Même avis, pour trois raisons essentielles. Tout d'abord, la rétention de sûreté prévue aux articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale peut déjà être prononcée à l'encontre de certaines personnes condamnées pour les actes de terrorisme les plus graves, notamment celles qui sont condamnées pour des crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé commis dans un but terroriste dès lors qu'elles présentent, notamment, un trouble de la personnalité grave.
Par ailleurs, parce qu'elle conduit à une privation totale de liberté après l'exécution de la peine, cette mesure doit être strictement réservée aux infractions les plus graves afin de respecter le principe constitutionnel de nécessité des peines. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel l'a réaffirmé à diverses reprises et a précisé, dans sa décision de 2008, qu'elle n'avait vocation à s'appliquer que pour des crimes d'une extrême gravité.
Votre amendement, qui propose d'étendre la rétention de sûreté à des délits, y compris ceux que la loi ne qualifie pas d'actes de terrorisme, par exemple le délit d'apologie de terrorisme, me semble à l'évidence contraire à la Constitution pour cette raison. D'ailleurs, les personnes qui seront bientôt remises en liberté – je vous redonnerai les chiffres si vous le souhaitez – ne sont pas toutes des terroristes islamistes. Certaines ont été condamnées pour apologie du terrorisme et présentent de moindres degrés de dangerosité.
Enfin, cette mesure n'est pas la mieux adaptée à l'ensemble des profils de terroristes, car elle est conçue pour des personnes qui présentent un trouble grave de la personnalité, ce qui n'est pas le cas de tous. Le Conseil d'État l'avait relevé en 2015, quand il indiquait que « la situation des personnes radicalisées condamnées pour crime de terrorisme qui persistent dans la dangerosité relève d'une autre logique et d'un autre type de prise en charge. » Le Gouvernement a donc fait voter en 2017 la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme – loi SILT – , qui a permis de mettre en place les MICAS – mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance – , que nous avons très brièvement évoquées tout à l'heure.
Ces MICAS prévoient d'imposer aux personnes pour lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement représente une menace d'une particulière gravité, des interdictions de se déplacer à l'extérieur d'un périmètre déterminé, ainsi que des obligations de pointage ou de placement sous surveillance électronique.
Il me semble qu'il existe d'autres réponses que celle de la rétention de sûreté.