Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur pour avis :

Monsieur Clément, votre intervention s'apparentait davantage à une déclaration qu'à une question. Chacun est libre de souscrire ou non à vos propos. En tout cas, je vous remercie d'avoir partagé votre pensée avec nous.

Madame Maquet, en ce qui concerne les délais d'examen des dossiers de demande d'asile par l'OFPRA, je vous rappelle que le budget pour 2019 est fondé sur l'hypothèse selon laquelle ces demandes n'augmenteront pas. Or, aujourd'hui, rien ne permet d'affirmer que tel sera le cas. Si la tendance actuelle – une augmentation de 17 % par an – se maintient, nous n'aurons donc aucun moyen de respecter ces délais, qui sont actuellement de 150 jours en moyenne – 105 jours dans le cadre de la procédure accélérée. En tout état de cause, faute d'ETP supplémentaires – puisque, Mme Dumont l'a indiqué, les 10 ETP prévus dans le budget seront exclusivement affectés à la Guyane pour gérer le problème de l'immigration haïtienne –, rien ne permet de dire que l'on atteindra l'objectif de diminuer la durée de traitement des demandes d'asile, qui est pourtant crucial.

S'agissant des Centres de rétention administrative, le problème ne se limite pas à la question de l'ouverture de places supplémentaires. En effet, ouvrir des places, c'est très bien, mais, faute de fonctionnaires de police pour faire tourner les centres, ces places seront « neutralisées ». Actuellement, 10 % à 15 % des places de CRA sont déjà neutralisées et ne peuvent donc pas être ouvertes, même si les équipements existent. Je rappelle en effet que toute place nouvelle nécessite 1,7 équivalent temps plein – ce n'est pas anodin. Or, à l'heure actuelle, les moyens humains sont insuffisants pour assurer le plein fonctionnement des places du parc de CRA.

Se pose également la question, laquelle relève davantage d'une procédure interne, de savoir qui l'on place en centre de rétention administrative. Dans le cadre d'expérimentations menées actuellement, principalement en Île-de-France, on s'efforce de placer dans ces centres des personnes pour lesquelles on obtiendra facilement des laissez-passer consulaires, de sorte qu'on sait qu'elles seront facilement reconduites à la frontière. On assure ainsi un plus grand turn-over. Il faut donc éviter de placer en CRA des personnes dont on sait qu'elles n'ont aucune chance d'être reconduites à la frontière parce que leur pays d'origine ne délivrera pas de laissez-passer consulaires. C'est pourquoi il était important pour nous d'obtenir ce document dont l'administration nous refuse la communication.

En ce qui concerne le contrat d'intégration républicaine (CIR), le nombre des heures de cours de français a en effet doublé, passant de 300 à 600 heures, mais nous sommes encore très loin de ce que proposent nos voisins européens. En Allemagne, par exemple, le nombre d'heures de cours d'allemand est de 900. De même, le niveau de qualification attendu en français est largement inférieur au niveau de qualification attendu en allemand. Peut-être cette augmentation n'est-elle qu'une première étape – ce sera aux élus de la majorité de nous le dire –, mais nous sommes encore très loin, je le répète, d'une pleine intégration par la langue.

Enfin, le gouvernement français veut revoir l'accord de Dublin. Du reste, tous les gouvernements en Europe – ainsi que tous les partis représentés dans notre assemblée – le souhaitent, pour des raisons différentes. De fait, cet accord n'est pas appliqué ou mal appliqué et il produit surtout un effet repoussoir. Mais nous ne pourrons le revoir que si nous avons des alliés dans le cadre de la négociation européenne. Or, actuellement, il est très difficile d'aboutir à une position commune car chacun – les pays nordiques, la France, l'Allemagne, l'Italie – tire dans un sens différent, de sorte que je ne crois pas, hélas ! que l'on parviendra à une refonte du système de Dublin.

Monsieur Fanget, vous avez évoqué la solidarité des États membres. J'étais, hier, en discussion avec un collègue allemand de la CDU qui ne connaissait pas la différence des taux de protection selon les nationalités entre la France et l'Allemagne, par exemple. Pour les Allemands, ce n'est pas une véritable question, alors que, pour nous, le sujet est crucial, puisque 80 % des Afghans qui demandent l'asile en France l'ont déjà demandé ailleurs. De manière générale, 57 761 des quelque 100 000 demandes d'asile enregistrées en France en 2017 ont été formulées par des personnes qui ont déjà demandé l'asile ailleurs en Europe. Il est donc nécessaire d'harmoniser les taux de protection entre les différents pays européens, les procédures et les aides qu'on peut apporter aux demandeurs d'asile, mais aussi de modifier certaines législations. Ainsi, lorsque le Gouvernement parle de centres contrôlés, cela signifie concrètement que des pays comme l'Espagne, l'Italie ou la Grèce doivent profondément changer leur législation interne pour créer des centres fermés, qui, actuellement, n'existent pas.

Par ailleurs, Frontex peut combler certaines failles, mais uniquement aux frontières extérieures de l'Europe. Je rappelle également que la contribution de la France au budget de Frontex est estimée à hauteur de 11 %, soit 370 équivalents temps plein qui quittent notre police de l'air et des frontières (PAF). Il va donc falloir les refinancer au niveau national. En effet, Frontex aura pour mission première, non pas d'intervenir sur notre frontière avec l'Espagne ou l'Italie, mais d'équilibrer le contrôle des frontières extérieures de l'Union, notamment avec les Balkans.

Madame Dumont, en ce qui concerne les équivalents temps plein affectés en Guyane, nous sommes parfaitement d'accord. Le budget de l'OFPRA n'augmentera, en 2019, que de 1 %. Est-ce suffisant ? Je ne le crois pas. Nous verrons qui a raison mais, en tout état de cause, il sera très difficile de débloquer des crédits en cours d'exercice pour faire face à d'éventuelles demandes d'asile supplémentaires.

En ce qui concerne les conditions d'hébergement des demandeurs d'asile, on a besoin de fluidité, en particulier dans le dispositif national d'accueil. En effet, actuellement 13 % des places sont indûment occupées par des personnes qui ont été déboutées de leur demande d'asile mais qui restent dans ces hébergements et qui, ce faisant, prennent la place de personnes qui se retrouvent, vous l'avez dit, dans des squats ou qui sont hébergées grâce à une allocation pour demandeur d'asile (ADA) majorée. À l'évidence, tout cela ne fonctionne pas. La véritable solution, au-delà de l'augmentation du parc d'accueil et d'une clarification de ce qui relève du DNA et de ce qui n'en relève pas, consiste à fluidifier le parc et à faire en sorte que ceux qui n'ont pas vocation à être dans le DNA n'y restent pas et soient donc reconduits s'ils sont parvenus au bout de la procédure.

Monsieur Lecoq, je donnerai quelques chiffres concernant Mayotte : on y enregistre de 25 000 à 30 000 entrées par an, qui donnent lieu à 18 000 à 20 000 reconduites par an. Par ailleurs, je n'étais pas député lorsque la départementalisation de Mayotte a été décidée.

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