Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui. Comme toujours, j'éprouve un réel plaisir à échanger avec la représentation nationale – à laquelle j'ai longtemps appartenu. Ce n'est pas seulement un plaisir, mais aussi une nécessité. Dans mes fonctions de commissaire en charge de l'économie, des finances, de la fiscalité et de l'union douanière, j'ai en effet notamment en charge la surveillance budgétaire et le semestre européen, avec mon collègue Vasdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne chargé de l'euro et du dialogue social. Nous sommes donc contraints, de par les règles, d'échanger de manière régulière sur les finances publiques avec les États membres.
J'ai coutume de venir ici au moins deux fois par an : une première fois au début du semestre, c'est-à-dire maintenant, lorsque le projet de loi de finances est déposé – nous allons recevoir de notre côté l'avant-projet de budget le 15 octobre, pour l'examiner entre le 15 et le 30 octobre –, une seconde fois, à la fin du semestre, au moment où les fameuses recommandations qu'évoquait Mme la présidente sont formulées par la Commission européenne. En ce début de législature, je vous propose de reprendre ce cycle. Je serai par ailleurs très heureux d'honorer toute autre invitation que vous m'adresseriez.
Notre rencontre se déroule à un moment très intéressant au plan européen. Vous devez en être tous conscients, dans la diversité de vos sensibilités politiques : une fenêtre politique s'ouvre pour faire avancer l'Europe, de manière tout à fait inédite depuis plusieurs années. Trois facteurs viennent en effet se combiner : d'abord, une nouvelle donne politique s'instaure en Allemagne Je sais qu'elle suscite des interrogations. Mais, je veux le dire ici, je ne suis pas inquiet : je fais confiance à la fibre européenne de nos amis allemands et au sens des responsabilités de la Chancelière. Les négociations qui s'ouvrent pour former une nouvelle coalition, qui sera différente de la précédente, nous emmèneront peut-être jusqu'à la fin de l'année. Les équilibres européens de cette coalition sont à inventer. Ils seront sans doute un peu différents de ceux de la précédente coalition. Mais, nous en avons l'expérience, il y a le temps des discours de campagne et le temps des accords de coalition, puis le temps des compromis avec les partenaires européens. Je suis absolument certain que, comme toujours, nous trouverons dans l'Allemagne un partenaire avec lequel nous pouvons et nous devons avancer.
Ensuite, en France, le Président Macron a pris le parti de parler d'Europe avec force et ambition, notamment lors de son discours de la semaine dernière. Cela était très attendu de nos partenaires. Certaines de ses propositions sont très ambitieuses. Oui, madame la présidente, je suis favorable, depuis longtemps, à la création d'un ministre des finances de la zone euro. Il devrait être simultanément chargé de mon poste, commissaire pour les affaires économiques et financières, et président de l'Eurogroupe. J'y suis favorable pour deux raisons : d'abord afin de mieux piloter la politique monétaire de la zone euro, mais également afin d'assurer un réel contrôle démocratique. Sans ce double « chapeau », le contrôle démocratique est illusoire. Aujourd'hui, l'Eurogroupe discute en « chambre » de problèmes absolument fondamentaux, sans en référer à qui que ce soit. Je pense que cela n'est plus possible. Mais nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler au fil de nos échanges. Les autorités françaises vont désormais discuter avec leurs partenaires européens pour créer une dynamique et faire avancer notre continent.
Enfin, le rôle de la Commission européenne est important pour que cela fonctionne – car il faut toujours « Paris-Berlin-Bruxelles ». La Commission européenne se veut politique et facilitatrice. Vous aurez noté ses évolutions sur des dossiers tels que l'application des règles budgétaires – j'en reparlerai –, la fiscalité, le commerce ou les investissements. Cette Commission entame la dernière partie de son mandat, qui comporte encore un temps de travail utile : je pense que nous pourrons appuyer des initiatives fortes jusqu'à la fin du second semestre 2018. Après, naturellement, un autre cycle s'ouvrira, les partis entreront en campagne pour les élections européennes 2019 et le temps législatif européen ne permettra plus de faire adopter d'initiatives majeures.
Si l'on ajoute à tout cela que le Président Juncker a lui aussi délivré un discours important, sur l'état de l'Union, il y a quelques semaines devant le Parlement européen, une fenêtre d'opportunité est donc actuellement ouverte ; elle durera jusqu'à l'été prochain. Pour ce qui concerne l'Union économique et monétaire (UEM), c'est-à-dire la zone euro, on peut même être plus précis. En décembre, la Commission va présenter plusieurs initiatives pour approfondir l'UEM et proposer un chemin jusqu'en 2025. Si vous le souhaitez, je pourrai revenir devant vos commissions à ce moment, pour vous présenter ce « paquet zone euro ». Dans la foulée, un sommet « zone euro » va se tenir – le premier en deux ans – pour définir une ligne commune et donner une direction politique claire à la Commission. Si ce sommet peut se tenir, c'est qu'il en a désormais la capacité, ce qui n'était pas le cas auparavant. En juin 2018, un autre sommet aura lieu, qui viendra clore cette séquence et peut-être dessiner notre feuille de route pour compléter la zone euro d'ici à 2025.
En résumé, la fenêtre sur ces sujets – importants pour la France –, sera ouverte de décembre à juin, avec une phase préparatoire intensive d'ici décembre. Parallèlement, s'ouvrira peut-être également, dans la même période, une phase de débats citoyens sur ces sujets – le président Macron propose des conventions démocratiques. Cela serait logique et souhaitable. Il est difficile d'en prévoir aujourd'hui les résultats, mais il est indéniable que l'opportunité politique, qu'il faut l'exploiter, est réelle et que la partie se joue maintenant.
La France a un agenda ambitieux. Il ne sera pas facile – il faut en être conscient – de convaincre les autres capitales. D'expérience, car j'ai fait campagne lors de toutes les élections européennes, je sais que l'Europe n'est pas la France en grand... Un discours européen est absolument indispensable, mais il faut ensuite le faire atterrir, dans la confrontation et, le moment venu, le compromis, avec les autres. La France devra mettre toutes les chances de son côté pour y parvenir, pour être plus forte et obtenir davantage.
Elle devra donc se montrer exemplaire sur le front des finances publiques. Il y a une relation très claire entre les deux : pour être une voix encore plus crédible – en particulier avec Berlin –, la France doit renouer avec l'exemplarité budgétaire. Comme l'Espagne, elle doit retrouver sa place dans un club où, désormais, dix-sept États membres sur dix-neuf ont leurs finances publiques en ordre. Seuls deux pays sont encore en procédure de déficit excessif : la France et l'Espagne. J'ai très bon espoir qu'en 2018 il n'en reste aucun et que tout le monde puisse aborder sainement la discussion.
C'est avec ces éléments de cadrage européen que je vais maintenant aborder les échéances budgétaires de l'automne. Différents textes seront examinés par cette Assemblée – je ne veux pas entrer dans leur détail. Je ne le ferai d'ailleurs que quand nous les aurons vus et examinés selon la méthodologie européenne usuelle. C'est ainsi que nous procéderons entre le 15 et le 30 octobre avec l'avant-projet de budget que nous transmettra la France le 15 octobre. Le 9 novembre, nous ferons connaître nos prévisions macroéconomiques. C'est au regard de cela que nous évaluerons les déficits.
Mais, à ce stade, je veux partager avec vous une première réaction. Pour l'année 2017, le projet de loi de finances confirme l'intention des autorités françaises de respecter l'engagement du retour sous 3 % – ou à 3 % – de déficit public. C'est bien sûr une bonne nouvelle, puisqu'il s'agit d'une étape nécessaire pour que la France sorte de la procédure de déficit excessif. Cette sortie pourrait être décidée au printemps 2018, sur la base des chiffres définitifs pour 2017 et des données prévues pour 2018-2019 – la correction doit en effet être durable.
Comme je l'ai dit, ce serait – je pourrais presque dire « ce sera », car je n'ai pas de doute sur le fait que cela interviendra – un signal très fort envoyé par la France à ses partenaires européens, un gage de crédibilité et un atout pour le pays dans sa stratégie pour pousser son agenda d'approfondissement de la zone euro.
Le projet de loi de finances pour 2018 affiche une intention de poursuivre l'assainissement des comptes au-delà de 2017. Mais, je voudrais appeler votre attention sur un point : les règles européennes applicables une fois que l'on est passé sous la barre des 3 % – c'est-à-dire une fois que la France revient dans ce que l'on appelle « le bras préventif du pacte » – ne sont pas plus faciles que celles qui s'appliquaient jusqu'alors, au-dessus de 3 % ! Pour être tout à fait clair, nous sommes le dernier pays en Europe où l'on parle encore de ces 3 %... La moyenne des déficits dans la zone euro est en effet de 1,3 %. Ailleurs, on ne raisonne également plus sur le déficit nominal, mais sur d'autres notions que je vais essayer de présenter rapidement.
Je rappelle que 3 % est un seuil, pas une cible. Une fois sous ce seuil, le déficit budgétaire doit continuer à baisser, et à baisser significativement. Mais nous ne nous concentrerons pas uniquement sur sa valeur nominale, sujette aux aléas conjoncturels, mais également sur les efforts structurels de la France. C'est à cette aune que le budget français pour l'année prochaine – et les années suivantes – doit être évalué. Je dis « suivantes » car vous allez examiner un projet de loi de programmation des finances publiques.
Notre système de règles, défini par les États membres eux-mêmes – que l'on appelle le two-pack et le six-pack –, donne un rythme de référence pour les pays à dette publique élevée, dont la France fait partie. Je rappelle que la dette française tangente les 100 % du produit intérieur brut (PIB), et qu'elle devrait toujours être supérieure à 90 % du PIB en 2022 d'après la loi de programmation – alors que celle de l'Allemagne sera revenue sous 60 %, seuil prévu par les traités européens.
Il vous faut donc respecter la règle de réduction des déficits structurels. Sur ce point, je vous donnerai quelques éléments car le rythme de réduction du déficit structurel est très important : il est de 0,6 % du PIB par an d'effort. C'est beaucoup plus que ce que prévoit la loi de finances pour 2018, mais également plus que ce que prévoit en moyenne la loi de programmation pour le quinquennat.
Je ne suis pas un garde-chiourme – on m'a parfois reproché de ne pas l'être –, je ne suis pas non plus un garde-chasse ni un braconnier : je suis pour une interprétation intelligente des règles. Il se trouve que les règles offrent quelques éléments de flexibilité. Il est clair que, si la France optait pour un respect très littéral de cette règle de 0,6 % par an, alors l'effet sur la croissance française serait négatif et notre orientation générale de politique budgétaire en zone euro ne pourrait rester « neutre », comme nous l'appelons de nos voeux. Par ailleurs, la croissance de toute la zone euro en serait affectée.
Il faut donc faire preuve de souplesse et d'intelligence. Nos règles autorisent ces déviations, mais elles n'en autorisent que certaines. Pour la France, en 2018, 0,1 représente le « maximum de déviation autorisé » sur deux années consécutives par rapport à la norme de 0,6. En d'autres termes, c'est une déviation acceptable, mais qui consomme toute la marge ; au-delà, il faudrait donc rediscuter.
Un mot à présent sur le « comment », c'est-à-dire l'évolution des dépenses et des recettes. Je serai beaucoup plus prudent sur ce sujet, car il relève de la souveraineté nationale qui s'exerce à travers vous, mesdames et messieurs les parlementaires. La Commission européenne n'a pas à en juger. Au regard des recommandations qu'évoquait la présidente, je me permettrais malgré tout quelques commentaires. Vous avez raison, le triptyque « investissements, réformes structurelles et sérieux budgétaire » est valide et va le rester dans les années à venir.
Côté dépenses, je note à titre personnel deux évolutions positives. En premier lieu, la volonté de raisonner de manière structurelle : il n'y a pas de baisse durable des dépenses sans approche structurelle de la dépense publique. Je pense même qu'il faudra de plus en plus raisonner en termes de qualité, et non seulement en termes de quantité, de la dépense publique. En second lieu, la volonté d'en finir avec deux mauvaises méthodes, le rabot et le saupoudrage : le grand plan d'investissement du Gouvernement, qui respecte les règles européennes, va dans le bon sens.
Côté recettes, la baisse du coût du capital et du travail prolonge la politique d'offre précédemment engagée. La France commence à en récolter les fruits, ce qui est plutôt conforme aux recommandations annuelles de la Commission. Mais il faut conserver un paramètre à l'esprit : le capital est concentré, cette concentration est à l'origine des inégalités, et les inégalités pèsent sur la croissance, parfois même sur la stabilité financière ou politique. Je pense que l'on peut à la fois mener un combat pour améliorer la qualité de l'offre et lutter contre les inégalités. Les deux objectifs sont compatibles pour la Commission, qui insiste toujours sur la lutte contre les inégalités : nous sommes pour une croissance inclusive et juste.
Un mot à présent de l'action de la Commission – et la mienne – dans le domaine fiscal. Je poursuis trois priorités : la transparence fiscale, la justice fiscale et un meilleur fonctionnement du marché intérieur.
Je pourrais être intarissable sur la transparence, mais nous avons peu de temps. Je dirai simplement que nos avancées sont spectaculaires. Grâce à l'échange automatique d'informations entre administrations fiscales, nous avons mis fin au secret bancaire en Europe, parmi les vingt-huit États membres, mais aussi avec d'autres partenaires européens comme le Liechtenstein, la Suisse, Monaco, Andorre et Saint-Marin. L'échange automatique des rescrits fiscaux est également effectif : il va permettre aux fiscs nationaux de mieux combattre l'évasion fiscale des particuliers.
Deux chantiers restent encore ouverts. D'abord, l'instauration de nouvelles règles pour les intermédiaires – banquiers, avocats, conseillers fiscaux – qui organisent et vendent des montages fiscaux facilitant le contournement des législations et l'évasion fiscale – prenez, l'exemple du football. J'ai proposé d'imposer une obligation de transparence sur les montages fiscaux qu'ils vendent à leurs clients. Les États membres doivent avancer sur ce dossier important.
Ensuite, ne soyons pas naïfs : rien ne sert de devenir vertueux si le reste du monde peut attirer les évadés fiscaux. D'ici la fin de l'année, les États membres doivent se mettre d'accord sur une liste européenne des paradis fiscaux mondiaux, assortie de sanctions. Il s'agit de faire pression sur ces États pour que les pratiques changent. L'OCDE – avec laquelle nous travaillons très bien, monsieur le président, je vais y revenir – a proposé une liste réduite à Trinité–et–Tobago en juillet dernier. Le G20 n'a pas été enthousiaste... Personnellement, j'attends de nos États membres qu'ils se placent du côté de l'ambition. Je ne serai pas extrêmement heureux qu'ils fassent le même choix que l'OCDE : je souhaite que l'on aille plus loin car, si les listes les plus courtes sont les meilleures et la dissuasion la plus efficace, on ne peut imaginer qu'il n'y ait qu'un seul paradis fiscal dans le monde...
En matière de justice fiscale, un principe très simple a guidé toute mon action jusqu'à présent : les profits des entreprises doivent être taxés là où ils sont générés. Nous avons interdit les schémas d'optimisation fiscale les plus courants des entreprises. Mais il reste encore beaucoup à faire. Vous avez raison, monsieur Woerth, un chantier en particulier est d'intérêt pour cette Assemblée : la fiscalité des entreprises du numérique. Ces entreprises, comme les entreprises traditionnelles, doivent payer leur juste part du financement de nos biens et services publics. Or, actuellement dans l'Union – le chiffre est frappant –, le taux d'imposition effectif des entreprises du numérique serait plus de deux fois moins élevé (10 % en moyenne) que celui appliqué aux entreprises traditionnelles (23 %) ! Nous avons par ailleurs des raisons de penser que ce ne sont pas les plus grosses entreprises qui paient ces 10 %, mais plutôt toutes les autres.
Vous me demandiez comment nous travaillions avec l'OCDE. Je vous l'ai dit : bien. Je pense que la fiscalité des entreprises du numérique est un problème mondial, que nous devons traiter à l'échelle internationale. C'est pourquoi la Commission est favorable à ce que nous attendions la conclusion des travaux de l'OCDE sur la présence digitale, afin d'identifier correctement la base taxable.
Je considère que nous devons proposer, dans le cadre européen, une réponse globale et structurelle pour faire face à ce problème global et structurel. L'adoption d'une ACCIS rendrait ce principe effectif dans toute l'Union. La Commission continue donc de militer en faveur de l'ACCIS. Toutefois, des « remèdes à court terme » – appelés quick fix dans le vocabulaire bruxellois – peuvent également être examinés, mais à deux conditions : qu'ils soient opérationnels et n'éliminent pas des solutions plus structurelles. Nous sommes prêts à examiner toutes les options – je dis bien, toutes les options. Une première discussion a eu lieu au sommet de Tallinn la semaine dernière, qui a permis de fixer un agenda. Au printemps 2018, la Commission déposera sa proposition, qui doit être, je le répète, la plus ambitieuse possible : il ne s'agit pas de mettre une rustine sur un pneu crevé, mais de changer la roue, d'inventer la fiscalité des entreprises du XXIe siècle !
J'aborderai un dernier point : l'approfondissement du marché intérieur. Dans ce domaine, nous tentons de mettre fin aux dysfonctionnements dus à la fragmentation du marché intérieur. Les entreprises sont encore trop contraintes par leurs frontières nationales ; elles ont du mal à étendre leurs activités au-delà. Quand elles le font, ce n'est pas toujours dans les meilleures conditions. Dans quelques heures, je ferai, au nom de la Commission, une proposition qui posera les bases d'un espace de TVA européen unique. Concrètement, aujourd'hui, lors d'opérations transfrontalières, l'exemption de TVA aboutit à ce que l'on appelle la fraude « carrousel » : des entreprises disparaissent tout à coup à l'importation. En conséquence, les pertes de recettes de TVA sont considérables : 50 milliards d'euros par an ! Imaginez comment les services publics pourraient bénéficier de cet argent... Par ailleurs, on le sait, ces 50 milliards d'euros sont orientés vers des activités criminelles, voire vers le financement du terrorisme.
Concrètement, nous allons simplement proposer que les transactions de biens et services nationales et transfrontalières soient traitées de la même manière. C'est tellement simple et efficace que l'on estime que cela peut supprimer 80 % de la fraude à la TVA transfrontalière... Par ailleurs, ce sera un système beaucoup moins fragmenté et beaucoup plus simple pour les entreprises, qui encouragera donc leur activité au-delà de leur marché national.
Un mot encore : monsieur le président, vous m'avez interrogé sur les taux de TVA. Ma doctrine est très simple en la matière. J'ai été ministre des finances et je me souviens, à l'époque, d'avoir dialogué avec des professionnels qui me demandaient de fixer des taux réduits sur les e-books, la presse en ligne ou la filière équine... Je sais que ces choix ne sont pas simples. Je pense néanmoins qu'il vaut mieux les faire à Paris qu'à Bruxelles. Je suis favorable à la subsidiarité en la matière et, pour être extrêmement clair, je pense que les capitales doivent pouvoir plus facilement fixer les taux réduits de TVA, même s'il faut, ensuite, organiser des compensations. La liste centralisée dont nous disposons actuellement a vieilli, on ne peut nier sa part d'arbitraire et elle n'est pas adaptée aux situations nationales. Ce n'est donc pas la bonne solution. La Commission ne doit pas être une forme de Léviathan qui concentre tous les pouvoirs. Sur ce sujet, je suis très clairement pour la subsidiarité.
J'invite vos deux commissions à suivre de près les développements européens en matière de fiscalité et à peser dans le débat. Pourquoi ? Parce que si la Commission propose, ce sont les États membres qui disposent... Les États membres, ce sont bien sûr les gouvernements, mais aussi les parlements. Je vous invite également à aborder les échéances budgétaires de l'automne avec, à l'esprit, les éléments de cadrage européens que j'ai énoncés. En effet, désormais, l'élaboration d'un projet de loi de finances associe de manière étroite le cadre national – qui est premier – et le cadre européen, qui n'est pas un cadre contraint mais celui que nous avons choisi : ces règles ont été forgées pendant la crise, par et pour les États membres.
Je considère qu'il est extrêmement bienvenu que la France parle d'une voix forte sur la scène européenne, que c'est le bon moment, compte tenu de la fenêtre d'opportunité que j'évoquais. Cette voix sera d'autant plus forte que la France sera exemplaire sur le front des finances publiques. Les avancées en matière fiscale seront d'autant plus fortes que la France sera une force de proposition. Tout cela est de votre ressort – également un peu du mien. C'est la raison pour laquelle je vous redis ma disponibilité pour dialoguer avec vos commissions, chaque fois que vous le souhaiterez.