Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Nous avons au moins un point d'accord : les entreprises dont nous parlons oeuvrent dans des secteurs stratégiques essentiels pour la transition énergétique – le transport, le secteur maritime, le secteur militaire et l'énergie, notamment l'énergie renouvelable. Ma première interrogation est la suivante – et je constate que le groupe de La France insoumise n'est pas le seul à vous l'adresser : on peut défendre, comme le président Roland Lescure, l'idée d'une souveraineté européenne et dès lors, peu importe qui détient la majorité dans telle ou telle entreprise, vous avez parlé, Monsieur le ministre, de souveraineté nationale. Mais entendez qu'il soit difficile, pour beaucoup de députés ici présents, de considérer que la souveraineté nationale sur ces entreprises d'intérêt stratégique est respectée quand, dans les deux cas, la majorité des actions, et donc du pouvoir, est allemande. On pourrait arguer, comme vous le faites, qu'il arrive que des entreprises allemandes soient rachetées par des entreprises françaises, sauf que cela ne se passe jamais à la même échelle : la part de l'industrie dans le PIB dépasse les 30 % en Allemagne alors qu'elle n'est que de 12 % en France, où elle a baissé de 25 % depuis l'an 2000 dans notre pays. On voit bien que le risque de disparition de l'industrie lourde est autrement plus présent en France qu'en Allemagne.

Vous dites qu'il n'y aura pas de nationalisation parce que ce procédé a montré son inefficacité et que vous n'avez personne pour s'en charger. Pour notre part, nous pensons que lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu, il est préférable de nationaliser que de se faire avaler par des intérêts allemands. D'ailleurs, je ne fais pas dans la germanophobie : les Allemands, eux, au moins, défendent leurs intérêts économiques. J'observe cependant que depuis 1986, date du début des grandes privatisations, la part de l'industrie dans le PIB a baissé de moitié en France.

Vous nous dites que des précautions ont été prises en matière d'emploi. Mais pourquoi refusez-vous de comparer la situation qui nous occupe avec celle de General Electric ? Dans l'affaire General Electric, en dehors du fait que nous n'avons plus aucun fabricant d'éoliennes marines sous pavillon français, on nous avait promis 1 000 emplois et aujourd'hui, ce sont 1 000 emplois qui disparaissent. Vous avez évoqué Grenoble mais vous savez très bien que 345 emplois risquent d'y être supprimés et que les salariés manifestent devant leur usine aujourd'hui. Je vous ferai grâce de la liste d'entreprises pour lesquelles on nous a annoncé que l'emploi serait préservé – le dernier exemple est celui d'Alcatel Lucent : le 22 septembre 2015, Nokia confirme ses engagements ; le 7 septembre 2017, M. Benjamin Griveaux n'a plus que ses yeux pour pleurer en découvrant les licenciements chez Nokia… C'est une vieille constante : lorsqu'il y a fusion, ou devrais-je dire absorption, les emplois ne sont jamais préservés.

Enfin, je remarque que la Chine a bon dos pour expliquer qu'il faut à tout prix en finir avec l'industrie française. Dans ce cas, que n'instaurons-nous pas un protectionnisme solidaire – de préférence, à l'échelle européenne – plutôt que de nous laisser penser qu'en raison de la concurrence chinoise, on va en finir avec l'industrie en France ?

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