Le groupe Libertés et territoires est très attentif à cette proposition de loi. Je veux remercier notre collègue Agnès Firmin Le Bodo pour son travail, qui apporte un début de solution à la difficulté d'accès aux soins sur nos territoires. Le mien offre sans doute l'illustration la plus aboutie de ces difficultés : pour nombre de consultations spécialisées, c'est un voyage de sept jours qu'il faut y accomplir – seuls mes collègues de Guyane, je crois, peuvent afficher une telle performance… L'attachement de notre groupe à la cohésion sociale et territoriale nous pousse à défendre les zones rurales, périurbaines, mais aussi d'outre-mer. Nous devons trouver des solutions pour chaque Français, de métropole ou de l'étranger. La fracture territoriale a de nombreuses expressions, que nous devons toutes prendre en considération.
Pour chacun, où qu'il se trouve, le grand âge signifie une baisse de l'acuité visuelle, ce qui crée de graves problèmes au quotidien dans la vie des personnes âgées. Cela a été dit en commission : 40 % des personnes âgées de plus de soixante-dix-huit ans rencontrent des difficultés de vue. Si elles portent des lunettes, celles-ci sont souvent inadaptées, par habitude, par fatalisme, pour des raisons financières ou simplement parce que le patient ne peut pas se rendre à une consultation. La baisse de l'acuité visuelle nécessite une prise en charge médicale et une correction. Il faut éviter l'isolement et les chutes. C'est une question de dignité et de « bien-vieillir ».
Or le constat est simple : le dispositif d'accès aux soins ophtalmologiques ne permet pas aux personnes hébergées en EHPAD de disposer de lunettes adaptées. La pénurie d'ophtalmologues est reconnue de tous. Le groupe Libertés et territoires déplore la désertification médicale dans beaucoup de zones. C'est vrai dans de nombreuses régions et pour de nombreuses spécialités, mais plus encore dans celle-ci, l'ophtalmologie, qui concerne toute la population. En 2017, quarante-cinq départements comptaient moins de six ophtalmologues libéraux. Cette absence n'est pas compensée par l'offre hospitalière, secteur tout autant sinistré. Pour 10 % des rendez-vous, il faut attendre plus de 189 jours. Cette situation n'est pas acceptable, spécialement dans les zones rurales ou périurbaines. Or la Cour des comptes indique qu'il ne faut envisager aucune amélioration dans les prochaines années.
Il est évident pour tous que les personnes âgées n'ont pas les moyens de faire suivre leur vue par un spécialiste. C'est leur qualité de vie et leur possibilité de bien vieillir qui en souffrent. Comment est-il possible de vivre normalement et dignement avec une vue défaillante ? C'est particulièrement vrai en EHPAD, où la moyenne d'âge des résidents à leur arrivée est de quatre-vingt-cinq ans.
C'est pourquoi la proposition de loi de notre collègue Agnès Firmin Le Bodo est particulièrement opportune. Il faut améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d'autonomie et assurer leur prise en charge. Cela relève de notre responsabilité. Nous ne traitons pas simplement de confort. Loin d'être un luxe, c'est un élément de sécurité : moins la vue est bonne, plus les risques de chute, et donc de blessures et de fractures, sont grands ; moins la vue est bonne, plus la personne s'isole et perd en autonomie dans les gestes de la vie quotidienne – se laver, se nourrir, s'informer, se distraire, etc.
La question du déplacement est un enjeu prioritaire pour l'accès aux soins des personnes âgées. Dans certains cas, des proches accompagnent la personne âgée à une consultation hors de l'établissement mais, dans les EHPAD, le personnel n'en a pas les moyens. Il est urgent de remédier à ce problème. L'adoption de cette proposition de loi est donc une nécessité. Elle permettra d'éviter un nombre important de troubles visuels et de lancer l'alerte en cas de constat inquiétant, qui, sans soins, pourrait être à l'origine d'autres pathologies beaucoup plus graves. La prévention est essentielle. Je connais d'autant mieux ces enjeux que Wallis comme Futuna sont particulièrement touchées par le diabète, cause de cataractes ou de glaucome.
Des dispositions réglementaires en vigueur interdisent à un opticien d'examiner les clients hors de son commerce. C'est regrettable car souvent, au sein de l'EHPAD, des moyens permettraient à l'opticien d'effectuer certains tests visuels dans de bonnes conditions techniques et en toute confidentialité.
La présente proposition de loi permettra donc de lever cette limitation et autorisera les opticiens à tester la vue de patients disposant d'une prescription de moins de trois ans. En maintenant cette dernière obligation, le texte garantit le suivi médical. La mesure apporte souplesse et efficacité, en particulier pour les personnes accueillies en EHPAD. Les résidents et les familles pourront toujours faire appel à un prestataire de leur choix. Ainsi, le quotidien de nos anciens sera simplifié et leur qualité de vie, améliorée.
De plus, l'adoption du texte ne bouleversera pas l'équilibre existant entre les professionnels du secteur. Il va dans le sens des recommandations de la commission d'enquête en développant les pratiques avancées et la délégation d'actes. C'est une réponse rapide et efficace à l'absence d'ophtalmologues sur les territoires. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires votera pour.