Intervention de Joaquim Pueyo

Réunion du mercredi 5 décembre 2018 à 8h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

En juin 2016, les Britanniques ont décidé de quitter l'Union européenne quarante-trois ans après l'avoir intégrée. On le regrette d'autant que le Royaume-Uni a entretenu, pendant de nombreuses années, des relations complexes avec l'Union européenne et l'ensemble des États membres puisque certaines de ses revendications ont conduit à la mise en place de rabais ou même au blocage de certaines avancées. Force est de reconnaître que les Britanniques ont démontré durant toutes ces années leur très forte capacité à faire prévaloir leurs revendications et à négocier au niveau européen les mesures les plus en phase avec leurs intérêts. Le peuple souverain a néanmoins décidé de quitter l'Union européenne et il n'est pas question ici de remettre en question cette décision.

Le Brexit nous offre l'occasion de réaffirmer que nous tenons à l'Union européenne. Bien sûr, l'Union est perfectible et devra inlassablement évoluer pour s'adapter aux évolutions du monde et aux besoins des citoyens européens. La décision britannique est un coup de semonce. Elle ne doit cependant pas devenir le signal de départs pour d'autres pays qui questionnent fortement la légitimité d'institutions qui restent pourtant dépendantes de la volonté des États membres. Nous devons le rappeler sans relâche : l'Union européenne n'est rien d'autre que la concrétisation des volontés des États qui la composent.

Les décisions prises doivent répondre aux grands enjeux mondiaux. Nous en avons beaucoup parlé au sein de la commission des affaires européennes. Comment répondre au changement climatique dans la limite des frontières françaises ? Comment répondre au besoin d'encadrement des géants du numériques – Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft –, les GAFAM ? Comment répondre aux conflits auxquels nous assistons en Ukraine, à la frontière de l'Europe, à la crise migratoire, au terrorisme ou au grand banditisme ? Autant d'enjeux importants déterminants pour la cohésion et la cohérence de l'Union européenne.

Autre point particulier : la situation est actuellement en suspens. Nous sommes amenés à décider de cette habilitation à légiférer alors même que les décisions ne sont pas encore prises. Le vote qui se tiendra dans une semaine au sein de la Chambre des Communes britannique sera fondamental. Sans adoption de l'accord de retrait, nous entrerons dans une période particulièrement instable, notamment pour le Royaume-Uni. Notre pays doit donc être prêt à agir rapidement, ce qui justifie le recours aux ordonnances. Madame la ministre, j'en prends acte car je pense que l'on ne pouvait pas faire autrement.

Reste que le Parlement français doit pouvoir encadrer au maximum les décisions qui seront prises et jouer son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement ; c'est en tout cas le souhait des membres du groupe Socialistes et apparentés. C'est pourquoi il était indispensable de renforcer la précision de ce texte, ce qui a été fait par nos collègues sénateurs. Madame la ministre, vous aviez indiqué que certaines de ces précisions vous semblaient aller trop loin, et expliqué notamment que nous ne devions pas dévoiler des orientations avant les négociations à venir. Tout en étant sensible à votre argumentaire, il me semble que les formulations retenues laissent une grande marge de manoeuvre au Gouvernement et que cette amélioration du texte répond aux critiques qu'avait formulées le Conseil d'État.

La majeure part de ce texte prépare au scénario le plus inquiétant, celui d'un rejet de l'accord de retrait et donc de l'absence de compromis avant le 30 mars 2019. Il s'agira dans ce cas de protéger les ressortissants français et britanniques qui ont travaillé, travaillent et travailleront dans les années à venir dans nos deux pays. Ce n'est pas parce que le Royaume-Uni quitte l'Union européenne que les liens se couperont.

L'article 3 me semble particulièrement important puisqu'il trouvera à s'appliquer quelle que soit l'issue des votes à venir aux Parlements britannique et européen. Il prépare notre pays à prendre des mesures urgentes pour pallier le rétablissement des contrôles notamment au niveau des ports du nord-ouest et du tunnel sous la Manche. Cependant, comme nous l'avons soulevé lors des auditions, des questions matérielles se posent notamment en ce qui concerne sur les besoins humains et financiers occasionnés par ces mesures.

Si l'accord de retrait était validé, nous entrerions dans une nouvelle phase intense de négociations qui verrait l'établissement d'accords encadrant les futures relations entre les États membres et le Royaume-Uni. Les parlementaires devront être intégrés tout au long du processus pour pouvoir remplir leur rôle de contrôleur et de législateur.

Nous avons dit que le Brexit devra être une chance d'avancer, et ne pas rester un coup de semonce, sous peine d'être le signal du départ d'autres pays. La tentation du repli doit absolument être écartée et évitée. Le groupe Socialistes et apparentés aborde donc cette discussion de façon très positive. Le Parlement s'honorerait si ses membres étaient tous rassemblés autour de ce projet de loi.

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