…tout en sachant que les jeunes que nous accueillons viennent de la société civile, avec leurs défauts, et sans oublier, par ailleurs, qu'il s'agit effectivement d'un milieu masculin, qui s'est ouvert aux femmes depuis peu. Je pense que nous aurons gagné la bataille dans dix ans, mais nous devons faire attention en permanence.
En la matière, la transparence est assurée. La jeune femme – ou le jeune homme, d'ailleurs – qui est victime peut déposer plainte. Nous l'accompagnons et lui assurons une protection fonctionnelle. Si je suis informé des faits incriminés par des voies détournées, et non par la plaignante ou le plaignant, je respecte l'article 40 du code de procédure pénale. Certes, ces agissements sont inadmissibles, mais les problèmes des sapeurs-pompiers sont aussi les agressions dont ils sont l'objet et la sur-sollicitation opérationnelle. Pour être audible en interne, je dois aussi insister sur la difficulté du métier, sans pour autant, une fois encore, tolérer de tels excès, qui sont inadmissibles. Notre démarche est donc très volontariste.
J'ai été interrogé sur les blessés. Hier, la brigade a assisté à l'avant-première de Sauver ou périr, que je vous conseille vraiment d'aller voir, car c'est un film lumineux. Son message est universel, notamment en ce qui concerne les blessés, et la brigade sert de support révélateur. Le film raconte l'histoire véridique d'un sous-officier qui a été grièvement brûlé, et sa reconstruction physique, morale et psychique.
Je suis contemporain de cette histoire. Or, force est de constater qu'il y a trente ans, au moment où l'accident en question s'est produit, pas grand-chose n'était prévu pour la prise en charge des blessés. Depuis, on a progressé, notamment avec l'armée de terre, d'abord avec les blessés de Côte d'Ivoire, ensuite – et surtout – avec ceux d'Afghanistan, sans oublier les syndromes post-traumatiques de soldats revenant de République centrafricaine. Nous nous raccrochons à la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre (CABAT).
Notre propre structure de prise en charge psychologique est en liaison avec la structure correspondante qui existe pour les armées. Au lendemain des attentats de 2015, les 750 sapeurs-pompiers de Paris engagés sont tous allés voir un psychologue mais, si nous avons eu la chance de ne pas compter de blessés dans nos rangs, je pense que nous aurons des « pertes psy », pour utiliser un terme très technocratique.
S'agissant du statut des blessés, nous avons profité des avancées de la recherche et de l'amélioration de l'armée de terre ; comme je l'ai dit, nous bénéficions de leur dispositif. Plus largement, la prise en charge des blessés est aussi l'une des préoccupations de la ministre des Armées, qui a déclaré que les blessés d'unités militaires seraient mis à la disposition d'autres autorités. Le chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT) rencontrait hier les membres du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) pour évoquer le sujet.
Quoi qu'il en soit, entre ce qui se faisait il y a trente ans et ce qui se passe maintenant, la prise en compte des blessés s'est vraiment améliorée, même si l'on peut naturellement toujours mieux faire. Je vous recommande, une fois encore, d'aller voir le film que j'évoquais : c'est un hommage aux sapeurs-pompiers blessés en opération, mais aussi aux personnels de santé – médecins, infirmières, aides-soignantes. Le film donne en même temps des clés de vie, y compris pour les blessés de la vie, non seulement ceux qui ont été blessés au cours d'une opération, mais ceux qui souffrent d'un syndrome post-traumatique.
S'agissant de l'application de la DETT aux pompiers volontaires, je ne me prononcerai pas. Je peux simplement vous dire, une fois encore, que si la BSPP n'est pas exclue du champ de la directive, c'est la fin de notre modèle. Pour l'heure, nous avons reçu des assurances des autorités politiques et militaires.
Vous m'avez interrogé, Monsieur Verchère, sur le retour d'expérience du 13 novembre 2015. J'aurais pu vous apporter le film d'une réunion qui s'était tenue le 5 novembre, et lors de laquelle nous avions décrit le scénario des attentats – non pas que nous soyons devins : nous analysons les dépêches d'agences de presse spécialisées, notamment concernant les fusillades mortelles. Nous mettions d'ailleurs en place, en 2015, un exercice sur la base d'un scénario similaire à celui qui s'est produit.
Tout à l'heure, j'ai évoqué, parmi les critères de succès, le partage de l'information avant, pendant et après. Ce partage a lieu, mais il est toujours très difficile de travailler avec des partenaires obéissant à des temporalités différentes, ayant des seuils de criticité et des phases de montée en puissance différents. L'enjeu est simple : si l'on prend l'exemple d'une fusillade, donc de blessures par armes à feu, nous avons entre dix et quinze minutes pour réaliser un damage control – si toutefois la victime n'a pas été tuée sur le coup –, une heure pour l'évacuer et une heure et demie, peut-être deux heures, pour accomplir un acte chirurgical salvateur. Il faut donc concevoir une manoeuvre accomplie sous forte contrainte sécuritaire et impliquant des acteurs ayant des doctrines différentes, pour parvenir à ce résultat.
Cela dit, nous avons fait d'énormes progrès. Nous avons travaillé sur la doctrine et élaboré des exercices. Je pense donc que, sous réserve que le scénario n'ait pas une dimension trop grande, nous serions au rendez-vous – BSPP, associations, SAMU, AP-HP, et bien sûr les forces de police de l'ensemble de la région parisienne. L'essentiel est de travailler sur un scénario différent des attentats du 13 novembre. Il faut donc être agile intellectuellement. En effet, si nous continuons à envisager un scénario de 250 blessés, sur une séquence de 40 minutes, nous aurons tout faux : il est temps de travailler sur un scénario impliquant 500 ou 800 blessés graves en deux minutes, sur un site non sécurisé, c'est-à-dire avec la combinaison de kamikazes, de tireurs et d'une prise d'otages.