Madame Firmin Le Bodo, votre proposition de loi vise à lever une restriction, afin de permettre aux personnes âgées hébergées en EHPAD de bénéficier d'un test de réfraction et d'une adaptation de leur correction sans devoir se déplacer chez un opticien. Je l'entends et je comprends bien les préoccupations qui l'ont suscitée. Toutefois, vous conviendrez qu'il est malaisé de légiférer en matière de soins sans s'être préalablement assuré que les conditions de leur qualité et de leur sécurité sont réunies. Ce que nous souhaitons collectivement, c'est un meilleur accès à des soins de qualité, sans perte de chance pour quiconque, en l'espèce pour les plus fragiles.
Chez la personne âgée, les pathologies oculaires susceptibles de réduire l'acuité visuelle sont fréquentes et nombreuses. Seul un examen ophtalmologique complet, auquel l'opticien n'est pas en mesure de procéder, permet de les détecter. Aussi n'est-il pas souhaitable d'étendre davantage les compétences attribuées aux opticiens-lunetiers, notamment auprès de cette population. Il pourrait en résulter une perte de chance au détriment des patients concernés, faute de consultation par un ophtalmologiste.
La loi de modernisation de notre système de santé, adoptée en 2016, a étendu les compétences des opticiens-lunetiers en leur permettant de réaliser des tests de la réfraction, afin d'adapter une prescription médicale, mais uniquement en vue de son renouvellement. Cette précaution permet d'éviter les pertes de chances qu'induirait l'absence de bilan préalable réalisé par un ophtalmologiste. Cette évolution a été inspirée par le rapport de Dominique Voynet sur la restructuration de la filière visuelle, publié en 2015.
Vous le savez, les possibilités de délégation d'actes et d'adaptation des compétences dévolues aux opticiens sont le fruit d'un équilibre négocié entre les différents acteurs de la filière visuelle, notamment les représentants des opticiens, les représentants des ophtalmologues et la sécurité sociale. La règle est que l'opticien-lunetier ne peut réaliser d'examens de réfraction et adapter une prescription que dans l'enceinte de son magasin. Néanmoins – on ne peut éluder ce point – , il est difficile pour une personne âgée de se rendre chez un opticien car cela nécessite une importante logistique. Comme je viens de le rappeler, nous avons bien conscience des obstacles rencontrés par les résidents en EHPAD désireux d'être examinés par un ophtalmologue.
Aussi, pour les raisons que vous avez évoquées et compte tenu de la réalité de l'accès aux soins, le Gouvernement est favorable à la tenue d'une expérimentation consistant à autoriser les opticiens-lunetiers à réaliser des tests de réfraction dans les EHPAD et à adapter les prescriptions médicales dans le cadre de leur renouvellement. Je tiens à préciser que cette expérimentation n'étend pas les compétences des opticiens-lunetiers mais permet de délocaliser son exercice au plus près de personnes incapables de se déplacer.
Enfin, les difficultés que vous soulevez, madame la rapporteure, et que les députés qui s'exprimeront dans le cadre de la discussion générale ne manqueront pas de soulever, sont réelles. Nous devrons donc ouvrir un chantier plus vaste, celui de l'organisation de la filière visuelle, en visant un objectif que nous partageons : l'amélioration de l'accès à des soins visuels de qualité pour nos concitoyens.