Nous n'avons aujourd'hui qu'un débat partiel, visant à résoudre la difficulté ouverte par l'élection de la questure, mais il est utile de poser dès maintenant quelques bases.
Il faut commencer par le fait que tous les députés sont censés être égaux : ils doivent donc, théoriquement, pouvoir participer de la même manière à la vie de cette maison. Cela se décline dans les fonctions occupées et dans la gestion. Les fonctions sont de nature diverse, mais les plus essentielles concernent les présidences et vice-présidences des commissions et celles de la séance publique. Pour avoir été deux fois vice-président de l'Assemblée nationale, j'ai pu constater que le fait de pouvoir participer ou non à l'animation et à l'organisation des séances change les choses, non pas individuellement, mais quant à la capacité d'un groupe politique à être inclus dans le fonctionnement de cette maison et dans un certain nombre de décisions. Ce ne sont pas les postes de secrétaires du Bureau, auxquels tous les groupes ont droit, qui donnent la même possibilité d'accéder à la gestion politique de l'Assemblée, ainsi qu'à sa gestion administrative et aux informations.
Il y a une donne politique nouvelle. La questure, c'est-à-dire la gestion de l'Assemblée nationale, était précédemment le fait de la majorité, tandis que l'opposition, alors quasiment constituée d'un seul groupe, pouvait seulement observer. Aujourd'hui, et cela rejoint le débat ouvert par Mme Karamanli et M. Gosselin, il n'y a pas une, mais des oppositions, qui ne sont évidemment pas de même nature. Ce n'est pas en donnant un droit de regard à l'une de ces oppositions sur la gestion de l'Assemblée, c'est-à-dire sur notre capacité à effectuer nos missions, que vous aurez résolu le problème. C'est une nécessité en réponse à la crise actuelle, je n'en disconviens pas, mais ce n'est pas satisfaisant pour la suite. C'est pourquoi nous proposerons des amendements visant non pas à augmenter le nombre de questeurs, mais simplement à instaurer une visibilité sur la gestion de l'Assemblée nationale, ses réformes, ses décisions et ses dépenses. Il est parfaitement légitime que l'on puisse surveiller tout ce que les députés dépensent avec l'argent public qui leur est confié dans l'exercice de leur mandat, mais il serait tout aussi légitime que chaque député ou au moins chaque groupe politique puisse savoir comment on dépense l'argent dans cette maison. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
La discussion que nous devons avoir afin de résoudre la crise actuelle doit aussi permettre d'ouvrir les esprits sur le fait que, pendant des décennies, seules deux forces politiques ont eu à connaître de la gestion de l'Assemblée nationale, ce qui peut d'ailleurs entraîner quelques scléroses. Je trouverais assez logique que des forces politiques nouvelles puissent accéder non pas aux fonctions, aux voitures ou aux indemnités, mais à l'information. C'est ce que je chercherai à défendre tout à l'heure quand nous aborderons les amendements.
Dans le cadre plus large du travail qui est engagé sur l'exercice du mandat parlementaire, nous devons tous réfléchir à la notion de droits attribués selon que l'on appartient à la majorité ou à l'opposition. Il faut dire que c'est une notion récente, qui a été principalement renforcée au moment de la réforme constitutionnelle de 2008. Or la donne politique est aujourd'hui différente. Qu'est-ce que la majorité et l'opposition si l'on doit retenir comme critère le vote de certains textes ? Parle-t-on de la confiance, du budget, du PLFSS ou encore des principales réformes d'un Gouvernement ? Va-t-on établir un système de points pour savoir qui se trouve dans l'opposition et dans la majorité ? Vous voyez bien que ce serait absurde : cela reviendrait à conditionner le vote de chacun non aux textes examinés mais au nombre de points à atteindre pour être dans l'opposition ou dans la majorité et obtenir ainsi tel ou tel droit.
Il y a en réalité dans notre fonctionnement un groupe majoritaire, ou une coalition majoritaire, et des groupes minoritaires, que ces derniers se sentent d'opposition, constructifs ou radicalement opposés à tout. La réalité est que certains, ayant la majorité, décident dans cette maison et que tous les autres subissent les décisions. Ils ont, me semble-t-il, droit à l'information. Les droits ne devraient pas être plus ou moins étendus selon le positionnement à l'égard de la majorité, sans quoi on rentrerait dans l'indéfinissable. Un système de points en fonction de la nature des textes examinés me paraîtrait dangereux, y compris pour l'exercice du mandat parlementaire.