Intervention de Marie-Christine Saragosse

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde :

Je remercie la commission de se pencher sur la question de la redevance audiovisuelle publique. Son assiette est l'une des plus archaïques d'Europe et son taux l'un des plus faibles. Il faut toujours s'interroger sur sa capacité à se renouveler mais il est aussi important de disposer d'une ressource dynamique compte tenu des missions plus que jamais essentielles du service public audiovisuel, national et international.

Mme Piron m'interrogeait sur les outils dont nous disposons pour mesurer l'appétence pour la francophonie. Nous comptons 135 millions de contacts par semaine, dont 50 % en français. Selon que les contenus sont diffusés à la télévision, à la radio, sur support numérique ou en linéaire, les proportions entre ceux qui écoutent en français et ceux qui écoutent en langue étrangère varient.

Nous nous rendons compte aussi que la diffusion en langue étrangère a des effets sur l'audience des contenus en langue française. Lors du lancement sur RFI d'une heure de programme en mandingue chaque jour, l'audience globale de l'antenne a augmenté de 30 %. Une enquête menée un an après a montré que ces contenus facilitaient la compréhension des émissions en français pour les personnes imparfaitement francophones, nombreuses en Afrique. Nous panachons en fonction des réalités des bassins linguistiques des diverses zones. Pour le mandingue, nous avons effectué des décrochages au Mali, au Burkina Faso, dans une partie de la Côte d'Ivoire et au Niger. Il faut savoir que parmi les quinze langues de nos programmes, seuls le français, l'anglais et l'arabe font l'objet d'une diffusion vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'espagnol n'est diffusé que pendant six heures par jour, pour des raisons économiques et non pas stratégiques.

Pour ce qui est de la radio, ces programmes en langue étrangère sont toujours diffusés à partir du signal en français. Pour ce qui est de la télévision, les situations sont variables. En Argentine, les programmes en français et en espagnol sont diffusés sur le même signal, avec le risque, bien sûr, de voir la proportion du français diminuer si la proportion de l'espagnol augmente. En Colombie, il existe à côté du signal en français de France 24, un signal en anglais avec décrochage en espagnol. C'est souvent le marché qui dicte sa loi. À l'étranger, nous ne pouvons préempter une fréquence ; nous devons négocier avec des cablo-opérateurs. Nous essayons, chaque fois que c'est possible, de diffuser en français. Au Cambodge, lorsque nous sommes passés à douze heures de programmes en khmer, le gouvernement cambodgien, sans que nous ayons eu besoin de le demander, nous a donné une autre fréquence pour la diffusion de programmes en français vingt-quatre heures sur vingt-quatre heures.

Très souvent, les langues étrangères sont une façon de valoriser la France ou la langue française et de donner une appétence pour l'apprentissage du français. Il ne faut pas oublier que la francophonie est au coeur de notre mission.

Mme Anthoine nous a félicités pour nos résultats. Mais je tiens à lui dire que l'équilibre auquel nous nous sommes tenus pendant cinq ans risque de voler en éclats en 2017. Nous serons en effet amenés à engager des dépenses dès maintenant et à procéder à des économies en 2018, ce qui engendrera un surcoût qui n'a pas pu être intégré au budget puisque nous n'avons appris les choses qu'en septembre. Je dois dire que ce sera la première fois de ma vie professionnelle que je connaîtrai une situation de déficit.

Quant à l'accord-cadre conclu avec l'UNESCO, il n'y a aucune raison qu'il soit remis en cause. Il a donné lieu à un formidable partenariat autour d'une série de cinquante émissions intitulée « Mémoire d'un continent », qui s'appuie sur L'histoire générale de l'Afrique, énorme travail éditorial de l'UNESCO, avec l'intervention d'immenses historiens. Par ailleurs, nous sommes aux côtés de l'UNESCO chaque fois qu'elle lance des opérations pour lutter pour la liberté de la presse et la sécurité des journalistes.

Mme Thill a abordé la question des rapprochements. TV5 Monde est une chaîne généraliste particulièrement chère à mon coeur car je l'ai dirigée pendant treize ans alors qu'elle faisait partie de l'audiovisuel extérieur de la France. Aujourd'hui, elle a un besoin impérieux de travailler main dans la main avec France Télévisions pour accéder à des programmes de stock dont France Médias Monde ne dispose pas, qu'il s'agisse de films, de fictions, de documentaires ou de grands magazines comme On n'est pas couché ou Télématin. Avec le budget dont elle dispose, elle ne pourrait pas sinon construire les grilles qu'elle diffuse. Ce n'est pas un hasard si ce sont les grandes chaînes nationales généralistes française, belge et suisse romande qui sont à l'origine de sa création. Rattacher TV5 Monde à France Médias Monde la couperait de ses intérêts économiques. En revanche, nous avons passé un accord-cadre avec cette chaîne pour tout ce qui relève des enjeux de distribution afin d'éviter toute concurrence entre nous et tout effet d'éviction. Nous menons des études ensemble, nous allons sur de nouveaux marchés ensemble, nous montons ensemble des opérations médiatiques comme la couverture des sommets de la francophonie.

Les rapprochements ne sont pas une fin en soi. Ils n'ont de sens que si l'on cherche des économies, même si je ne suis pas certaine qu'ils en procurent. Moi qui sors d'une opération de fusion, je peux vous dire qu'un rapprochement entre une chaîne de radio et une chaîne de télévision implique d'abord un coût avant d'être source d'économies. Il y a d'abord le coût de l'accord social – vous savez que les salaires à la radio et à la télévision ne sont pas les mêmes – et le coût des déménagements nécessaires au regroupement des équipes. Et si le but est vraiment de faire des économies, alors il faut le dire franchement : il s'agit de plans sociaux.

J'ai déjà vu fonctionner des holdings. L'audiovisuel extérieur de la France en était une, tout comme France Télévisions initialement. Comme les effectifs des sociétés et filiales font doublon, il y a très vite fusion, accord d'entreprise et alignement. Et si cet alignement implique un surcoût afin d'harmoniser les salaires, le plan de départs est à craindre.

Il faut arrêter de voir l'herbe plus verte ailleurs et d'avoir les yeux de Chimène pour la BBC. Si nous étions britanniques, nous verrions en lisant la presse que cette institution, comme toute entreprise humaine, souffre de nombreux maux, dont la bureaucratie, la lourdeur, la difficulté à mener des transformations et à identifier les responsabilités. La BBC rencontre aussi des difficultés et pourtant, elle coûte beaucoup plus cher que le service public audiovisuel français. Soyons fiers de nos propres réalisations. Et en Allemagne, il faut rappeler que la Deutsche Welle est une société indépendante tout comme le groupe public ARD ou la chaîne publique ZDF.

M. Bournazel m'a demandé comment nous comptions élargir notre offre. La nouvelle frontière pour nous est le numérique. Chaque nouveau programme doit être pensé à 360 degrés, en intégrant sa déclinaison sur les réseaux sociaux, sur nos sites et applications. Il faut souligner ici le transfert de savoir-faire que nous a apporté le site Mashable. Rien ne prédisposait a priori ce pure player privé américain à nouer des liens avec un groupe public français. Ses responsables, qui appréciaient France 24 en anglais, sont venus nous voir pour nous faire part de leur intérêt pour la chaîne francophone et de son impact sur les jeunes et ils nous ont proposé leur savoir-faire en matière d'algorithmes et de gestion des conversations sur les réseaux sociaux. Ils ont effectué un travail formidable qui leur a permis d'atteindre en France une audience de 3 millions de visiteurs uniques mensuels. Un autre axe de développement est la vidéo mobile.

Notre grand défi est d'aller chercher les jeunes et nous sommes assez contents car nous y parvenons. Nous travaillons dans des pays où 50 % de la population a moins de vingt-cinq ans, voire plus de 50 % en Afrique et dans le monde arabe. La moyenne d'âge de nos audiences mondiales est de moins de quarante ans. Chaque semaine, 25 % des moins de vingt-cinq ans regardent France 24 et écoutent RFI en Afrique. Et sur le site Mashable-France 24, 70 % des visiteurs ont moins de trente-quatre ans.

Monsieur Vignal, votre initiative intéressera certainement des journalistes de notre rédaction.

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