En ce qui concerne le SNU, je répondrai en posant un préalable technique. Pour faire face à l'effet de sidération, deux éléments sont indispensables : comprendre ce qui se passe et donner un sens à l'action. Ce second élément est particulièrement important quand il ne s'agit pas de personnels d'active, et c'est précisément le plus compliqué.
Cela dit, le SNU, si la BSPP devait être amenée à y contribuer, permettrait non seulement d'apprendre aux jeunes qu'il ne faut pas appeler les pompiers pour rien, mais aussi de les rendre acteurs, donc de les responsabiliser. La jeunesse actuelle est à la recherche d'engagement et de responsabilités, sous réserve qu'on lui explique le pourquoi des choses. Les douze jours de formation au secourisme pourraient y contribuer. Certains ne se révéleront peut-être capables de faire face à des situations d'urgence, mais il y a bien d'autres emplois ou fonctions : ils pourraient servir dans la logistique, ou au premier niveau d'une plateforme de prise d'appels. Il y a là un gisement de possibilités.
Pour éviter que cela ne se transforme en fausse bonne idée, il faut continuer à creuser, et garder le principe directeur qui est l'engagement de la jeunesse – une jeunesse qui est véritablement en attente d'un engagement, et a été un peu frustrée après 2015. D'ailleurs en s'appuyant sur les dispositifs jeunesse, il faut commencer à expérimenter progressivement, comme j'en ai l'intention, des formations dans certains départements pilotes.
Cela étant dit, il y a tout de même un besoin d'actualisation de cette formation. Après avoir été formé pendant douze jours, puis engagé pendant trois à quatre mois dans une réserve, on doit y revenir régulièrement, sur son temps libre. La génération que nous connaissons y est moins encline. L'idée reste cependant à creuser, car il est clair qu'en cas de crise majeure, c'est une ressource qui fera la différence. Je reste donc optimiste sur ce dispositif.
Monsieur Thiériot, il n'y a pas de différence sur la doctrine appliquée par les différents services de secours, comme l'ont fait ressortir les réunions du groupe de travail mis en place après les tueries massives de 2015.
Peut-être y a-t-il tout au plus des différences de niveaux, parce que les sapeurs-pompiers militaires sont peut-être plus aguerris. Encore faut-il nuancer, car, chez les sapeurs-pompiers volontaires, vous comptez aussi les sapeurs-pompiers de Paris. Il n'y a donc pas de vraie différence.
La BSPP est engagée à la fois sur la plateforme des appels d'urgence (PFAU) et sur NexSIS, le logiciel national pour les centres d'appels d'urgence. Je rappelle que la PFAU est un système, expérimenté à Paris, de réponse commune aux appels du 17, du 18 et du 112. Quant à NexSIS, c'est le futur système de gestion opérationnelle : il inclut bien sûr la BSPP, qui y est contributrice, en fournissant déjà des cadres d'expérience.
Je parie sur l'avenir ! Souvent, je dis que « le concept doit précéder l'innovation technologique ». Mais, en l'occurrence, pour casser un peu les cultures de silos, il me semble que ce sont l'innovation technologique et les systèmes d'information qui permettront de cet échange d'informations. Ainsi, NexSIS devrait être compatible avec la plateforme du SAMU.
La pyramide des grades chez les réservistes est une question nouvelle, vu que cette ressource est elle-même nouvelle et que les réservistes n'avaient jusqu'à aujourd'hui pas accès à la fonction de chef d'agrès. On vient de leur ouvrir cette possibilité et nous allons poursuivre dans cette voie, mais on démarre de pratiquement de zéro : ils sont à présent 400, seront bientôt 600, et 1 000 en 2024.
J'en viens, Monsieur Gassilloud, au coût du transport. Sur ce sujet, notre partenaire est la SNCF. Pour certains, le coût du transport doit représenter 30 % de leurs soldes. Mais je ne suis pas sûr d'arriver à un résultat.
C'est pourquoi je cherche à recruter sur la plaque parisienne. Malgré tous les efforts, cela reste compliqué. Cependant, nous connaissons l'exemple de ce qu'il s'est produit en Île-de-France, avec le financement du transport gratuit des policiers, parce que cela contribue à la sécurité. Aussi avons-nous le projet de nous présenter à la SNCF et à Île-de-France mobilité, comme sapeurs-pompiers de Paris, pour leur dire que notre action est un gage de sécurité supplémentaire. Il ne s'agit pas d'obtenir un tarif à 0 %, mais une participation à l'« effort de guerre ».
En outre, un pompier en tenue peut aussi être une cible. En trois ans, la situation a en effet changé. Les casernes, qui étaient ouvertes sur le monde, sont désormais équipées de systèmes de vidéosurveillance. Cela ne faisait pas du tout partie de notre culture.
Si nous n'arrivons pas à développer un partenariat avec la SNCF, nous étudierons, dans le plan d'attractivité, qui est une déclinaison du plan familles, la possibilité de rembourser, sous certaines conditions, certains frais de transport sur le budget de la brigade – mesure à faire adopter par nos élus.
En ce qui concerne le SIDACR, j'aurai une réponse très longue et très complexe que je vous propose de vous faire parvenir. Elle vous fournira la vision complète de la brigade par rapport aux enjeux du Grand Paris Express et par rapport à l'organisation des Jeux olympiques. Nous y prenons en compte les implications en termes de démographie et de vieillissement. En synthèse, à court terme, il faudra 25 VSAV, soit 250 personnes en plus à l'horizon 2024, c'est-à-dire l'équivalent de trois ou quatre casernes. Avec la mise en service du Grand Paris Express en 2030, cela représente beaucoup. Vous pourrez prendre connaissance du détail, y compris s'agissant du vieillissement de la population et de la paupérisation prévisible. Les données sont issues de l'INSEE et l'IAU ; ce sont donc des données véritablement scientifiques, auxquelles nous avons appliqué un ratio mécanique développé par l'École polytechnique.
J'en viens, Monsieur Chalumeau, à la question des plateformes d'appel, éventuellement communes aux numéros d'urgence 17, 18 et 112. Nous avons franchi un grand pas à Paris, en rassemblant sur ces PFAU policiers et pompiers – grand pas assez naturel, à vrai dire, puisque nous sommes déjà tous intégrés sous l'égide de la préfecture de police.
Il y a des systèmes européens où les différents corps d'intervention sont présents dans la même salle, à la fois pour la prise d'appels et pour la gestion de crise. Mais je pense que nous n'y sommes pas encore prêts, sachant que le SAMU souhaite, ce que je comprends très bien, que le centre de crise soit à l'hôpital, ce qui n'a pas la préférence des pompiers, tandis que la logique de la police ou de la gendarmerie est tout autre.
Une solution intermédiaire serait que les systèmes d'information soient compatibles ou interopérables. Tel est le sens du travail de NexSIS. Actuellement, nous lançons une expérimentation sur la place parisienne : nous nous sommes donné six mois pour que nos services d'information soient compatibles avec ceux du SAMU.
On peut peut-être dématérialiser la collaboration, sans forcément mettre tout le monde dans la même salle, grâce aux nouvelles technologies. Je fais ce voeu. Sinon, nous allons nous heurter à des conflits et nous n'aboutirons pas, alors qu'il y a urgence. Car le facteur du succès, c'est de partager les informations avant, pendant et après.
Quant aux formations sur les agressions, je rappellerai d'abord qu'en 2018, 256 sapeurs-pompiers de Paris ont été agressés, soit pratiquement une agression par jour. En 2017, de mémoire, cela devait être 170, année où une augmentation de 50 % était déjà observée par rapport à 2016.
Parmi les causes, j'évoquerai l'alcoolémie, mais aussi la perte de repères de notre société, où la patience d'attendre n'existe plus. Le pompier se trouve confronté à des actes inciviques ou à de la détresse psychologique. C'est pourquoi nous conduisons des actions de formation. Ce matin, était organisé le retour d'expérience de l'agression qui a coûté la vie au caporal Geoffroy Henry il y a deux mois. Comment introduire dans le cursus de formation des chefs d'agrès, c'est-à-dire des chefs de détachement, des savoir-faire qui permettent de détecter le risque ? Normalement, on ne devrait pas basculer dans cette approche, mais il est possible de porter plus d'attention à des signaux faibles, qui relèvent soit de la personne mal intentionnée, soit d'une pathologie psychique. Sur cette base, il est possible de concevoir et de développer une conduite à tenir, qui est très simple : l'esquive et la fuite.
En amont, quand la dangerosité est connue, il est aussi possible de se déplacer avec la police. Cela fait l'objet d'un protocole qu'on est en train de développer. C'est l'objet de la dernière directive laissée par le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb avant qu'il quitte ses fonctions.
Nous développons aussi la protection de nos emprises. Cela représente un surcoût depuis trois ans. Une caserne de pompiers n'est plus ouverte au public, malheureusement. Il y a désormais une herse, un dispositif de vidéosurveillance et un personnel équipé d'un kit de protection. Quant à la sécurité pendant les interventions, nous étudions l'emploi éventuel d'un gilet pare-lames. Mais j'espère ne pas basculer dans une approche qui reviendrait en quelque sorte à accepter une situation qui n'est pas bonne.
Il y a aussi un effort de judiciarisation des agressions. Il faut que le sapeur-pompier soit sanctuarisé. On ne peut pas exiger de lui un comportement irréprochable en termes de sexisme et de harcèlement moral et, dans le même temps, ne pas assurer sa protection en intervention. Cela ne serait pas cohérent, en termes de commandement.