Je suis navré de vous avoir froissés, monsieur Cazeneuve, madame Verdier-Jouclas. Mais comprenez bien une chose : l'AMF a presque préfiguré En Marche. Depuis des années, en effet, cette institution est la seule dans laquelle des élus de gauche, de droite et du centre laissent leur appartenance politique au vestiaire et s'efforcent de parvenir à un consensus sur des politiques publiques. Je ne m'exprime donc pas depuis la « France d'avant », et je n'ai aucun a priori contre vous : je sais que vous avez accompli de jolies choses dans de belles entreprises, Apple ou Bouygues Télécom. Je sais également que certains d'entre vous sont passionnés d'anthropologie ou de paléoanthropologie et, à ce titre, ils s'intéressent certainement plus que moi à la « France d'avant »...
Permettez-moi, du reste, de compléter votre culture dans ce domaine en vous rappelant que c'est en tant que candidat à la primaire que François Fillon proposait 20 milliards d'économies – nous parlons là, en quelque sorte, de la France « d'avant avant ». Avec Fillon candidat à la présidentielle, nous avons eu des discussions homériques, au point que nous avons claqué la porte – et quand je dis « nous », je parle d'élus de droite, y compris du président du Sénat. Ces discussions ont abouti à un arbitrage et à l'abandon de cette proposition. Vous pouvez continuer à l'invoquer, mais cela me paraît d'autant plus inutile que Fillon a perdu l'élection présidentielle. Vous êtes maintenant aux responsabilités, et personne ne conteste votre légitimité. Souffrez cependant que, dans un débat démocratique qui concerne le coin de la rue et non le bout du monde, nous ne soyons pas toujours d'accord. Mais croyez bien qu'étant profondément républicain – telle est ma paléoanthropologie personnelle –, je vous respecte au plus haut point et je ne mets pas en cause votre légitimité, conférée par le peuple français, pour diriger le pays.
Monsieur Bourlanges, vous avez posé deux très bonnes questions. Il est en effet légitime d'interroger les collectivités territoriales sur les accusations, injustes, dont elles sont l'objet. Comme l'a très bien dit Dominique Bussereau, les dépenses de fonctionnement d'un département ne servent pas à financer l'organisation de cocktails ou la construction de ronds-points dans des champs. Il s'agit de dépenses imposées, souvent par l'État, dans le cadre de transferts de compétences et d'une décentralisation dont vous avez été, monsieur Bourlanges, l'un des hérauts. De fait, la très grande majorité des charges de fonctionnement des départements, dont 60 % à 70 % sont des charges de personnels, sont liées aux différentes vagues de décentralisation, qu'il s'agisse des personnels administratifs, techniques, ouvriers, de service (ATOS) ou du fonctionnement des collèges. Il en va de même pour les régions.
Or, la fonction publique territoriale, je le rappelle, est alignée sur la fonction publique d'État et sur la fonction publique hospitalière, de sorte que les mesures indiciaires négociées par Bercy s'appliquent à l'ensemble des trois fonctions publiques sans que nous ayons notre mot à dire. La très forte progression des dépenses de personnel de ces dernières années est donc liée à des mesures – bonifications indiciaires, augmentation du glissement, vieillesse technicité (GVT) et des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, sans parler du plan « carrières-retraites », qui représente plus de 4,5 milliards non budgétés – qui n'ont pas été décidées par les élus locaux. Elle n'est pas due à nos décisions, mais à un mauvais fonctionnement.
La question qu'il faut se poser est celle de l'avenir de la fonction publique territoriale. En effet, si l'on veut que les collectivités soient responsables, peut-être faut-il leur conférer l'autonomie de gestion en tant qu'employeur.