Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 18h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les orateurs de groupe, mesdames et messieurs les commissaires, je suis très heureuse d'être parmi vous pour la première fois ce soir pour défendre ce beau projet de loi.

Je voudrais commencer par dire un mot sur la biodiversité. Dans le contexte global de la transition écologique, je crois que nous sommes maintenant tous conscients qu'enrayer l'effondrement de la biodiversité est aussi capital que de limiter le réchauffement climatique. D'ailleurs, nous savons désormais que les deux sujets sont liés.

Loin d'être un concept abstrait ou accessoire, la biodiversité est simplement l'ensemble des êtres vivants et de leurs interactions. Nous savons depuis longtemps – et nous le vérifions malheureusement de plus en plus souvent – que le maintien de la biodiversité est une condition de notre survie dans la mesure où les sociétés humaines se sont toujours construites sur les services rendus par la nature : les milieux humides fournissent l'eau potable ; les insectes pollinisent les champs ; les mangroves protègent des tempêtes ; les écosystèmes constituent un réservoir, y compris de médicaments, et garantissent notre sécurité alimentaire à long terme ; les océans régulent le climat, etc.

Nous le savons tous ici, et je pense que c'est ce qui nous réunit : l'érosion de la biodiversité est devenue très préoccupante. Dans son rapport Planète vivante, publié le mois dernier, le Fonds mondial pour la nature (WWF – World Wide Fund for Nature) indiquait que 60 % des populations de vertébrés ont disparu depuis 1970 dans une assez grande indifférence. Les causes sont assez bien identifiées : pollution, artificialisation des sols, fragmentation des habitats, surexploitation des ressources, trafics, etc. À toutes ces pressions s'ajoute le changement climatique lui-même qui bouleverse les habitats et qui amplifie les effets sur l'érosion du vivant. C'est pour travailler sur ces deux causes fondamentales que le Gouvernement a révisé la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et a présenté la programmation pluriannuelle de l'énergie qui fera l'objet d'une audition spécifique, plus tard dans la semaine, avec un objectif de neutralité carbone en 2050.

Nous ressentons la même urgence à agir dans le domaine de la biodiversité. M. Nicolas Hulot s'était beaucoup attaché à sa défense, ce qui avait conduit au lancement, en juillet dernier, du plan Biodiversité. Ce plan, porté par le ministère mais qui est à vocation interministérielle, comporte six axes et quatre-vingt-dix mesures pour reconquérir la biodiversité dans tous les territoires, construire une économie à moindre impact sur la biodiversité, protéger et restaurer la nature. Il ne s'agit évidemment pas de mettre la nature sous cloche, et je pense qu'il est important que nous ayons ensemble une vision dynamique de la biodiversité ; il s'agit d'instaurer une interaction durable avec l'homme et ses activités, dont la chasse et la pêche qui participent à la régulation de certaines espèces et au développement de certains espaces.

Tout comme pour le climat, la France a une responsabilité particulière vis-à-vis de la biodiversité : avec ses territoires ultramarins, elle abrite 10 % des espèces connues au niveau mondial et elle possède le deuxième espace maritime au monde. Cet enjeu de préservation de la biodiversité nous offre l'opportunité de concevoir la ville et la campagne différemment, de changer nos modèles de production pour aller vers des systèmes plus résilients, d'améliorer notre cadre de vie, en bref de refonder notre lien à la nature. Une biodiversité mieux protégée sera donc notre meilleure alliée pour nous adapter au dérèglement climatique que nous essayons de contenir.

Pour concrétiser cette ambition – et je reviens ici au projet de loi –, nous avons besoin d'un opérateur public puissant. Et ce doit être une grande satisfaction, pour tous ceux qui suivent ces sujets depuis longtemps, de nous voir tous réunis aujourd'hui, à l'issue d'un compromis que l'on pourrait qualifier d'historique, afin de créer ce bel opérateur par la réunion de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Cet opérateur a vocation à être présent à toutes les échelles territoriales et à épauler chacun dans la conduite des actions de reconquête de la biodiversité. Il a aussi vocation à mettre tous les acteurs en réseau : l'État, les collectivités, les acteurs socio-économiques, les organisations non gouvernementales (ONG), la société civile, le monde cynégétique, les usagers de la nature. Les conditions sont enfin réunies pour mettre en place une sorte d'équivalent de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), cette « ADEME » de la biodiversité espérée par les acteurs depuis le Grenelle, il y a maintenant dix ans.

Le texte dont nous allons discuter va donner vie à ce grand opérateur de la biodiversité et de la préservation de la nature. Pour le baptiser, nous avons soumis une liste de sept noms aux agents des deux opérateurs et ils ont placé en premier celui d' « Office français de la biodiversité » (OFB). Par le biais d'un amendement, nous vous proposons cette dénomination simple qui montre l'ambition du futur opérateur. Celui-ci aura enfin la taille critique, la visibilité, le champ complet de compétences – du milieu marin au milieu terrestre en passant par l'eau et les milieux aquatiques – qui lui permettront de piloter la mise en oeuvre des politiques publiques en matière de biodiversité.

Nous aurons sûrement un riche débat sur ses missions, ce qui me semble absolument décisif pour bien qualifier son action. À la différence des actions en faveur du climat, dont les effets ne se font sentir qu'à moyen ou long terme, les actions en faveur de la biodiversité ont l'avantage de « payer vite ». On peut voir des papillons qui reviennent dans les communes sans pesticides ; on peut retrouver des poissons migrateurs dans les cours d'eau ; on peut retrouver des grands ongulés grâce aux plans de chasse ; on peut retrouver une petite faune quand on plante des haies. C'est finalement une politique satisfaisante, pour peu que l'on parvienne à aligner l'action de tous les acteurs.

J'en viens aux objectifs emblématiques du projet de loi.

Le nouvel opérateur, l'OFB, reprend les missions de l'AFB et de l'ONCFS dans tous les territoires de l'hexagone et de l'outre-mer. Par cette création, nous allons doter le plan Biodiversité, mais aussi l'ambition qui sortira de la deuxième phase des Assises de l'eau, d'un opérateur de premier plan. L'OFB pourra assurer la mise en oeuvre des actions décidées aux côtés des partenaires : État, collectivités, agences, entreprises, associations, citoyens. Il pourra aussi favoriser la mobilisation citoyenne : je pense au congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), que nous accueillerons à Marseille en mai et juin 2020 et qui peut être l'occasion de cette grande mobilisation. J'étais d'ailleurs à Marseille hier.

Nous voulons aussi renforcer la police de l'environnement, notamment en milieu rural, en rassemblant les inspecteurs de l'environnement des deux opérateurs en un service unique. Ce qui permettra une action mieux coordonnée, mieux répartie sur le territoire, plus efficace. Nous proposerons de doter ces inspecteurs de nouvelles prérogatives de police afin qu'ils puissent conduire leurs enquêtes de la façon la plus efficace possible.

Ce projet de loi permet de créer les conditions de la mise en place d'une gestion adaptative de certaines espèces, c'est-à-dire d'adapter les prélèvements de ces espèces en fonction de l'état de conservation de leur population et de leur dynamique d'évolution. Cela suppose de mieux organiser la collecte et le traitement, actuellement effectués par les chasseurs, des informations sur les prélèvements.

Enfin, le projet de loi propose de pérenniser dans la loi la contribution des fédérations de chasseurs à des actions de préservation et de reconquête de la biodiversité, via une éco-contribution de cinq euros par an et par chasseur pour institutionnaliser et pérenniser des pratiques qui existent déjà dans beaucoup de territoires.

Ce nouvel opérateur a vocation à être opérationnel dès janvier 2020. Nous souhaitons le créer le plus rapidement possible car c'est un chantier très important pour le ministère. Nous avons désigné un préfigurateur, M. Pierre Dubreuil, jusque-là directeur général délégué du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN). Sa lettre de mission est connue ; elle insiste sur une très large association des parties prenantes et sur la nécessité d'engager un dialogue approfondi avec les organisations syndicales. Toutes les parties prenantes ont affirmé leur volonté résolue de créer une culture commune entre les agents des deux établissements précédents.

Nous souhaitons que l'OFB soit installé dès le 1er janvier 2020 pour qu'il puisse être opérationnel le plus vite possible et pour éviter une période d'incertitude trop longue aux agents concernés. La question clef des moyens futurs de cet opérateur n'est pas encore tranchée. Elle devra l'être de façon pérenne d'ici à l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2020.

Nous avons fait le choix de présenter un texte synthétique, peut-être trop aux yeux de certains. À l'issue des débats, il sera sûrement enrichi. Nous souhaitons néanmoins essayer de garder l'esprit d'un texte qui reste dans le domaine législatif, qui ne détaille pas forcément des points qui peuvent faire l'objet de nos débats sans nécessiter d'être intégralement repris dans une norme de niveau législatif. Je suis certaine que les actions en faveur de la biodiversité que conduira le futur OFB seront extrêmement favorables à la conduite de notre politique, en permettant de renforcer les liens entre l'homme et la nature. Ces actions montreront l'exemple, serviront dans la lutte contre le changement climatique. Elles participeront à la prise de conscience des enjeux environnementaux, dont nous avons clairement besoin. Notre responsabilité collective est donc grande.

Pour avoir commencé à travailler avec Mme la rapporteure et avec plusieurs d'entre vous, je sais que nous débattrons de manière constructive dans cette commission, afin de créer les conditions de réussite de ce nouvel établissement. Je suis fière que nous ayons l'occasion de le constituer ensemble.

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