Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 10 décembre 2018 à 16h00
Préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

C'est un sujet épineux et, je l'admets, douloureux, que celui dont nous avons à traiter aujourd'hui. Quoi que je puisse dire ensuite, je tiens en préambule à affirmer que les Anglais restent les bienvenus parmi nous, et que la dette de reconnaissance que nous avons à l'égard du peuple anglais pour sa formidable résistance solitaire contre les nazis et pour l'accueil qu'il avait accordé à la France libre n'est pas épuisée. Néanmoins, ce n'est pas des sentiments qu'il faut partir mais des faits – je crois que je paraphrase un homme illustre en disant cela.

Nous voici donc devant un Brexit – 650 pages dont nous avons obtenu la traduction en langue française il y a de cela vingt jours et auxquelles nous avons réagi en proposant une série d'amendements au texte d'aujourd'hui qui, pour une bonne part, ont été retoqués. Ils ne seront donc pas examinés alors que nous pensons qu'ils devraient l'être, puisqu'ils traitent de sujets directement liés à cette affaire de Brexit tels que la douane, les taxes sur les transactions financières avec l'ancienne City ou encore les accords sur le contrôle des échanges.

Voyez-vous, en arrière-plan du Brexit, et comme une conséquence de celui-ci, nous pourrions nous trouver liés au Royaume-Uni par le pire des accords de libre-échange qui ait jamais été signé par la France. Car ce n'est pas seulement la séparation d'avec les Anglais qu'il faut regarder : il faut examiner les conséquences pour le fonctionnement de la France et de l'Union européenne après que le Brexit aura été consommé.

Je commencerai par rappeler à mon collègue Bourlanges, pour qui, tout le monde le sait, j'ai le plus grand respect compte tenu de la fermeté de ses engagements et de ses convictions, que je ne partage pas, qu'en toute hypothèse, le traité de fonctionnement sur l'Union européenne aux termes duquel les parlements nationaux n'ont pas à se prononcer sur les accords de sortie de l'Union ne peut avoir ma faveur. Moi qui suis favorable à ce que l'entrée de tout nouveau pays dans l'Union fasse l'objet d'un référendum dans notre pays, je trouve étrange que les accords de sortie ne soient pas soumis aux parlements nationaux, auxquels il appartient, selon moi, de choisir qui entre et qui sort de la maison commune. Il n'y a donc pas de raison de se féliciter de la situation qui va désormais prévaloir.

Je viens de dire que nous pourrions être liés par le pire accord de libre-échange que nous ayons jamais conclu. Pourquoi ? Parce que, dans ce qui est déjà convenu, il est dit que le Royaume-Uni ne siégera plus dans les institutions et agences européennes, ne prendra plus part aux décisions de l'Union européenne, ne pourra pas signer d'accords de libre-échange en son nom – c'est bien le moins ! – mais que sa situation restera inchangée en ce qui concerne l'accès au marché unique, l'union douanière et les politiques européennes avec leurs droits et leurs obligations. Autrement dit, ils feront comme ils voudront et les portes resteront grandes ouvertes aux décisions qu'ils auront prises. On ne peut pas être d'accord avec ça !

Arrêtons-nous un instant sur ce qui est remis en cause et qui ne sera pas discuté : les accords bilatéraux. Nous étions par exemple liés par le traité Euratom – le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique. Que deviennent les accords signés avec les Français ? D'accord, mettons cela de côté : que deviennent les accords militaires conclus avec le Royaume-Uni ? Si une défense européenne est déjà une vue de l'esprit puisqu'elle supposerait une politique étrangère commune, comment qualifier le fait que nous ayons conclu avec les Anglais, qui ne seront même plus membres de l'Union européenne, un accord sur la création d'une force commune de projection de 10 000 hommes ? Ce n'est pas rien ! Une force pour quoi faire ? Au nom de qui, et de quels principes ? Je connais la réponse : au nom de l'OTAN, l'institution qui surplombe toutes les autres.

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