Merci, Mesdames et Messieurs les députés, d'être venus si nombreux à cette réunion conjointe de vos deux commissions. Nous allons traiter aujourd'hui de sujets particulièrement sensibles. C'est pourquoi je vous suis très reconnaissant d'avoir organisé cette réunion conjointe, qui permettra d'éclairer la Représentation nationale sur les choix du Gouvernement et, au-delà, d'éclairer tous les Français sur des choix stratégiques pour l'emploi, pour notre souveraineté nationale et pour l'avenir de notre industrie.
Je veux répondre immédiatement à la très légitime question du président Éric Woerth, qui s'interroge sur une différence d'approche entre le rapprochement de STX et Fincantieri, d'une part, et celui entre Alstom et Siemens, d'autre part. Avec le Président de la République, nous avons souhaité remettre en cause, l'été dernier, l'accord préliminaire qui avait été conclu entre STX et Fincantieri pour deux raisons. La première est que cet accord était bancal, puisqu'il accordait 48 % des droits de vote à Fincantieri et 6 % de l'actionnariat à une fondation, la fondation CR Trieste, qui n'était en fait qu'un subterfuge pour dissimuler la prise de participation majoritaire de l'Italie. Pour notre part, nous pensons qu'il vaut mieux avancer à visage découvert vis-à-vis des Français. Soit nous acceptons que l'Italie détienne, via Fincantieri – filiale de l'équivalent italien de la Caisse des dépôts et consignations, autrement dit entité publique italienne –, la majorité du capital, soit nous estimons que ce n'est pas bon et nous construisons un autre accord plus transparent vis-à-vis des Italiens et des Français ; c'est ce que nous avons voulu faire. La deuxième raison est que nous estimions que les garanties n'étaient pas suffisantes – je l'ai moi-même constaté en examinant très attentivement le projet d'accord conclu entre Fincantieri, la fondation CR Trieste et l'État français, notamment à travers Naval Group.
Nous avons ensuite fait une contre-proposition à l'Italie, sous la forme d'un accord à 50-50 que celle-ci a refusé. L'affaire a pris des proportions politiques que j'ai pu mesurer en me rendant à trois reprises à Rome. Au-delà du gouvernement italien, le peuple italien estimait que la France faisait une mauvaise manière à l'Italie en lui refusant un accord aux termes duquel elle aurait été majoritaire : « La France a acheté beaucoup d'industries italiennes, et le jour où l'Italie essaie enfin de prendre une position majoritaire en France, on nous ferme la porte ! Cette coopération franco-italienne ne peut être à sens unique ! » m'expliquait-on.
J'ai toujours estimé qu'un accord entre la France et l'Italie était nécessaire pour que nous ayons une industrie navale solide, capable de résister à la compétition mondiale. Cela a toujours été mon intuition, je n'ai pas varié. J'ai donc cherché un accord avec notre partenaire italien, et nous sommes parvenus à un accord beaucoup plus équilibré et beaucoup plus protecteur des droits français. Il permet effectivement à l'État français, pendant une durée de douze ans renouvelable, de reprendre la majorité du capital de STX – désormais Chantiers de l'Atlantique – si jamais nous estimons que Fincantieri ne respecte pas ses engagements. C'est évidemment une amélioration considérable par rapport à l'accord précédent : les garanties sont plus solides et l'État peut reprendre la main pendant douze ans à intervalles réguliers. Tandis que dans le cas d'Alstom et Siemens, l'accord est clair depuis le début, sans aucune ambiguïté, notamment pour ce qui touche au partage de l'actionnariat.
La deuxième différence est que les chantiers navals présentent un aspect militaire stratégique que l'on ne retrouve pas dans le cas d'Alstom et de Siemens. Les chantiers navals sont la seule structure dont nous disposons pour réaliser une coque de porte-avions. Si demain le Président de la République décide la construction d'un second porte-avions pour garantir la succession du Charles de Gaulle afin que la France et l'armée française gardent un groupe aéronaval, il est indispensable d'avoir des assurances sur les chantiers navals. Dans l'accord précédent, les garanties n'étaient pas suffisantes ; aujourd'hui, elles le sont. Voilà qui explique, à mes yeux, une vraie différence entre les deux accords : les enjeux ne sont pas exactement les mêmes.
Je reviens à la question plus générale qui nous occupe aujourd'hui. Avec le Président de la République et le Premier ministre, nous avons fait un choix stratégique : bâtir des industries et de grands groupes industriels européens. C'est là la vraie ligne de partage. Il y a ceux qui pensent – ils peuvent avoir des raisons – que, dans ces secteurs ferroviaire ou naval, nos groupes industriels peuvent survivre à l'échelle nationale ; et il y a ceux, dont je suis, qui estiment que la concurrence non seulement américaine mais aussi, désormais, chinoise rend absolument indispensable le regroupement des forces européennes. Or, dans cette compétition industrielle, il faut bouger vite parce que nos partenaires ne nous attendent pas ; il faut avancer vite, progresser rapidement, et, désormais, la taille critique est désormais européenne beaucoup plus que nationale. On cite souvent Airbus ; on pourrait citer aussi STMicroelectronics, très bon exemple de coopération franco-italienne dans le domaine des microprocesseurs, où les investissements nécessaires se chiffrent en milliards d'euros, ce qui est à l'échelle non pas d'une nation – tous ceux qui sont dans la région de l'Isère le savent – mais de plusieurs nations européennes. Si nous voulons avoir, demain, des géants du numérique, ils ne seront pas français, allemands, italiens ou espagnols, ils seront européens. Ce choix nous engage tous. J'en entends dire qu'on peut nationaliser, que l'État peut diriger ; c'est absurde. L'État n'a ni les moyens financiers, ni la compétence économique, ni l'expertise technologique pour diriger les grands géants industriels du ferroviaire, du naval, des microprocesseurs ou du numérique. Je n'y crois pas une seconde, et je pense que ce n'est pas le rôle de l'État. Et ce serait envoyer droit dans le mur notre économie, nos salariés, nos ouvriers et nos compétences. Le président Éric Woerth a posé la question des modalités, nous pourrons y revenir, mais je voudrais vraiment placer le débat à ce niveau. Les géants industriels du ferroviaire, du numérique, du digital, de l'aéronautique, de l'espace sont-ils nationaux ou européens ? Ma réponse est claire : à mes yeux, ils ne peuvent être qu'européens. C'est donc le choix que nous avons fait, aussi bien pour STX que pour Alstom ; c'est le choix que nous continuerons à faire, dans les semaines et les mois qui viennent.
Je veux également rappeler que l'industrie française est elle aussi capable, dans d'autres secteurs que l'on ne cite malheureusement pas suffisamment, de prendre le leadership et de s'allier avec d'autres partenaires européens, en position de force et en position majoritaire. Citons l'exemple d'Essilor-Luxottica, premier géant de la lunetterie mondiale, avec des marques comme Ray-Ban, l'une des plus connues au monde – bien plus que la tour Eiffel, pour vous donner un niveau de comparaison ! Citons aussi, dans l'agroalimentaire, Lactalis, qui a racheté Parmalat ; Peugeot, qui rachète Opel ; Seb, qui rachète le principal producteur de machines à café allemand, WMF. Nous avons en France des capacités industrielles suffisamment puissantes pour constituer à nouveau des géants, européens parce que c'est la seule taille critique qui vaille, mais avec une participation française majoritaire. Il me paraît parfaitement équilibré d'avoir des géants industriels européens à majorité française et d'autres à majorité italienne ou allemande ; et je ne pense pas, contrairement à ce qui se dit ici ou là, que cela menace l'emploi ou les sites industriels en France.
J'entre maintenant dans le détail des deux opérations qui nous occupent aujourd'hui.
En ce qui concerne l'alliance d'Alstom et de Siemens, je détaillerai ce que j'ai eu l'occasion d'indiquer tout à l'heure lors des questions au Gouvernement. Nous n'avions, jusqu'en 2005 ou 2006, aucun grand concurrent international dans le secteur ferroviaire En l'espace d'un peu plus de dix ans, la Chine, grâce à des aides d'État massives et avec un regroupement monopolistique de deux grands groupes, a formé un géant mondial, CRRC, dont le chiffre d'affaires est de 30 milliards d'euros, soit quatre fois celui d'Alstom, avec des investissements annuels de l'ordre 7 milliards d'euros sur les marchés extérieurs et 20 milliards d'euros de contrats déjà réalisés en quelques années. Son investissement sur le marché américain en 2016 lui a permis d'emporter tous les appels d'offres aux États-Unis – je dis bien : tous – pour le matériel ferroviaire. Et quand je parle de matériel ferroviaire, entendons-nous bien, il ne s'agit pas que du TGV, mais de ce qui est aujourd'hui l'objet de la très large majorité des appels d'offres : les RER, les tramways et les métros. Car les grands travaux de demain, ce n'est pas uniquement de l'équipement des lignes à grande vitesse, c'est surtout de l'équipement de zones urbaines de plus en plus denses, qui ont besoin de transports publics. C'est là-dessus que les marchés se jouent, et également sur la signalisation, vecteur de création de richesses le plus important de ces grandes entreprises. Rappelons aussi que CRRC a noué contact avec Skoda en République tchèque avec l'intention très claire de conquérir le marché européen, après avoir conquis le marché américain. Voilà exactement où nous en sommes aujourd'hui : un géant chinois, numéro un mondial, qui a émergé en quinze ans, a pris tout le marché nord-américain et qui veut prendre demain tout le marché européen.
Que faisons-nous ? Nous pouvons rester immobiles, à chanter les louanges d'Alstom, à suspendre à nos murs les diplômes du TGV qui a roulé à 400 kilomètres-heure et qui a été il y a vingt-cinq ans le train le plus rapide au monde, nous pouvons vivre dans le passé, dans la nostalgie, et nous reposer sur nos lauriers… ou retrouver un esprit de conquête. Je pense qu'il faut retrouver un esprit de conquête, et que les salariés d'Alstom, avec leurs compétences et leurs technologies, qui sont exceptionnelles, méritent de s'allier avec les meilleurs, c'est-à-dire avec Siemens. Le rapprochement entre Siemens Mobility et Alstom permettra de faire émerger le deuxième leader mondial de la construction ferroviaire et le numéro un mondial de la signalisation. Or, la différence dans les appels d'offres se fera très probablement moins sur le matériel roulant que sur les technologies embarquées, sur la digitalisation des rames et sur la signalisation : c'est cela qui permettra demain à notre industrie ferroviaire de ne pas être « larguée » par l'industrie ferroviaire chinoise. Nous serons meilleurs que les Chinois sur la signalisation, les avancées technologiques, les bogies, les voies, tout ce qui est embarqué à bord des rames ; sur la superstructure en revanche, la carcasse, l'acier, le combat est par définition inégal, parce que la valeur est moindre et que la faiblesse des coûts de production chinois fait la différence.
Autre point sur lequel je veux insister, les dirigeants de Siemens ont pris, par écrit, des engagements importants, qui seront consolidés dans le cadre de la procédure relative aux investissements étrangers en France. Henri Poupart-Lafarge, actuel président d'Alstom, présidera le nouvel ensemble. La composition du conseil d'administration reflétera le caractère franco-allemand de l'entreprise, puisqu'il comprendra quatre administrateurs indépendants de Siemens, dont trois Français, et les trois membres français de ce conseil d'administration auront un droit de veto sur les décisions stratégiques du nouvel ensemble Siemens-Alstom. Le siège de l'entreprise sera maintenu en France, avec une cotation à la Bourse de Paris pour une durée au moins équivalente à dix ans. Siemens transférera l'ensemble de sa division mobilité et matériel roulant à la nouvelle entreprise et s'engage à ne recréer aucune activité concurrente sur le matériel roulant en son sein. Les compétences industrielles en France et en Allemagne seront conservées. L'intégralité des sites seront préservés et le niveau d'emploi global en France et en Allemagne sera maintenu. Aucun départ contraint et aucune fermeture de site ne pourront avoir lieu dans ces deux pays, jusqu'en 2023 au moins. Les investissements et l'emploi dans les départements de recherche et développement resteront au minimum à leur niveau actuel en France et en Allemagne jusqu'en 2023. L'ensemble des engagements pris par l'État en 2016 concernant le site de Belfort seront repris. Enfin, l'entreprise s'engage vis-à-vis des sous-traitants français et allemands à maintenir les commandes nationales à leur niveau actuel et à poursuivre les contrats en cours. Voilà très concrètement l'ensemble des engagements rendus publics au cours de cette audition, pris par Siemens vis-à-vis d'Alstom et des pouvoirs publics. Tous ces engagements que je viens de vous citer, dont seule une partie était publique jusqu'à présent, feront l'objet d'un comité de suivi, qui associera des représentants des salariés, des administrateurs indépendants et des membres des gouvernements français et allemand. J'ai moi-même indiqué aux salariés de Valenciennes il y a deux jours, que je présiderai du côté français ce comité de suivi et que j'attends du gouvernement allemand qu'il propose, dès que mon homologue sera nommé, que celui-ci préside ce comité de suivi pour la partie allemande.
Certains nous reprochent de ne pas avoir exercé les options d'achat que nous avions sur les titres d'Alstom prêtés par Bouygues à l'État ; ce faisant, l'État n'a pas pris de participation dans le nouvel ensemble Siemens-Alstom. Ce reproche n'a pas de sens, car il n'y aurait tout simplement pas eu d'alliance entre Siemens et Alstom si l'État avait fait usage de ses options d'achat… Cette raison devrait être suffisante pour répondre aux interrogations des uns et des autres. L'opération n'était tout simplement pas possible. Dans ce cas, Siemens se serait tourné vers l'autre possibilité qui lui était offerte : le rachat de Bombardier, dont les sites en France représentent environ 2 000 emplois. Gouverner, c'est choisir, et le choix était simple : renoncer à l'opération entre Siemens et Alstom en exigeant la montée de l'État au capital d'Alstom pour acheter un strapontin à prix d'or, ou laisser Siemens s'allier avec Bombardier en laissant Alstom isolé en France et incapable de faire face aux investissements nécessaires pour rester dans le flot de la concurrence ? Nous avons fait le choix d'une alliance entre Siemens et Alstom sans participation de l'État. Je suis convaincu que c'est le bon choix, le choix juste, le choix responsable. Comme le disait très bien Bismarck, dans un jeu de puissances à trois, il vaut mieux être une des deux… Eh bien, aujourd'hui, avec Siemens, nous sommes une de ces deux puissances. Si nous n'avions pas fait ce choix, nous aurions été la troisième puissance, celle qui se fait toujours avoir au bout du compte, celle qui est isolée. Je préfère être dans la position d'Alstom allié avec Siemens plutôt que dans celle de Bombardier aujourd'hui. Et nous verrons, dans cette consolidation industrielle qui se poursuivra nécessairement, ce qu'il adviendra de Bombardier et du constructeur ferroviaire espagnol CAF qui, avec environ 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, se retrouve lui aussi isolé sur le continent européen. Les affaires industrielles internationales ne laissent malheureusement pas beaucoup de place pour la bénévolence à l'égard des uns ou des autres.
Par ailleurs, le rôle de l'État, à mon sens, n'est pas de spéculer sur des entreprises du secteur concurrentiel. Certains nous reprochent d'être passés à côté d'une plus-value ; mais le rôle de l'État n'est pas de faire des plus-values. Pour commencer, elles sont incertaines : ceux qui me font ce reproche sont ceux qui appelaient à monter au capital de Renault ; et aujourd'hui, nous nous retrouvons « scotchés » avec quelques pourcents du capital de Renault que je n'arrive pas à vendre, parce que le cours de l'action n'est pas suffisamment élevé !
Il y a évidemment un autre choix cohérent, celui de La France insoumise qui soutient que l'État doit rester au capital de Renault et prendre des participations majoritaires dans toutes les entreprises du secteur concurrentiel. C'est la ruine de l'État et l'échec garanti des entreprises ! Renault ne s'est jamais aussi bien porté que depuis qu'un dirigeant a noué des alliances et consolidé sans beaucoup se soucier de ce que pouvaient être les orientations de l'État. Le rôle de l'État n'est pas de diriger les entreprises à la place des entrepreneurs, il n'est pas de faire l'industrie à la place des industriels ; il est de préparer l'avenir, de fixer un cadre, de faciliter l'innovation et l'investissement, de veiller au respect des engagements, certainement pas de prendre des participations majoritaires ! S'il le fait, qui dirige alors ? Avec quelles compétences ? Où est le représentant de l'État, le fonctionnaire qui a les capacités, les qualités, l'expérience, l'expertise pour diriger Renault ou Alstom ? Avez-vous été formés à cela, Mesdames et Messieurs les administrateurs, Mesdames et Messieurs les fonctionnaires ? Ce n'est pas votre job, ce n'est pas votre métier, ce n'est pas votre formation. Le passé nous a montré que s'aventurer dans cette direction mène à la nationalisation de toutes les grandes entreprises, et à leur échec. Qui plus est, je l'ai dit, la plus-value n'est jamais garantie ; ce faisant, on expose l'État à des risques financiers importants, notamment celui de se retrouver avec une participation qu'il ne pourra pas vendre quand il le souhaitera parce que le cours de bourse ne sera pas exactement conforme à son voeu. Enfin, une participation de 15 % nous aurait coûté une somme élevée, qui se chiffre en milliards d'euros, pour ne nous donner au conseil d'administration qu'un siège sans pouvoir de décision.
Quitte à dépenser de l'argent public, ce à quoi je suis prêt quand c'est utile au contribuable et à la souveraineté française, je préfère que l'État passe à Alstom ou au nouvel ensemble des commandes qui garantiront le plan de charge de l'entreprise plutôt que d'acheter à prix d'or un strapontin dans un conseil d'administration où il comptera les balles sans pouvoir prendre les décisions nécessaires. Acheter 15 % du capital d'Alstom à 35 euros par action aurait coûté un peu plus de 1 milliard d'euros à l'État ; en acquérir 20 %, près de 1,5 milliard d'euros. Cela fait cher le strapontin !
Quant à la joint-venture entre Alstom et General Electric, un ancien ministre de l'industrie, dont je ne regrette pas qu'il ne le soit plus, a tenu des propos absolument scandaleux sur le sujet, mélangeant des choses qui n'ont absolument rien à voir – il a sans doute oublié son passage au ministère de l'industrie. General Electric et la joint-venture avec Alstom n'ont absolument rien à voir avec le dossier ferroviaire qui nous occupe. C'est comparer des carottes et des navets, des choux et des fraises, et mélanger des choses qui n'ont absolument rien à voir. En revanche, l'État détiendra toujours une action de préférence au capital de la société en charge des turbines à vapeur du parc nucléaire français – je tiens à rassurer la joint-venture sur cet aspect effectivement déterminant ; il continuera à exercer les droits qu'il détient, en particulier son droit de veto sur les questions stratégiques. J'ai eu l'occasion d'en parler avec Jean-Pierre Chevènement qui, lui, est sérieux et responsable, et que cette question préoccupait. Je tiens à vous rassurer : l'État continuera à exercer ses droits, notamment son droit de veto sur les décisions stratégiques.
Enfin, il n'y a pas plus de lien entre cette opération entre Alstom et Siemens et l'engagement de créer 1 000 emplois en France d'ici à la fin de l'année 2018 pris par General Electric, auquel je veillerai. On ne peut pas lier la question des engagements de General Electric sur l'emploi et la fusion d'Alstom et Siemens ; cela n'a absolument rien à voir, et ce sont deux questions qu'il faut absolument déconnecter.
S'agissant de STX et Fincantieri, je vais rappeler la nature de l'accord qui a été conclu, sans revenir sur les explications qui ont été apportées au président Éric Woerth quant aux choix qui ont été faits. Le capital sera désormais réparti comme suit : 50 % pour Fincantieri ; 34 % pour l'État français ; 10 % pour Naval Group ; 2 % pour les salariés ; 3,66 % pour les acteurs locaux. J'ai obtenu de l'État italien qu'il accepte que les acteurs locaux, c'est-à-dire les petites et moyennes entreprises (PME) locales, participent au capital du nouvel ensemble. Je pense que c'est une bonne chose ; les PME locales ont encore quelques réserves, à elles de me dire quel sera leur choix, je souhaite en tout cas qu'elles puissent participer.
Sur cette base, nous avons introduit un prêt de titres, qui représente 1 % du capital, de l'État français à Fincantieri. Ce prêt pourra être révoqué lors de créneaux de trois mois au deuxième, cinquième, huitième et douzième anniversaire de l'accord. J'entends certains dire que nous n'exercerons jamais ce droit de reprise du 1 % du capital dans Fincantieri car ce serait l'équivalent de l'arme nucléaire, ce n'est absolument pas vrai. Ce sont des rendez-vous à échéance régulière. D'ici deux ans, nous aurons une période de trois mois pour vérifier que les engagements de Fincantieri sont tenus, et si ce n'est pas le cas, nous reprendrons notre prêt. Cette affirmation venant de quelqu'un qui – quelle que soit son histoire personnelle – a signé un décret de nationalisation des Chantiers de l'Atlantique, vous pouvez bien penser que nous n'hésiterons pas à récupérer 1 % du capital si les engagements ne sont pas tenus.
Ces engagements portent notamment sur le respect des règles de gouvernance et la préservation du savoir-faire et de la propriété intellectuelle des chantiers. Nous avions résilié le précédent accord parce que nous nous inquiétions que le savoir-faire soit transféré ailleurs, notamment en Chine. La confiance se construit progressivement, et nous voulons faire très attention à ce qu'il n'y ait aucun transfert de technologie vers la Chine. C'est du reste exactement la même histoire que pour Siemens et Alstom : ne pas s'unir avec l'Italie, c'est courir le risque que la Chine ne s'intéresse aux chantiers italiens et isole les chantiers français. Si nous avons voulu cet accord, c'est pour éviter que l'industrie chinoise, dans le domaine naval comme dans le domaine ferroviaire, ne prenne pied en Europe. Parce c'est là qu'est le risque.
Parmi les engagements figurent également le traitement équitable des chantiers au sein du groupe Fincantieri s'agissant des commandes – lorsqu'une commande tombe, il ne faut pas que les chantiers de Trieste soient systématiquement privilégiés par rapport à ceux de Saint-Nazaire –, la préservation de l'emploi et du tissu de sous-traitance local et le maintien du même niveau d'investissement que ce qui pourrait être requis pour moderniser les chantiers.
Voilà les quelques éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. J'imagine que vous avez beaucoup de questions sur tous ces sujets ; mais je répète que le choix stratégique qui est fait, et que nous assumons, est que face à une concurrence mondiale de plus en plus féroce et de plus en plus rapide, il vaut mieux s'unir entre Européens que se diviser.