En écoutant François Ruffin, j'ai pensé à la chanson de Boris Vian, La Complainte du Progrès :
« Autrefois pour faire sa cour
« On parlait d'amour
« Pour mieux prouver son ardeur
« On offrait son coeur
« Aujourd'hui, c'est plus pareil
« Ça change, ça change
« Pour séduire le cher ange
« On lui glisse à l'oreille :
« Ah, Gudule ! Viens m'embrasser et je te donnerai…
« Un frigidaire, un atomixer, un canon à patates, un repasse-limaces… » (Sourires.) La liste de François Ruffin, au bout du compte.
Vous êtes tranquilles chez vous, en famille, au repos – tant que le travail n'est pas généralisé le dimanche – et on vous emmerde au téléphone dans le seul but finalement de réaliser des ventes frauduleuses, en tout cas de généraliser les abus de faiblesse. J'ai en tête ce chiffre de 40 000 personnes âgées vulnérables, fragiles, victimes chaque année d'abus de faiblesse. Il serait urgent qu'un texte de loi se préoccupe de cette situation.
La proposition de loi de notre collègue Christophe Naegelen va dans le bon sens : on consolide le dispositif Bloctel, cela ne mange pas de pain. Elle prévoit en effet que l'existence du service Bloctel doit être rappelée au consommateur au début de la conversation. Par ailleurs, il est proposé de réaliser un audit de Bloctel afin d'en relever les dysfonctionnements. Ayez en tête, chers collègues, le fait que le gérant d'Opposetel, M. Éric Huignard, est très actif dans les mouvements patronaux. On me dit même qu'il défend les intérêts de la filière du data, du digital, que c'est un des représentants éminents du capitalisme de connivence ; autant dire que la délégation de service public confiée à une entreprise qui a le monopole de gestion du dispositif Bloctel, très onéreux et finalement peu efficace, mériterait un contrôle approfondi.
Notre collègue propose enfin de sécuriser les entreprises qui appellent leurs clients et de préciser dans la loi la nature de leurs relations contractuelles. Pourquoi pas ?
M. François Ruffin a indiqué, à juste titre, que les centres d'appel, présentés dans chaque territoire comme le nouvel eldorado de l'économie réelle, n'étaient en fait que des représentants de l'économie virtuelle animés d'un seul souci : aller à la chasse aux subventions dans chaque territoire, et déménager une fois celles-ci chopées… Sans parler de l'esclavage moderne que cela représente pour les salariés, précarisés, pressurés et en situation de mal-être professionnel permanent.
En résumé, c'est un texte de loi qui ne mange pas de pain, moins ambitieux que celui qui avait été présenté en début d'année. Il n'intègre pas les abus de faiblesse et la maltraitance financière et il ne propose pas l'opt-in, qui constituait pourtant le coeur de la démarche du texte précédent. Cela dit, tout ce qui va dans le bon sens, même quand c'est insuffisant, mérite d'être accompagné. C'est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi.
Ce serait, du reste, une bonne chose qu'une proposition de loi émanant d'un groupe de l'opposition, d'un député qui a travaillé, puisse faire l'objet d'un examen sans sectarisme, sans ostracisme ni présupposé, et que cette approche puisse faire jurisprudence dans le nouveau monde. Et cela vaut pour cette proposition de loi comme pour d'autres : je vous rappelle que, l'an dernier, des propositions pourtant très percutantes, touchant au burn-out ou encore à la lutte contre les marchands de sommeil avaient été présentées par le groupe Communiste ; or, on nous a renvoyés dans nos quarante mètres sans même en avoir lu la première ligne… J'espère que ce nouvel élan fera des petits.