La mobilité des cadres de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris en direction de l'armée de terre ne concerne ni les militaires du rang ni les sous-officiers, qui sont engagés au titre de la brigade et qui font l'ensemble de leur cursus au sein de l'institution BSPP. Les seuls à effectuer cette mobilité sont les officiers. À la brigade, 50 % des officiers sont recrutés directement aux écoles de Coëtquidan, les autres sont issus de nos rangs, ce qui est intéressant sur le plan de la promotion sociale et de la valorisation des compétences. Cette mobilité ne concerne que les saint-cyriens, les officiers issus de l'école militaire interarmes et quelques officiers servant sous contrat. En général, un officier rejoint la BSPP à la sortie d'école, y effectue sept ans puis repart dans des unités comme le COM-TN pour obtenir son diplôme d'état-major et faire son cursus d'école de guerre ou un diplôme technique. C'est à ce moment-là que nous avons un échange d'informations.
Concernant le service national universel, la BSPP forme 1 200 jeunes par an. Ces actions de formation, notamment celle des volontaires du service civique, pourraient être labellisées au titre du service national universel. Le secrétaire d'État Gabriel Attal va nous présenter les grandes lignes de son projet qui devrait être lancé dès l'année 2019. Nous sommes effectivement preneurs car nous participons à la résilience des populations et ce service universel alimente le recrutement. La force de la brigade est que 70 % de provinciaux défendent Paris. Sa faiblesse est que les sapeurs-pompiers de la brigade sont à la fois sapeurs-pompiers militaires et sapeurs-pompiers volontaires auprès des SDIS : en cas de crise nationale, de pandémie ou d'événement naturel, je ne suis pas sûr que le sapeur-pompier de Paris qui est dans son département remontera dans la capitale, car il sera déjà employé pour la gestion de crise. C'est pourquoi le SNU nous intéresse. Notre problème est que nous n'avons pas de ressources suffisantes pour faire 520 000 interventions au lieu des 450 000 prévues. Par ailleurs, notre mode de fonctionnement est pragmatique. Mes cadres font à peu près 120 gardes de vingt-quatre heures par an et vingt gardes de douze heures. Le reste du temps, ils sont au repos. Il est toléré, pendant ce temps de repos, qu'ils fassent des actions de formation en tant que moniteurs de secourisme. Cela permet de démultiplier en masse les actions de formation de secouriste dans l'agglomération parisienne.
Nous allons, j'espère, basculer du fort de Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne, sur la base de Limeil-Brévannes-Valenton, pour avoir enfin une école digne de ce nom. Il pourrait être envisagé de poursuivre les actions de la brigade au profit de la population à travers le foncier de Villeneuve-Saint-Georges que nous libérerons. Nous contribuons donc en plus à une stratégie de développement du territoire.
Quant au logiciel 3D, il est intéressant non seulement pour les feux mais également pour les forces de police en cas d'action terroriste. Le législateur ne s'est pas encore emparé de la question. Pour l'instant, il s'agit uniquement d'une démarche commerciale. Nous incitons les futurs grands sites à se doter de ce type d'appareil qui nous fait gagner du temps en minutes d'intervention.
Non seulement l'ébriété ne relève clairement pas du champ de l'urgence mais c'est la première source d'agression des sapeurs-pompiers. Je vais proposer aux élus de la plaque parisienne des solutions, mais ne m'en veuillez pas de ne pas vous les exposer : je préfère les évoquer d'abord avec eux la semaine prochaine lors de la commission consultative de gestion du budget de la BSPP. C'est un enjeu national et cela rejoint votre question sur les taxis. Une heure de VSAV coûte 250 euros à la BSPP. Un taxi coûte 50 euros. La solution est en passe d'être trouvée grâce à l'action conjointe du préfet de police et du directeur de l'ARS pour instituer un coordinateur de gestion des transports non médicalisés. Parfois, on appelle les pompiers en raison d'une carence d'ambulances : c'est problématique pour la brigade car cela représente des milliers d'interventions supplémentaires, mais ça l'est encore plus dans les départements ruraux où un VSAV qui part effectuer un transport sera indisponible pendant trois ou quatre heures. La solution qui sera mise en place à Paris – très rapidement, je pense – servira d'expérimentation pour le reste du territoire.
SINUS est le bracelet apposé sur chaque victime lors d'un attentat ou d'une catastrophe. Nous l'apposons systématiquement dès qu'une intervention dépasse cinq victimes, pour entraîner les personnels. J'évoquais tout à l'heure la relation de confiance entre l'État et le citoyen. Si on n'assure pas la traçabilité de la victime et qu'il y a confusion d'identité entre personnes décédées et survivantes, cela aboutit à des drames. C'est ce qui s'est passé le 13 novembre 2015. Le dispositif SINUS n'est pas très onéreux : chaque bracelet coûte environ un euro et le coût de formation en interne et en équipement n'est pas significatif. Le problème, c'est l'interopérabilité avec le système d'information des hôpitaux. Il faut que ces derniers utilisent le même dispositif ou permettre à leur SI (SIVIC) d'être compatible car si on incrémente une base et qu'on redémarre à zéro une fois que la victime arrive à l'hôpital, on perd du temps.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la directive européenne concernant le temps de travail. Je m'efforcerai de faire une réponse globale. Si la DETT était appliquée à la brigade, cela nécessiterait de recruter 35 % de personnes en plus – par rapport aux 8 500 membres de la brigade, s'entend, et aux 1 200 personnes que nous recrutons chaque année. Actuellement, le régime est de 120 gardes par an. Avec la DETT, chaque sapeur-pompier de Paris en ferait 102, ce qui entraînerait un recrutement supplémentaire de 35 % environ. Dans ces conditions, le modèle militaire n'aurait plus de sens.
Ma position personnelle, pour ce qui est de la BSPP, est donc non pas une dérogation, mais bien une exclusion du champ de la directive. En effet, comme vous l'aurez compris, je suis très attentif à ce que le personnel ne soit pas sur-sollicité, pour éviter une déshumanisation des interventions : au-delà d'un certain niveau, on entre dans un processus industriel. J'ai donc intérêt à ce que les membres de la brigade fassent moins de dix interventions par jour, pour que cela reste humainement possible, pour éviter qu'ils soient usés, qu'ils deviennent aigris, qu'ils soient victimes de burn-out ou qu'ils perdent leur faculté de compréhension de l'autre.
Heureusement, les sapeurs-pompiers de Paris sont jeunes et ne servent chez nous qu'un temps limité : 80 % sont en contrat à durée déterminée (CDD) – ou l'équivalent du CDD, sous statut militaire. Le personnel tourne donc beaucoup. La fonction est physiquement exigeante : j'évoquais tout à l'heure les feux, pour lesquels il y a ce que l'on appelle l'« échelle à crochets ». Ce qu'a fait le jeune Mamoudou Gassama à mains nues, nous le faisons avec une échelle à crochets, de balcon en balcon, sur des façades inaccessibles. Nous nous entraînons pendant des heures et des heures, en défiant les lois de la gravité – ce qui explique aussi l'exercice de la planche à rétablissement. Cela découle du tissu urbain auquel nous sommes confrontés, que l'on rencontre aussi dans certains quartiers de Lyon ou de Lille, mais pas dans le reste de la France. Voilà pourquoi les pompiers de la brigade sont jeunes.
L'objectif est de trouver un partenariat « gagnant-gagnant » : la brigade a besoin de jeunes, et ceux-ci acquièrent des compétences et de l'expérience à Paris. Ils peuvent ensuite trouver une voie de reconversion dans ce qui constitue leur premier métier, à savoir sapeurs-pompiers, quand ils retournent dans leur département d'origine. D'ailleurs, pour 40 % environ, ils étaient déjà sapeurs-pompiers volontaires avant d'intégrer la brigade. Or ce partenariat gagnant-gagnant n'est pas du tout acté – selon moi, pour de mauvaises raisons.
Quoi qu'il en soit, l'application de la DETT serait la fin du modèle militaire pour la BSPP. La directive serait plutôt compatible avec le modèle de la fonction publique territoriale. On ne peut pas recruter des gens avec des petits salaires et les faire venir à Paris s'ils ne bénéficient pas, notamment, du tarif réduit à la SNCF pour leurs allers-retours. C'est un autre modèle, qui est tout à fait louable mais qui mettrait du temps à monter en puissance. Pour ce qui est de l'application de la directive à mes camarades pompiers volontaires, je ne saurais décemment me prononcer. Cela dit, je comprends très bien les difficultés qu'elle peut entraîner.