Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 16h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Nous étions pour notre part opposés à la loi NOTRe, même si j'entends les arguments qui mettent en avant les progrès qu'elle représente en matière de gestion administrative, alors qu'à nos yeux elle aboutit plutôt à instaurer une concurrence entre les collectivités territoriales et les territoires qui n'est pas toujours saine.

Sur la question spécifique de l'eau, je suis frappé par le prisme très idéologique qui pousse nos collègues de La République en Marche ainsi qu'Erwan Balanant à considérer que, par principe, la mutualisation induit des économies d'échelle et fonctionne mieux. Ce n'est pas vrai. En l'occurrence, l'idéologie vient se fracasser sur le réel. En effet, selon un rapport de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement, qui date de 2017 et s'appuie sur les données de l'année 2014, le prix moyen du mètre cube d'eau dans les communes gestionnaires est de 3,68 euros, soit un prix inférieur à celui du mètre cube d'eau dans les intercommunalités, qui est de 4,07 euros. Cela est conforté par une autre donnée, à savoir que le prix moyen pratiqué par les services en régie est de 3,77 euros par mètre cube, soit un prix inférieur de près de 10 % à celui proposé par les délégations de service public (DSP), de 4,17 euros par mètre cube.

Ce transfert de compétences quasi obligatoire n'avait-il pas pour objet de contraindre les communes, faute de nouvelles capacités à s'organiser, à recourir à des gens « qui savent faire », en l'occurrence SUEZ et Veolia, qui saisissent toutes les occasions ?

Depuis plusieurs années, nous militons pour un retour aux régies publiques de l'eau, notamment parce que nous considérons, s'agissant d'un bien commun, que par principe cela devrait être géré par la collectivité. Il n'est pas indispensable que le conseil municipal soit le gérant direct : on a pu intéresser les usagers, les personnels ainsi que les élus. Ces moyens me paraissent être vertueux, d'autant qu'ils permettent une gestion collective de la question des investissements sur le réseau, qui reste le point noir. Il existe d'ailleurs une corrélation entre l'investissement dans le réseau et le taux de fuite.

Pour m'être investi sur ces sujets à la métropole de Lille, j'ai assisté à un grave contentieux opposant cette entité et la délégation de service public de l'époque, qui avait maquillé ses comptes, faisant croire qu'elle rénovait son réseau et surfacturant ces travaux qui n'étaient pas réalisés. Et cela trouvait sa traduction dans la facture de l'usager.

J'en appelle à votre vigilance, c'est cela le monde réel, le « terrain » pour reprendre une expression chère à notre collègue Balanant. Les foyers et leur portefeuille sont les grands perdants de ces transferts forcés puisque le prix moyen TTC de l'eau et de l'assainissement s'élève à 3,98 euros par mètre cube en 2015, 3,92 euros en 2014, 3,85 euros en 2013 et 3,78 euros en 2012, abonnement inclus. Ce prix n'a donc pas cessé d'augmenter alors même que les intercommunalités sont réputées reprendre toujours plus ces compétences. L'argument selon lequel la mutualisation ferait baisser le coût ne se vérifie donc pas dans la réalité, c'est même l'inverse que l'on constate.

Je ne comprends donc pas vos arguments. Je considère que ce texte va dans le bon sens ; nous sommes disposés à le voter tout en proposant d'aller plus loin. En effet, le sujet de l'eau est vital, et je ne choisis pas ce mot par hasard : sans eau, on meurt. Nous avons longtemps milité pour que la fourniture des premiers mètres cubes d'eau soit garantie à toutes les citoyennes et les citoyens de ce pays. Une telle mesure irait dans le sens du progrès humain, et serait très significative.

Nous proposerons encore la gratuité des points d'eau potable publics et l'installation de sanitaires et de douches publiques. Il est de plus en plus difficile de trouver des points d'eau potable en France. De même, il est curieux de devoir payer pour utiliser des toilettes publiques.

Nous demanderons aussi la suppression de la part fixe de l'abonnement, qui a constitué un moyen d'enrichissement à l'occasion de délégations de service public, notamment par surfacturation du prix fixe et du coût de changement du compteur, etc.

Il faut encore instaurer une tarification différenciée selon les usages, ce qui rejoint les enjeux écologiques et environnementaux actuellement débattus dans le cadre de l'examen du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures.

Enfin, nous proposerons quelques amendements de repli si nous ne parvenons pas à vous convaincre. Toutefois, si nous ne trouvons pas de points d'accord, particulièrement au sujet de la gratuité de l'accès aux premiers mètres cubes d'eau, nous déposerons une motion de renvoi du texte en commission lors de son examen en séance publique.

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