Intervention de Anne Genetet

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Genetet, rapporteure :

La Caisse des Français de l'étranger (CFE) est un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public, qui a notamment pour objet de garantir à nos concitoyens la continuité du système de protection sociale du régime général de la sécurité sociale, dès lors qu'ils franchissent les frontières de la France.

L'adhésion y est volontaire, et non pas obligatoire comme l'est l'affiliation au régime général de la sécurité sociale pour des personnes salariées en France. Ce système a précisément été créé en 1984 pour permettre à nos entreprises d'accompagner les salariés qu'elles envoyaient à l'étranger en les faisant bénéficier d'une couverture sociale couvrant les risques maladie et maternité, mais également les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Ce système constituait également un véhicule pour la collecte des cotisations de retraite et leur reversement à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

Toutefois, il ne vous aura pas échappé que, depuis 1984, quelques années ont passé ; les temps ont changé et le profil des personnes qui partent à l'étranger n'est plus celui que l'on rencontrait à l'époque. Aujourd'hui, un certain nombre de ressortissants français ne sont plus forcément liés à une entreprise française : ils peuvent l'être à une entreprise dirigée par un Français, mais de droit local, dans le pays où elle réside ; il peut aussi s'agir de travailleurs indépendants ou de retraités.

Par ailleurs, toutes ces personnes peuvent avoir envie d'adhérer à cette caisse pour assurer la continuité de leurs cotisations, en vue de revenir en France un jour pour y poursuivre leur activité ou de préparer leur retraite dans notre pays.

Telle qu'était conçue la loi, la Caisse des Français de l'étranger ne pouvait modifier son offre commerciale afin de s'adapter à ces nouveaux profils ; il en résultait que les personnes susceptibles d'y adhérer se voyaient réclamer une cotisation relativement élevée par rapport à leurs revenus. Au fil du temps, une sorte de sélection en a résulté, qui fait que la Caisse compte de plus en plus d'affiliés âgés et de moins en moins de jeunes ; or nous savons à quel point, dans un système assurantiel, une telle évolution est dangereuse.

Il était donc urgent de réformer la CFE afin qu'elle s'adapte au nouveau profil de nos ressortissants à l'étranger. Je pense notamment aux étudiants, aux jeunes professionnels, aux indépendants, mais aussi aux salariés d'entreprises de droit local dirigées par des Français ; ces entreprises sont nombreuses, et beaucoup d'entre elles sont des start-up.

Cette proposition de loi permettra notamment à la Caisse de ne plus fonder l'adhésion sur le statut de salarié ou d'indépendant, mais sur un critère d'âge, afin de calibrer son offre. Elle continuera, j'insiste sur ce point, de fonctionner comme un guichet unique assurant la continuité avec le régime général de la sécurité sociale en France. Je souhaite également préciser que la CFE reçoit une subvention relativement faible de l'État, de l'ordre d'un peu moins de 400 000 euros par an, qui a pour objet exclusif de venir en aide aux personnes ne bénéficiant d'aucune couverture maladie et maternité, en prenant en charge à peu près un tiers de leurs cotisations.

La réforme était donc devenue indispensable, mais le texte initialement présenté au Sénat était extrêmement complexe, car il reprenait chacun des statuts initialement prévus – salarié, indépendant, retraité, étudiant, etc. – et proposait pour chacun d'entre eux des modifications de l'offre commerciale et de l'offre de soins. Le Sénat a l'a entièrement refondu, de façon à le rendre plus lisible. Ainsi, à l'article 1er de la proposition de loi, les sénateurs ont simplement pris acte de la disparition du statut comme critère d'affiliation à la Caisse, au profit de celui de l'âge d'entrée.

Je tiens également à souligner que l'on ne peut pour autant assimiler la CFE à un organisme privé car, contrairement aux assureurs privés, elle affilie ses adhérents quels que soient leurs antécédents de maladie et quel que soit leur âge. C'est très important, car n'importe quel assureur privé commencera par vous demander si vous souffrez d'une maladie chronique, vous soumettre à un interrogatoire de santé et vous demander évidemment votre âge. Beaucoup refuseront d'ailleurs de vous affilier, sauf à exiger des taux de cotisation extrêmement élevés. La Caisse des Français de l'étranger, elle, ne pratique pas de telles distinctions : elle affilie tout le monde.

Cette révision est aussi l'occasion de nous mettre en conformité avec le droit européen, qui impose d'accepter tous les ressortissants de l'Union européenne, alors que la CFE ne pouvait affilier, jusqu'à présent, que des Français.

La Caisse aura également la possibilité d'affilier les personnes sans délai après leur demande d'affiliation, alors qu'il existe actuellement un délai au-delà duquel, si l'on n'était pas affilié au régime général, on ne pouvait plus l'être à la CFE. Je donne un exemple concret : beaucoup de Français nés à l'étranger, qui y ont grandi et ont commencé à y travailler, voient dans la CFE, parce que leur culture est malgré tout française, parce qu'ils sont employés par une entreprise liée à la France, une possibilité d'être couverts pour leur retraite et leur santé. Or, on leur oppose que, n'ayant jamais été affiliés au système général en France, ils ne peuvent adhérer à la Caisse des Français de l'étranger.

C'est très regrettable, car nous perdons ainsi des gens avec lesquels nous pourrions garder le lien, alors qu'ils pourraient avoir envie, un jour, de rentrer en France. Il ne faut pas oublier que le passeport français est le document qui nous permet à tout moment de rentrer en France, et que l'on a tout intérêt à préparer son retour, notamment en adhérant à la CFE.

À ceux d'entre vous qui considéreraient que cette question ne les concerne pas, que les Français vivant à l'étranger, « ce n'est pas trop leur truc », je voudrais dire qu'ils ont certainement chez eux, dans leurs circonscriptions, des personnes qui vont partir à l'étranger. Je vous invite vraiment à leur parler de la Caisse des Français de l'étranger, à leur dire qu'ils peuvent grâce à elle conserver leurs droits, notamment à la retraite, que la continuité avec la réforme des retraites en cours sera garantie, qu'ils pourront aussi bénéficier d'une protection maladie et maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, et que les indépendants aussi pourront adhérer. Ne leur laissez pas croire qu'ils n'auront d'autre choix que de se tourner vers les assureurs privés : la Caisse des Français de l'étranger répond à tous les profils existants.

Cette réforme simple permettra de lisser en fonction de l'âge l'offre commerciale de la CFE, qui n'imposera plus de cotisations rétroactives en fonction de la date d'adhésion et fera bénéficier ses adhérents, une fois rentrés en France, d'une continuité au sein du système français sans délai de carence.

Mes chers collègues, telles sont les grandes lignes de cette réforme juste, qui répond à la demande actuelle et nous permet de conserver un lien solide avec nos ressortissants, où qu'ils se trouvent dans le monde.

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