3,8 gigahertz est utilisée par la météo et des faisceaux hertziens du ministère de l'intérieur, la bande 26 gigahertz par la météo, la défense, l'espace, etc. Il faut organiser une expropriation dans des conditions satisfaisantes pour rendre ces bandes utilisables. Cette évolution est engagée. La bande 3,4-3,8 gigahertz est en cours d'affectation à l'ARCEP. Elle sera dégagée à temps pour les attributions de la 5G. L'Agence des fréquences dégagera ce mois-ci un gigahertz de la bande de 26 gigahertz.

Toutes les bandes basses sont destinées à évoluer en 5G. Les bandes 700 et 800 mégahertz sont déjà compatibles avec cette technologie. Les autres bandes seront prochainement harmonisées au niveau européen. Les bandes de 5G dans les bandes basses sont des bandes de couverture, donc de moindre capacité car plus étroites.

Il y aura de la 4G sur tout le territoire avec un débit un peu moindre. À terme, la 5G sera dans les bandes basses sur l'ensemble du territoire national. 24 sites sont d'ores et déjà autorisés en 5G au niveau expérimental. D'autres bandes sont actuellement en discussion au niveau mondial, comme les bandes 26 gigahertz qui sont d'une grande capacité. Ces bandes permettront des usages à faible portée. Elles seront stabilisées à la fin de la conférence plénière sur les radiocommunications prévue dans un an en 2019. Elles seront ouvertes le moment venu.

La 5G consommera énormément de bandes de fréquence, environ 1 200 mégahertz sous les 6 gigahertz, soit un cinquième de la capacité totale des bandes basses. Le plan de développement pour atteindre cet objectif est considérable. Une capacité dix fois plus importante est en attente sur les bandes hautes, mais sous réserve d'avoir les antennes qui permettent d'exploiter ces bandes et suffisamment intelligentes pour pallier les problèmes liés aux obstacles physiques. Le grand nombre de bandes permet de maintenir les communications.

L'ANSES a un rôle en matière sanitaire et a un rôle de vérification du respect des seuils d'exposition : elle vérifie le niveau d'exposition au niveau ambiant et a un rôle de contrôle de l'exposition des terminaux, pour une centaine de terminaux analysés par an. Pour utiliser des fréquences hautes, la 5G offre des antennes moins ambiantes, mais plus focalisées. Nous passons d'un « néon » à un « projecteur », qui balaie l'assistance et diffuse des mégabits en fonction des besoins. Ces antennes modifieront l'exposition du public. L'exposition du public sera en moyenne moins élevée, mais elle sera plus élevée fugitivement pour la personne qui utilise toutes les capacités, par exemple pour lire une vidéo sur Youtube en haute définition.

L'Agence a un rôle important de veille des valeurs limites de l'exposition du public. Dans le cadre des expérimentations en cours à Bordeaux et Marseille, nous travaillons avec les opérateurs pour contrôler l'exposition du public. Nous parlons également beaucoup avec les collectivités locales, qui sont très intéressées par la 5G, car elle représente pour elles un avantage concurrentiel, mais elles sont aussi soucieuses que l'exposition aux ondes soit bien maîtrisée.

Nous avons mis en place un comité national de dialogue, prévu par la loi, qui se réunira pour la première fois le mois prochain, puis régulièrement sous la présidence de Michel Sauvade. Il permettra d'échanger sur divers sujets, dont la 5G. Nous nous réunissons avec les mairies concernées. L'Agence mesure, affiche ses mesures et fait en sorte que les seuils soient respectés. La 5G nécessitera de rédiger de nouveaux textes. La plupart des textes actuels sont plutôt conçus pour des bandes en dessous du gigahertz. Avec la 5G, ce sera la première fois que nous utiliserons des fréquences hautes au niveau terrestre, en particulier dans les villes, ce qui nécessite une mise à jour des textes, étant donné que jusqu'à présent ces fréquences étaient utilisées pour les satellites et les radars, des matériels sans obstacles. L'Agence doit mener ce travail à bien pour que tout soit prêt lors des appels à candidatures 5G.

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