Intervention de Frédéric Barbier

Réunion du mardi 20 novembre 2018 à 17h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Barbier, rapporteur du groupe de travail :

L'élargissement des coopérations dans le domaine de la santé est particulièrement nécessaire. Leur objectif doit d'abord être de répondre aux besoins exprimés par les populations des bassins de vie frontaliers ; le patient doit être placé au centre. Or, aujourd'hui, que ce soit côté suisse ou français, on peut dire que ce sont les contingences organisationnelles et comptables qui prédominent. Les coopérations transfrontalières peuvent aussi, ce n'est pas contradictoire, offrir des opportunités de gérer de manière plus rationnelle l'offre de soins en prenant en compte les besoins et les moyens au niveau de l'ensemble de chaque bassin de vie transfrontalier. On l'a vu à Bâle, qui s'apprête à lancer un plan de reconstruction d'une partie de son hôpital universitaire pour un milliard d'euros. Il serait rationnel et efficace de penser également les investissements sanitaires en termes de bassins de vie transfrontaliers, plutôt que d'arrêter les réflexions, de façon réductrice, à la frontière.

Le faible développement des coopérations sanitaires avec nos voisins suisses et luxembourgeois, jusqu'à présent, n'est pas seulement imputable à l'absence d'accords-cadres avec eux dans ce domaine. D'autres facteurs sont en jeu.

Tout d'abord, il faut relever les différences importantes de niveaux de vie, de salaires, de coûts de santé entre ces deux pays et la France, de l'ordre de 1 à 2,5, voire parfois plus. C'est une situation très spécifique car on ne retrouve pas du tout les mêmes écarts avec nos autres voisins, espagnols, italiens, allemands ou belges.

Ces écarts peuvent représenter une opportunité pour les professionnels français qui reçoivent dans leurs cabinets des Luxembourgeois attirés par leurs tarifs ou des travailleurs frontaliers affiliés au Luxembourg, car ceux-ci bénéficient de droit d'une prise en charge par la sécurité sociale luxembourgeoise de ces soins dispensés en France. Il en va de même sur certaines parties de la frontière franco-suisse.

Mais ces écarts de rémunérations entraînent aussi une attraction considérable pour les professionnels français, qui sont tentés d'aller prendre des emplois à Genève ou à Luxembourg. Par exemple, deux tiers des infirmiers des Hôpitaux universitaires de Genève sont français. Corrélativement les hôpitaux haut-savoyards ont des problèmes de recrutement et de fidélisation ; on constate dans ces établissements des turn-over annuels supérieurs à 20 %, avec de nombreux départs vers les établissements de Genève.

Dernière conséquence des écarts de coûts de santé : les autorités françaises de santé et de sécurité sociale sont réticentes à passer des accords qui aboutiraient parfois au financement par la France de soins dispensés de l'autre côté de la frontière.

Autre conséquence plus générale de l'attraction des salaires suisses et luxembourgeois, le nombre très élevé de travailleurs transfrontaliers. Sur environ 360 000 frontaliers qui, chaque jour, quittent leur domicile français pour aller travailler à l'étranger, un sur deux va en Suisse, un sur quatre au Luxembourg. Ces effectifs sont en forte augmentation tendancielle et cela engendre un grand dynamisme démographique dans certaines zones frontalières. Mais cette situation rend aussi plus forte la demande de fluidité dans l'accès aux soins transfrontaliers et aggrave les enjeux de la démographie médicale dans ces zones.

Une autre difficulté doit être signalée avec la Suisse, qui n'appartient pas à l'Union européenne, mais négocie des arrangements au cas par cas. Cela signifie que les règles générales européennes ne s'appliquent pas toujours avec la Suisse. Ce pays est par exemple intégré à la coordination européenne de sécurité sociale, qui permet la prise en charge par la sécurité sociale du pays d'origine de soins en urgence ou de soins programmés lourds autorisés. Mais la Suisse n'a pas reconnu la directive santé de 2011, qui est essentielle pour les soins ambulatoires courants transfrontaliers, car elle prévoit la prise en charge de ceux-ci par la sécurité sociale d'affiliation. Par ailleurs, en matière d'affiliation des travailleurs transfrontaliers, alors que le droit européen impose l'affiliation dans le pays de travail, l'accord européen avec la Suisse offre un droit d'option entre pays de résidence et pays de travail. Cette souplesse a entraîné de multiples difficultés et litiges, qui sont en voie de règlement suite à un accord bilatéral franco-suisse de 2016 et à une jurisprudence très claire de la Cour de cassation de mars dernier.

Enfin, la Suisse est un État fédéral, ce qui complexifie les relations avec notre pays, qui reste très centralisé.

Nous avons également identifié plusieurs difficultés imputables à notre organisation administrative, mais nous allons les rappeler en même temps que nous présenterons les recommandations du groupe de travail, car il convient bien sûr de les corriger.

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