Si la loi semble donc avoir atteint ses objectifs auprès des commerçants, elle semble aussi les avoir atteints auprès des salariés, d'après ce qu'ils nous ont dit. Les accords collectifs ont permis de prévoir des compensations pour tous les salariés concernés, allant parfois jusqu'à un triplement du salaire, y compris pour les salariés qui travaillaient précédemment sans compensation dans les zones touristiques et les zones commerciales, grâce à la capacité de certaines organisations syndicales – je dis bien « certaines » – de négocier de meilleurs accords. Le volontariat semble aussi avoir été respecté. Les commerçants ne manquent pas de salariés volontaires, qui sont par exemple 90 % aux Galeries Lafayette. Le travail du soir est aussi un bon vecteur d'emplois à temps partiel, pour les étudiants qui trouvent là une source de revenus leur permettant d'assumer le coût de leurs études. Nous regrettons cependant de ne pas disposer d'études statistiques permettant d'évaluer les retombées en termes d'emplois créés et le développement économique à l'intérieur et à l'extérieur de ces zones, alors même que la loi avait prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport pour chaque ZTI.
Nous avons également constaté que nombreux sont les commerces qui disposaient précédemment d'une autorisation d'ouvrir le dimanche en zone touristique ou en zone commerciale et qui n'ont toujours pas mis en place l'accord collectif prévu par la loi pour déterminer les compensations dues aux salariés. Le délai de deux ans ouvert par le législateur pour se mettre en règle, porté ensuite à trois ans, a expiré le 1er septembre dernier. L'emploi de salariés le dimanche sans accord de compensation est donc illégal depuis cette date. Nous jugeons nécessaire qu'une campagne de sensibilisation incite ces commerces à se mettre au plus vite en conformité avec la loi.
Nous regrettons aussi que les associations de maires et d'intercommunalités n'aient pas pu trouver de représentants pour nous parler de la façon dont l'augmentation du nombre de « dimanches du maire » a été mise en oeuvre – il y a maintenant douze dimanches du maire par an. En l'absence d'informations contraires, il nous apparaît que les collectivités arrivent à trouver l'équilibre adéquat dans le cadre local.
En conclusion sur ce chapitre, nous proposons de ne pas modifier le dispositif législatif adopté en 2015, car il apparaît qu'il permet de répondre aux attentes des acteurs locaux et de la clientèle qui fréquente les commerces. Il permet également aux acteurs locaux d'adapter les règles de manière satisfaisante, notamment en créant de nouvelles zones. Nous appelons les partenaires sociaux à se concerter à l'échelle locale, afin de trouver des consensus pour développer, réglementer ou interdire, dans le cadre d'arrêtés préfectoraux, les ouvertures des commerces appartenant à un même secteur d'activité.
Pour autant, il ne faudrait pas voir dans l'ouverture dominicale une panacée. De notre point de vue, ce succès n'est pas reproductible partout, notamment dans les plus petites villes. Il est illusoire d'imaginer qu'une libéralisation généralisée de l'ouverture dominicale conduise à « décréter » la création d'activités. S'il n'y a pas de clients potentiels, il n'y aura pas d'ouverture dominicale. Ainsi, les boutiques de la place Vendôme ont expérimenté puis abandonné l'ouverture dominicale, car le chiffre d'affaires ne couvrait pas le montant des compensations à verser aux salariés. Si les clients de la semaine reportent leurs achats au dimanche pour des raisons de commodité, il n'y aura pas non plus de création de chiffre d'affaires.
Enfin, les défis et les bouleversements que rencontre actuellement le commerce de détail en dehors des métropoles sont essentiellement liés au développement du commerce en ligne. L'ouverture dominicale n'est ni la cause, ni l'antidote contre cette évolution en cours.