Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du mercredi 28 novembre 2018 à 10h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne

Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Depuis le mois d'avril, le Premier ministre a organisé plusieurs réunions ministérielles relatives au risque d'un Brexit sans accord et demandé que chaque administration dresse la liste des conséquences que cela ferait peser sur nos intérêts. Ce travail a donc commencé au printemps, de manière aussi exhaustive que possible, avec engagement et humilité : n'ayant jamais assisté au retrait d'un État membre de l'Union européenne, nous avons cherché à couvrir toutes les hypothèses, en ayant conscience que nous pourrions, assez tard dans le processus, être pris par surprise. Le processus interministériel a été très exigeant et très dynamique. Un coordonnateur interministériel a été désigné, qui est au contact des acteurs de terrain, en particulier dans nos ports, pour évaluer les besoins exprimés et les réponses à leur apporter. Le périmètre a aussi été déterminé par notre dialogue avec la Commission européenne d'une part, les États membres de l'Union d'autre part, pour ne laisser aucun vide entre ce qui relève des compétences communautaires et ce qui relève des compétences nationales, mais aussi pour nous permettre d'affiner nos propres mesures lorsque nous aurons la certitude que certaines mesures communautaires sont prévues – en particulier pour ce qui concerne la continuité des contrats.

Nous avons à l'esprit la question de la compétitivité par rapport aux autres États membres concernés, particulièrement les États côtiers pour ce qui est de la compétitivité de nos ports, sujet qui nous tient particulièrement à coeur. Le Brexit, je l'ai dit, n'est pas une bonne nouvelle, mais nous devons veiller à saisir les opportunités qu'il présente, notamment en cas de changements de routes de trafic maritime entre l'Irlande et le continent. C'est pourquoi nous avons poussé la candidature des ports français au nouveau corridor défini par la Commission européenne en mer du Nord.

Nous pouvons travailler davantage encore à la prise en compte du temps qui sera nécessaire à des ressortissants français installés au Royaume-Uni pour en revenir si se dessine un Brexit sans accord. Je me tiens à la disposition de votre rapporteur pour affiner la nature des mesures à prendre et surtout définir la limite dans le temps raisonnable dans laquelle les circonscrire et je vous propose que nous poursuivions cette discussion entre nous.

Nous explorerons toutes les possibilités dont nous disposons pour pouvoir continuer à nous assurer les services des agents titulaires de la fonction publique française de nationalité britannique. Vous l'avez dit, ils sont en très grande majorité enseignants, et quelques-uns sont membres de la fonction publique hospitalière. Nous étudions diverses options possibles et nous leur en présenterons sans doute plusieurs. Mais on ne peut parler d'équivalence entre le système français et le système britannique : il n'existe pas au Royaume-Uni de statut de la fonction publique au sens français du terme, et il est d'une certaine manière plus facile pour les Britanniques d'envisager une continuité de contrats pour des agents européens du civil service britannique que pour nous. Nous aborderons cette question dans un esprit d'ouverture, car nous ne voulons pas nous priver des compétences des Britanniques qui servent dans la fonction publique française.

Si la perspective d'un Brexit sans accord se dessinait, nous veillerions à trouver un équilibre et nous poursuivrions avec nos partenaires britanniques la conversation que nous avons déjà eue sur le principe et au cours de laquelle nous nous sommes rassurés mutuellement sur notre volonté commune de bien traiter les ressortissants du pays partenaire en tel cas. Ces assurances politiques ont été données par Mme Theresa May et par ses ministres du Brexit successifs, et nous avons donné les mêmes assurances politiques. Il conviendra ensuite d'entrer dans le détail des mesures, et de nous assurer à tout moment que nos ressortissants bénéficient de la plus grande attention de la part des autorités britanniques.

Vous avez mentionné la question de l'attractivité, que le Sénat a cherché à traiter en proposant que les mesures prévues pour les ressortissants britanniques résidant en France à la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union soient étendues à des ressortissants britanniques qui seraient envoyés en France par des entreprises britanniques ou françaises après cette date. Bien que je partage pleinement le souhait de développer encore l'attrait de notre territoire pour les compétences étrangères dont nous avons besoin, britanniques notamment, cette suggestion suscite deux vives réserves. La première tient à ce que cette proposition irait plus loin que ce que prévoit l'accord de retrait – et Michel Barnier souligne avec justesse qu'il n'est de l'intérêt de personne que des mesures nationales unilatérales prévues en cas d'absence d'accord finissent, en s'additionnant, par paraître plus avantageuses que l'accord de retrait proprement dit. Cela contredirait notre intérêt. D'autre part, alors que l'article 38 de la Constitution, tel que je l'entends, dispose que les amendements parlementaires ne peuvent que restreindre l'habilitation sollicitée par le Gouvernement, ceux qu'a adoptés le Sénat auraient pour conséquence d'élargir l'habilitation demandée. Cela me paraît poser un sérieux problème juridique, que je soumets à votre sagacité.

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