Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 16h15
Commission des affaires économiques

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Concernant l'intégration de Bombardier, j'ai la conviction que nous aurons une recomposition européenne dans tous les secteurs qui sera beaucoup plus rapide que tout ce que nous pensons. Il y a ceux qui seront en tête, et ceux qui seront derrière. Nous préférons être ceux qui seront en tête, et nous préférons prendre l'initiative avec Alstom-Siemens, dans le cadre d'un accord équilibré, plutôt que subir. Je suis convaincu que cette consolidation amènera à intégrer le moment venu et Bombardier et le constructeur espagnol. Cela créera un problème de concurrence, bien entendu, puisque nous risquons de nous retrouver en situation de monopole, mais cela rejoint la question qui m'a été posée sur la nécessité de faire évoluer certains points de la politique européenne.

S'agissant de la suspicion que certains voudraient faire peser sur Siemens, je voudrais rappeler quelques éléments très simples. D'une part, l'accord est équilibré, il offre des garanties, il est bon pour la France, bon pour les sites industriels et les salariés français. Je rappelle que Siemens a pris en 2001 le contrôle de Matra Transport qui fabrique le métro automatique Val, que vous connaissez tous. Non seulement cette société existe toujours en France, mais elle développe ses activités, prend des marchés et s'internationalise. Je rappelle que Siemens a fait le choix de Toulouse pour implanter son siège mondial pour les activités de métro automatique Val.

J'ai un peu de mal à comprendre, sauf cas de xénophobie ou de germanophobie à peine dissimulée, les critiques de certains, de tous bords politiques, vis-à-vis de Siemens et de notre partenaire allemand. Je vois ressurgir à l'occasion de cette alliance des réflexes qui m'inquiètent. On peut en critiquer certains points, bien entendu ; mais jeter la suspicion sur le partenaire allemand, comme certains le font, est d'abord contraire à la réalité de ce que Siemens a fait en France, et ensuite dangereux du point de vue politique.

Pour de qui est des intérêts financiers de l'État, je voudrais rappeler quelques points techniques. Le cours de l'action Alstom aujourd'hui est de 36 euros, mais ce prix tient compte des 8 euros de prime à venir. Du jour où l'État exercerait son droit de reprise sur cette action, ces 8 euros se retrancheraient immédiatement du cours de l'action. Autrement dit, le prix réel de l'action Alstom n'est pas de 36 euros, mais de 36 euros moins 8. Il faut également prendre en compte les frais d'achat et des frais de vente : vous connaissez suffisamment le secteur boursier, Gilles Carrez, pour savoir que lorsque l'on vend un bloc d'actions aussi important, le cours de l'action baisse fortement. Entre la perte de la prime à venir et celle liée à la vente d'un nombre d'actions très significatif, il y a fort à parier que l'État n'y trouverait pas son compte et qu'il n'y aurait pas de plus-value. Je rappelle que Bouygues est scotché avec ses actions Alstom depuis onze ans ; s'il ne les a pas vendues, c'est tout simplement parce qu'il ne pouvait pas faire de plus-value.

Je demande donc à ceux qui m'ont accusé de manière révoltante – mais assez peu surprenante de la part de gens aussi excessifs – de travailler un peu mieux leurs dossiers et de mieux regarder la réalité des choses. J'ajoute que le rôle de l'État n'est pas de spéculer, il est d'investir, de préparer l'avenir, et de favoriser des alliances comme celle que nous avons commencé à encourager.

J'ai entendu dans les propos de certains des références plus ou moins voilées au procès de l'arbitrage Tapie. Je préfère dire à chaque membre de cette commission, pour laquelle j'ai respect et considération, que je leur demande de ne jamais franchir cette ligne rouge. Il n'y a pas d'utilisation frauduleuse de fonds publics, et il n'y a aucune négligence dans l'utilisation des fonds publics, justement parce que je n'utilise pas des fonds publics pour faire de la spéculation sur le dos du contribuable. Que chacun veille bien, cher Gilles Carrez, à ne pas franchir certaines lignes rouges dans le cadre de ces débats.

Sur la politique commerciale européenne, il est en effet nécessaire de la faire évoluer. Nous ne pouvons pas accepter que la Chine puisse vendre des trains à la France ou l'Europe, et que la France ou l'Europe ne puisse pas vendre de trains à la Chine. Le commerce doit être équitable, et fondé sur des règles de réciprocité. Le Président de la République a déjà eu l'occasion d'en faire part à son homologue chinois, je serai moi-même en Chine au début du mois de décembre où j'aurai l'occasion de poser ce débat avec mon homologue chinois. C'est un débat dur, difficile, sur lequel ne cachons pas que nos partenaires européens sont un peu moins courageux et offensifs que nous, mais c'est vital. La question des marchés publics en matière commerciale est vitale pour nos intérêts industriels, et nos intérêts commerciaux de manière générale. Je le répète : je ne peux pas accepter que la Chine puisse vendre des trains en Europe, et que l'Europe, pour des raisons de marchés publics, ne puisse pas vendre de trains en Chine.

En réponse à vos questions, Monsieur François Ruffin, je ne vous souhaite qu'une seule chose, c'est d'être aussi compétent qu'Henri Poupart-Lafarge, qui a augmenté de 40 % le chiffre d'affaires d'Alstom en cinq ans. Et je ne trouve pas très adroit de remettre en cause sa compétence ; j'ai pu juger sur le terrain, à Valenciennes et ailleurs, qu'il était apprécié de ses salariés, de ses ingénieurs et de ses ouvriers, tout simplement parce qu'un chef d'entreprise qui augmente le chiffre d'affaires de sa boîte de 40 %, dans le fond, fait exactement ce qu'on lui demande, et c'est ce qu'il a réussi à faire.

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