Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du lundi 3 décembre 2018 à 21h35
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 43 bis

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Pour commencer mon propos, je reprendrai l'argumentation que vient de développer M. le rapporteur : ce mécanisme de peine obligatoire, en raison de son caractère dérogatoire du droit commun, doit me semble-t-il être réservé aux infractions d'une particulière gravité. C'est le cas des infractions terroristes, pour lesquelles ce dispositif est déjà prévu.

Mais il me semble que, si on élargit ou généralise cette mesure d'interdiction du territoire aux peines d'au moins cinq ans de prison, on l'étendra à un champ extrêmement large d'infractions, tel que le fameux vol de motocyclette avec bris de neiman que j'ai mentionné tout à l'heure, l'abus de biens sociaux ou l'apposition d'une fausse plaque ou d'une fausse inscription sur un véhicule à moteur.

Cette généralisation paraît d'autant moins nécessaire que la peine est déjà encourue à titre facultatif pour de nombreux délits et qu'elle a été étendue récemment, par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, notamment aux délits de violence, de mariage forcé ou d'agression sexuelle. Par conséquent, la peine est déjà installée.

Pour répondre précisément à votre interrogation, monsieur Ciotti, il y a parmi les détenus 22 % d'étrangers, ce qui représente environ 15 000 détenus. Il faut bien entendu différencier, dans ce total, ceux de l'Union européenne et ceux qui n'en font pas partie. Si, théoriquement, les premiers peuvent effectuer leur peine dans un pays autre que la France, ce n'est pas le cas des autres, pour lesquels nous devons demander certains titres avant de les renvoyer dans leur pays d'origine.

Par ailleurs, si nous adoptions l'amendement, nous devrions nous assurer que les personnes condamnées en France effectuent bien leur peine dans le pays où nous les renverrions et que leur renvoi ne priverait pas certaines victimes de réparation.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.

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