La vieillesse ne doit pas être un fardeau pour la société. Le Gouvernement a pris acte de la crise des EHPAD et du défi démographique qui attend notre société vieillissante : il s'est donné pour objectif de faire en sorte que les personnes âgées vivent plus longtemps en bonne santé et qu'elles soient prises en charge de manière adéquate lorsque vient le temps du grand âge et de la perte d'autonomie ; c'est tout l'objet de la concertation nationale lancée il y a deux mois en vue d'une réforme ambitieuse sur le grand âge et l'autonomie.
Il faut trouver un accompagnement de qualité, afin de mieux prendre soin de nos aînés, tout en mettant fin aux prises en charge qui excluent et isolent. Une grande réforme est en cours mais nous pouvons d'ores et déjà voter pour contribuer à lutter contre l'exclusion des personnes âgées, en améliorant leur accès aux équipements d'optique.
Quand on sait que la quasi-totalité des personnes âgées connaissent des troubles visuels et qu'elles sont les plus nombreuses à ne pas les faire corriger, quand on sait que la perte de la vue entraîne de manière assurée la perte de l'autonomie, permettre aux personnes âgées de bénéficier d'une correction optique adaptée est une nécessité.
Ce n'est pourtant pas chose évidente, aujourd'hui, en France, pour deux raisons. D'une part, l'accès aux soins visuels représente un défi démographique, dans la mesure où les professionnels de santé visuelle sont très inégalement répartis sur les territoires et que les délais d'attente sont très importants. D'autre part, les personnes âgées résidant en EHPAD sont les plus touchées, puisqu'il est très difficile de réaliser un examen ophtalmologique dans ces structures ou d'accompagner une personne âgée vers des lieux de consultation ou de soins, principalement à cause de problèmes de mobilité.
En 2016, la loi a permis aux opticiens d'adapter ou de renouveler les corrections optiques sous certaines conditions, mais seulement dans leur boutique ou un local attenant, pour des raisons de sécurité et de confidentialité. Compte tenu de la situation de fragilité des personnes âgées résidant en EHPAD et de notre volonté d'agir pour qu'elles conservent le plus d'autonomie possible, nous saluons la proposition de Mme Firmin Le Bodo d'ouvrir cette possibilité dans ces établissements. Elle va dans le sens que nous soutenons, avec la ministre des solidarités et de la santé : le décloisonnement des professions et le développement de la coopération entre professionnels de santé.
Nous avons cependant conscience des interrogations que cette ouverture soulève, en particulier le risque pour les patients de passer à côté d'une pathologie grave que seul un ophtalmologue sait repérer. La loi ne remet pas en cause la primo-prescription par les ophtalmologues. Les opticiens-lunetiers sont dans l'obligation d'informer l'ophtalmologue de toute modification éventuelle de la correction optique.
Néanmoins, le décret d'application de la loi de 2016 ayant été pris il y a moins de deux ans, nous n'avons pas encore assez de recul pour en mesurer l'impact. Aussi, nous sommes favorables à une autorisation, mais seulement à titre expérimental. Nous souhaitons également être certains que l'ophtalmologue demeurera le référent nécessaire.
Permettre aux personnes âgées de vivre pleinement, c'est leur assurer la possibilité de tisser des relations avec les autres, de lire le journal, de reconnaître leurs proches. Car perdre la vue, c'est dépendre des autres.