Le 29 mars prochain, à minuit, le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne, en application de l'article 50 du traité sur l'Union européenne. Pour la première fois dans l'histoire commune de la construction politique récente de notre continent, nous effectuons un pas en arrière.
Notre rôle de législateur national n'est pas de juger ce qui a poussé le gouvernement britannique à promettre un référendum sur la question, ni pourquoi le peuple britannique a décidé, à 51,9 % des voix, de quitter l'Union européenne. Nous le regrettons, nous le déplorons, mais nous ne jugeons pas, car le peuple est toujours souverain.
Non, notre rôle de législateur national est de préparer la France au choc unique que représentera ce pas en arrière. Soyons clairs : il n'y a pas de bénéfice au Brexit – hormis à la marge extrême – ni pour les Britanniques, évidemment, ni pour les pays membres de l'Union européenne, en particulier, la France.
Dans les prochains jours, le Parlement britannique donnera son feu vert, ou non, à l'accord de retrait négocié entre le gouvernement de Theresa May et l'Union européenne. En faisant preuve de réalisme et compte tenu des derniers échos en provenance de Westminster, il n'est pas infondé de croire en la nécessité absolue de se préparer rapidement au scénario du no-deal. C'est là tout l'objet de ce projet de loi visant à prendre une série d'ordonnances pour préparer l'après 29 mars 2019.
Je tiens à saluer le travail de Michel Barnier, négociateur en chef de l'accord de retrait, qui a su garder unis les 27 pays membres afin d'aboutir à un texte équilibré, réaffirmant l'ancrage du Royaume-Uni en Europe, essayant de trouver des solutions à tous les cas précis que pose cette sortie de l'Union, du droit des citoyens au chèque de sortie en passant bien évidemment par l'épineuse question de la frontière irlandaise.
Nous devons garder dans nos esprits que, d'une part, être en dehors de l'Union ne peut en aucune manière donner les mêmes droits qu'en être membre à part entière et que, d'autre part, il ne saurait être question de punir le Royaume-Uni pour la décision prise par ses citoyens, tout simplement parce que sortir de la construction européenne ne signifie pas sortir de l'Europe.
Toute violence, toute brutalité politique injustifiée contre le Royaume-Uni risquerait de braquer encore plus les Britanniques mais, surtout, porterait irrémédiablement préjudice à la France puisque notre pays et, en particulier, ma circonscription du Calaisis, seront toujours en première ligne, sur tous les fronts de la relation future avec nos voisins – que ces fronts soient économiques, politiques, qu'ils concernent la pêche, l'agriculture, l'énergie, la santé, le transport des biens et des personnes ou, même, la situation migratoire à Calais et le long des côtes de la Manche et de la mer du Nord.
Mes chers collègues, inutile de nous perdre en élucubrations, qu'il y ait « deal » ou « no deal », période de transition ou sortie sèche, vote ou pas vote à Westminster, Theresa May ou même un nouveau Premier ministre : la France devra être prête, et rapidement, car dans un peu plus de trois mois, la Grande-Bretagne sera « out ».
Les membres du groupe Les Républicains partagent les grands objectifs poursuivis par le Gouvernement dans ce projet de loi et savent qu'il ne peut exister de solution miracle tant la situation est du perdant-perdant.
Oui, assurer la fluidité du trafic dans les ports et aux portes du tunnel sous la Manche est vital pour l'économie : chaque année circulent 1,6 million de camions pour 21 millions de tonnes de marchandises transportées, 2,6 millions de voitures et plus de 20 millions de passagers, tandis que le port de Calais permet également le passage de deux millions de camions et de plus de 9 millions de personnes.
Il serait impensable de se retrouver dans trois mois avec l'ensemble de ce trafic coincé sur nos autoroutes. Douanes, contrôles vétérinaires, police aux frontières, capacité d'absorption des infrastructures : tout doit être fait pour que mon territoire ne subisse pas à nouveau les effets désastreux des jeux internes de la politique intérieure de nos voisins britanniques. Nous avons déjà donné, nous continuons à en subir les effets au quotidien et, d'ailleurs, je ne suis pas sûr que nous ayons cette fois six bourgeois à envoyer en chemise et la corde au cou devant la Reine.