Le 23 juin 2016, lors d'un référendum organisé David Cameron, alors Premier ministre, 51,9 % des Britanniques ont choisi de quitter l'Union européenne. Du fait de ce vote et du déclenchement de l'article 50 du traité sur l'Union européenne le 29 mars 2017, le Royaume-Uni et les vingt-sept autres pays membres ont désormais deux ans pour préparer la sortie effective du pays.
Le projet de loi dont nous discutons vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union et à déterminer ce qu'il adviendra des relations entre la France et la Grande-Bretagne. Quoi que l'on puisse penser du choix du peuple britannique, il est indéniable, et de nombreuses études le confirment, que ce vote a exprimé la volonté de reprendre le contrôle, de regagner une part de souveraineté dont une majorité du peuple britannique s'est sentie dépossédée. Ce sont les plus pauvres, les moins intégrés dans le système scolaire, les plus éloignés des centres-villes hors de prix, les plus âgés, qui ont choisi de sortir de l'Union européenne. Ce qui n'est pas sans rappeler un certain mouvement auquel nous assistons en France…
Ce constat devrait nous faire réfléchir à la manière de gouverner et au contenu des politiques menées depuis tant d'années aux niveaux européen et national. Cette réflexion s'applique encore plus particulièrement en cet instant précis où le Gouvernement nous demande de l'habiliter à légiférer par ordonnances. Nous discutons des relations futures entre nos deux pays alors même que nous ignorons quelle sera la position de la Chambre des Communes sur l'accord conclu avec Theresa May – jugé tellement humiliant et impopulaire que plusieurs ministres, et non des moindres, ont présenté leur démission –, et que le gouvernement a connu il y a quelques heures un acte de censure assez inédit. Nous discutons alors que nous-mêmes, représentants de la Nation, avons eu connaissance il y a seulement quelques jours du contenu en français de ce que vous nous demandez d'approuver.
Les conditions de ce débat sont inacceptables car elles font fi de la voix des peuples, du peuple français dont les représentants n'ont pas pu travailler correctement le contenu de ces accords, du peuple britannique dont le choix majoritaire de quitter l'Union européenne demeure en balance jusqu'au vote.
Le cas de la pêche illustre bien la difficulté dans laquelle nous nous trouvons. Les pêcheurs britanniques ont voté à 92 % en faveur du Brexit, dénonçant notamment une technocratie qui aura échoué à tenir les nombreuses promesses. Le secteur de la pêche est en crise depuis des décennies : en 2001 déjà, la Commission constatait dans un livre vert que ce secteur se caractérisait par une fragilité économique découlant d'un surinvestissement, d'une augmentation rapide des coûts et d'un amenuisement de la ressource, évolution que reflètent une rentabilité médiocre et une régression constante de l'emploi. À cela s'ajoute le problème écologique de la surpêche, l'un des effets de la politique commune de la pêche.
Les mesures prises en 2013 n'ont pas réglé les problèmes. Or l'accord discuté actuellement ne prévoit pas les suites à donner aux accords de pêche. Dans les accords futurs avec la Grande-Bretagne, il est nécessaire que les parties concernées soient consultées et puissent parler des enjeux du secteur : non seulement les pêcheurs britanniques mais aussi les professionnels de la pêche des Hauts-de-France, de Bretagne et de Normandie.
On le voit à travers cet exemple, l'enjeu est social, écologique et démocratique. Rappelons que les eaux territoriales britanniques sont les plus vastes d'Europe et que 30 % des captures françaises – 75 % dans les Hauts-de-France – et 75 % des exportations britanniques sont à destination de la France et de l'Espagne. Il faut donc conclure un accord qui permette une sortie par le haut, écologique et sociale, des deux côtés de la Manche, sans volonté de punir, d'humilier ou d'ignorer le vote britannique.
Il faut mettre les citoyens et citoyennes, les parlementaires des deux pays autour de la table et trouver une solution commune en les impliquant. Ce n'est malheureusement pas le choix du Gouvernement. Nous verrons ces prochains jours quel sort le parlement britannique réservera au gouvernement de Theresa May – en Grande-Bretagne, le Parlement a vraiment la possibilité de mettre le Gouvernement devant ses responsabilités. Pour ce qui est du groupe La France insoumise, nous considérons que les conditions dans lesquelles se tiennent ces débats sont très largement insatisfaisantes. Nous ne donnerons pas un blanc-seing au Gouvernement, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres.