Je tiens en préambule à remercier notre président Jean-Louis Bourlanges pour sa direction des travaux de cette commission spéciale et à saluer le travail de notre rapporteur Alexandre Holroyd. Je vous remercie également, madame la ministre, de votre écoute et des réponses que vous nous avez apportées.
Le Royaume-Uni a toujours eu un pied dans l'Union européenne et un pied en dehors : rappelons-nous la renégociation de sa contribution financière, son refus de Schengen et de l'euro ou encore de la Charte des droits fondamentaux. Néanmoins, tous ici nous ne pouvons que regretter le choix fait par les citoyens britanniques, même si nous respectons leur vote. Les conséquences de celui-ci nous amènent aujourd'hui à examiner ce texte visant à habiliter le Gouvernement à prendre les mesures qui s'imposent, qu'il y ait ou non un accord.
D'ailleurs l'adoption de l'accord négocié entre l'Union et le Royaume-Uni semble s'éloigner de plus en plus, d'après les différents échos que nous recevons : aucune majorité ne semble assurée à la Chambre des communes et le vote initialement programmé pour demain a été reporté. Cette situation nous rapproche de la possibilité d'un no deal, rendant encore plus nécessaire l'adoption du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures qui s'imposent. Mais il nous faut également prendre en compte l'éventualité qu'il n'y ait finalement pas de Brexit, suite à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne qui permet au Royaume-Uni de décider unilatéralement de renoncer à la procédure de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne, sans l'aval des autres États membres. La balle est donc dans le camp du Royaume-Uni. Mais les divisions politiques internes britanniques menaçant l'hypothèse d'un retrait ordonné, l'Union européenne comme la France doivent se préparer, je le redis, tant à l'éventualité d'un no deal qu'à celle d'un no Brexit .
À cette occasion, il faut saluer la grande qualité du travail mené par Michel Barnier au nom des Vingt-Sept. Il a permis de maintenir notre unité et a oeuvré dans notre intérêt commun.
La mise en oeuvre de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne est une première et ses conséquences soulèvent des inquiétudes, notamment s'agissant de la libre circulation des personnes et des marchandises. Chaque année, ce sont en effet 25 millions de tonnes de marchandises qui transitent par le tunnel sous la Manche : on imagine aisément les conséquences d'un rétablissement des frontières sans préparation.
Le projet de loi d'habilitation qui nous est présenté doit anticiper ces situations. Compte tenu du contexte que nous avons tous évoqué, il est nécessaire de conserver une certaine flexibilité dans ces ordonnances et de prendre en considération les dispositions qui seront prises par le Royaume-Uni, par l'Union européenne et par chacun des États membres.
Malgré la méfiance instinctive que le passage par les ordonnances provoque chez les parlementaires, ce projet de loi d'habilitation se justifie par le besoin d'une réaction rapide que nous impose la situation actuelle : dans l'intérêt de notre pays, nous devons donner au Gouvernement les moyens d'agir vite pour adapter notre pays aux conséquences du retrait britannique. Il est important de rappeler que les mesures ne se substitueront pas aux décisions de l'Union Européenne mais doivent les compléter.
Plusieurs points doivent retenir notre attention.
Nous devons rester attentifs à la situation et aux droits des ressortissants français établis au Royaume-Uni. Le Gouvernement prendra les mesures appropriées relatives à la situation des ressortissants britanniques en France, tout en tenant compte du statut accordé par le Royaume-Uni à nos ressortissants sur son territoire.
Il faudra veiller à préserver les intérêts des ressortissants français, par exemple en assurant la prise en compte, lors de leur éventuel retour en France, des périodes d'assurance et d'activité au Royaume-Uni, ou encore des diplômes et des qualifications professionnelles acquis ou en cours d'acquisition dans ce pays.
Afin de préparer au mieux un éventuel rétablissement des contrôles à la frontière, le Gouvernement pourra prendre par ordonnances les mesures permettant d'accélérer l'aménagement de locaux, l'installation ou le développement d'infrastructures portuaires, ferroviaires, aéroportuaires et routières.
Par ailleurs, nous vous savons, madame la ministre, vigilante quant au sort des fonctionnaires de nationalité britannique qui risquent de perdre leur statut et avancement. Il serait en effet doublement tragique, pour la France et pour ces personnels, de perdre la possibilité d'une collaboration.
Je souhaite également vous interpeller sur la possibilité de lancer une étude sur les zones portuaires risquant d'être affectées par le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, afin d'identifier celles qui auraient besoin de la création d'une zone franche. En effet, certains ports français pourraient remplir les conditions requises et cette mesure serait assurément bénéfique pour leur santé économique, ainsi que pour la préservation des emplois et des entreprises locales.
Je n'oublie pas l'indispensable vigilance du Gouvernement sur les corridors.
Le contenu des mesures qui seront finalement adoptées par le Gouvernement dépendra de l'issue des négociations en cours ; il pourrait même renoncer à l'adoption de certaines d'entre elles si les conditions ne sont pas réunies.
Le groupe UDI, Agir et indépendants reste très attentif à l'évolution de la discussion de l'accord de retrait qui est en cours à Londres. Si nous gardons l'espoir qu'il soit adopté, nous souhaitons que toutes les mesures nécessaires soient prises en amont afin de faire face à toutes éventualités. C'est pourquoi nous voterons ce texte, en demeurant vigilants quant à la mise en oeuvre des ordonnances qu'il prévoit, dans le respect des compétences du Gouvernement et du Parlement.
Madame la ministre, je renouvelle la demande de notre groupe : nous souhaitons, si nécessaire, vous accompagner dans la rédaction des ordonnances.