Pour la troisième fois depuis le début de la législature, notre assemblée a l'occasion de témoigner son soutien aux proches aidants que compte notre pays.
Cette question est majeure : cela a été dit, on dénombre en France 8,3 millions de personnes qui aident régulièrement l'un de leurs proches ou aînés. Dans 48 % des cas, cette aide quotidienne résulte d'une dépendance liée à l'âge, à la maladie ou au handicap. Cela représente cinq heures par semaine pour 38 % des aidants, mais peut aller jusqu'à plus de quarante heures pour 9 % d'entre eux. Cet engagement de tous les instants peut avoir des retentissements importants sur la vie personnelle de l'aidant, sa santé et ses finances. L'aide non rémunérée qu'apportent les proches aidants est évaluée à 14 milliards par an ; par leur présence et leurs actions, ils contribuent donc à alléger les charges de la dépendance qui, à défaut, incomberaient à l'État.
S'appuyer sur la solidarité des proches devient une nécessité en raison de l'augmentation de la longévité et de l'absence de structures intermédiaires entre le « tout domicile » et le « tout établissement ». Cependant, alors que cet enjeu sociétal exige une évolution législative immédiate, j'observe que le Gouvernement objecte la perspective d'un chantier global, reportant ainsi le traitement de la question jusqu'à fin 2019, voire jusqu'à 2020.
Il nous revient pourtant de ne pas laisser s'intensifier le sentiment d'abandon que peuvent éprouver ceux dont le dévouement s'inscrit au crédit de notre société, au sens propre du terme. Nous ne pouvons donc qu'être favorables à la philosophie de ce texte qui vise à soutenir l'engagement des aidants par des mesures pragmatiques.
L'objet principal de la proposition de loi, le financement du congé du proche aidant, nous mobilise particulièrement. Nous avons eu l'occasion de nous exprimer à plusieurs reprises en faveur de cette indemnisation. Et pour cause : depuis sa création, en 2015, ce congé n'aurait été utilisé que par une dizaine de personnes ; il n'apporte pas de solution aux quatre millions de salariés aidants, et le législateur ne peut ni ignorer cette situation ni s'en satisfaire.
En revanche, nous l'avons dit en commission, les modalités de financement retenues par nos collègues du Sénat, qui consistent à créer une nouvelle taxe sur les produits de retraites supplémentaires, de surcroît au taux élevé de 1,7 %, nous semblent déraisonnables. Non seulement les assureurs risquent d'en répercuter l'effet sur leurs tarifs, mais cela revient aussi à pénaliser ceux qui ont adopté une approche prudentielle et qui, de ce fait, pèseront moins sur la solidarité nationale le jour où ils seront eux-mêmes aidés : c'est la double peine !
Pour notre part, nous proposons deux orientations très simples. Premièrement, faire de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie le guichet de la nouvelle indemnité, pour des raisons de lisibilité et de cohérence de l'aide publique. Deuxièmement, financer dès janvier prochain le lancement de l'indemnité sur le budget de la sécurité sociale, lequel prévoit un excédent de 700 millions en 2019 – soit dix fois le budget de lancement de l'indemnisation du congé du proche aidant. Les services du ministère estiment que, sur les quatre millions d'aidants salariés, 270 000 seraient susceptibles de recourir à un congé indemnisé, ce qui signifierait un coût annuel de 20 à 40 millions en rythme de croisière. Ce que nous proposons, c'est donc une solution de financement à titre provisoire, au moins jusqu'à ce qu'une solution aboutie se dégage des concertations actuellement menées par le Gouvernement.
Permettez-moi de m'interroger, chers collègues de la majorité, sur le cheminement de pensée qui vous a conduits, en commission, à rejeter le texte alors que vous aviez précédemment adopté nos amendements. De manière générale, on peut questionner la logique qui consiste à envoyer un signal positif avant de tout rejeter en bloc.