Monsieur le ministre, en tant que membre de la commission des finances, je souhaite vous interroger sur la protection des intérêts financiers de l'État, car je sais que cela a toujours été une priorité pour vous. Mon collègue Julien Dive vous questionnera sur les aspects économiques et industriels de la fusion.
En juin 2014, à l'initiative du ministre de l'économie de l'époque, Arnaud Montebourg, l'État a signé un accord avec Bouygues lui offrant deux options d'achat de 20 % des actions détenues par Bouygues dans Alstom depuis 2006, à un prix situé entre 30 et 35 euros l'action, selon les hypothèses. Ces options sont valables pour encore quelques jours. Or vous venez de confirmer que vous aviez décidé de ne pas lever ces options – vous l'avez notifié au conseil d'administration de Bouygues où siègent depuis 2014 deux administrateurs qui ont été désignés par l'État.
Cette non-levée d'option pose la question de la protection des intérêts de l'État actionnaire. Il est en effet possible que l'action Alstom continue de se valoriser dans les prochains mois : outre le dividende exceptionnel et la prime de contrôle, tous les deux de 4 euros par action, on peut espérer que ce regroupement soit source de synergies, et donc de valeur, faute de quoi la fusion n'aurait aucun sens.
Dès lors que, dans un avenir plus ou moins proche, la valeur de l'action Alstom excéderait sensiblement les 35 euros, ne risquez-vous pas, monsieur le ministre, vous voir reprocher de ne pas avoir suffisamment défendu les intérêts de l'État ?
Il se trouve qu'en décembre dernier, j'ai eu à témoigner en défense de Mme Christine Lagarde devant la Cour de justice de la République. La Cour ne m'a pas interrogé sur la procédure d'arbitrage, mais sur le fait que la ministre n'avait pas engagé de recours contre la sentence arbitrale, et qu'elle n'avait donc pas utilisé tous les moyens à sa disposition pour sauvegarder les intérêts de l'État. Et Mme Lagarde a été condamnée pour négligence dans l'utilisation des fonds publics…
Vous venez d'indiquer, comme l'avaient fait vos collaborateurs la semaine dernière, que si l'État levait l'option, l'opération de fusion ne pourrait pas se faire car elle serait refusée par Siemens, et qu'il n'y aurait donc pas, par construction, de plus-value. Mais justement, ne pourrait-on pas vous reprocher le moment venu de n'avoir pas utilisé tous les moyens pour protéger les intérêts de l'État, par exemple par le prêt d'actions à Siemens, comme Bouygues les a prêtées à l'État depuis 2014 ? Ou encore par une clause de partage, le moment venu, de l'éventuelle plus-value avec Bouygues ? Même en citant Bismarck, de triste mémoire pour nous Français, vous n'avez pas totalement répondu à ces interrogations.