Et si les impôts baissent, c'est parce qu'ils sont soumis à un dumping fiscal. Autrement dit, il y a un rapport direct entre les raisons pour lesquelles les Français s'insurgent à cette heure et le fonctionnement économique de l'ordolibéralisme qui prévaut.
Le deuxième aspect que je veux évoquer est le point de vue de l'histoire. Si le général de Gaulle s'opposait, en 1963 puis en 1967, à l'entrée de l'Angleterre dans ce qui était alors le marché commun, et le début de ce que nous faisions à six, ce n'est pas qu'il ait eu des sentiments anglophobes : c'est qu'il mesurait justement des différences qui paraissaient insurmontables, notamment dans la manière dont les Anglais s'approvisionnaient, dans la manière dont ils s'organisaient ou encore dans leur droit social, entre autres.
Il disait que s'ils venaient, ce serait pour disloquer. Quelles raisons avait-il de le penser ? Vous avez, monsieur Bourlanges, exalté l'Entente cordiale. Ce ne sera pas mon cas. Je ne peux oublier que la tradition géopolitique constante du Royaume-Uni a été de s'opposer, en toutes circonstances, y compris au moment où naissaient le marché commun et l'alliance à six, à ce que se constitue quelque puissance continentale que ce soit. C'est la raison pour laquelle ils ont conspiré contre la Révolution française, puis conspiré, agi et financé des manoeuvres contre l'Empire, pour m'en tenir à ces épisodes-là… C'est leur histoire constante.
Mais ils ont tout de même été rattrapés. Sans jamais cesser de se réclamer de leur union particulière et spéciale avec les États-Unis d'Amérique, dont ils n'ont jamais cessé un seul jour d'être la pointe avancée, ou le cheval de Troie, ou appelez ça comme vous voudrez, – politiquement, ils n'ont jamais cessé de l'être – , il est vrai que, du fait de nos moeurs, des échanges, du commerce, de la diffusion de la langue anglaise comme d'une espèce de latin de notre époque, des rapprochements considérables sont survenus. Ils rendent d'autant plus manifeste la cause sociale qui est la raison profonde du divorce. Car, profondément, les Anglais ne sont pas xénophobes. Ils ne sont ni anti-français, ni anti-continentaux, comme on voudrait le faire croire.
Néanmoins, qu'il soit dit dans cette Assemblée que la rupture du Royaume-Uni avec l'Union européenne modifie radicalement les conditions géopolitiques qui prévalent à l'intérieur de l'Union. C'est un événement au moins aussi important que l'a été la réunification de l'Allemagne qui, dès qu'elle est intervenue, a soulevé toutes sortes de problèmes dans l'équilibre de l'Union européenne, tant et si bien qu'à de nombreuses reprises, on a vu des dirigeants français se rapprocher des Anglais dans l'espoir de rétablir un équilibre sur le continent.
Je ne crois pas, mes chers collègues, que nous soyons affaiblis. Mais je crois que nous sommes mis au pied du mur : il s'agit de savoir ce que sera demain non pas notre relation avec les Anglais, mais notre relation avec les Allemands. Allons-nous continuer à mettre en oeuvre aveuglément, en toutes circonstances, la maudite doctrine de l'ordolibéralisme qui est en train de détruire l'esprit européen ? Voilà la question politique posée à cette heure : ce n'est pas l'Angleterre, c'est l'Allemagne !