En préambule de mon intervention, je ne peux, à la suite de nombreux collègues, que déplorer le vote de nos amis britanniques, intervenu il y a maintenant deux ans et demi.
Il ne nous appartient pas, bien sûr, de juger du processus souverain qui a conduit le peuple britannique à voter la sortie de l'Union européenne. Mais ce choix nous a poussés, collectivement, à dépenser notre énergie et notre force de travail pour ce qui représente, tout simplement, un rétrécissement de l'Union européenne. Le projet européen, tendu vers un rapprochement entre des peuples qui se sont trop souvent entre-déchirés, a pu vaciller.
C'est pourquoi je voudrais exprimer de la reconnaissance à l'ensemble des États membres qui ont su maintenir, pendant bientôt deux ans de négociations, une unité sans faille. Ces négociations ont montré combien il était difficile de détricoter ce qui s'était construit pendant des années, prouvant ainsi notre interdépendance.
La méthode employée par Michel Barnier s'est avérée particulièrement efficace, combinant fermeté dans la défense des intérêts de l'Union et transparence des décisions.
La préservation de l'intégrité du marché unique et de la libre circulation des biens, des personnes, des capitaux et des services, est une exigence non négociable. Un État qui sort de l'Union ne peut bénéficier des mêmes avantages que les États membres. Une entorse à ce principe clé du marché unique serait une porte ouverte à l'affirmation d'une Europe à la carte, fragmentée et sans cohérence.
Nous avons par ailleurs obtenu des garanties quant à l'avenir de la frontière irlandaise, le règlement des obligations financières du Royaume-Uni, le rôle de la Cour de justice, enfin et surtout le droit des citoyens.
L'appel à l'unité a été entendu et suivi d'effets. À la nécessité d'un sursaut s'est imposée une méthode impliquant l'ensemble des institutions. L'une des leçons que nous devrons tirer pour l'avenir est aussi celle de la nécessaire transparence. Elle n'aura pas eu pour conséquence d'exposer les éventuelles divergences entre États membres. Bien au contraire, elle aura eu un effet pédagogique salutaire auprès des opinions publiques et des acteurs politiques, économiques et sociaux. Ce modèle de gouvernance, cette méthode de travail doivent nous inspirer pour l'avenir.
D'une manière plus importante encore, ce choc a suscité des réflexions autour de la refondation de l'Union européenne. Nous y participons par le biais des consultations citoyennes sur le futur de l'Union, dont la synthèse doit bientôt être rendue aux chefs d'État et de gouvernement. Nous y participons en renforçant les liens entre Parlements français et allemand. Au passage, je dirai à M. Mélenchon que condamner l'Union européenne, c'est chercher des boucs émissaires. Pour ma part, je ne voudrais pas d'une Union qui ne soit ni allemande, ni française. Je la voudrais tout simplement européenne.
Le Brexit a permis aux consciences de se réveiller et de comprendre ce qui nous rattachait au projet européen, les milliers de liens que nous avons tissés ensemble, d'État membre à État membre, de peuple à peuple.
Le projet de loi d'habilitation que nous devons examiner désormais s'inscrit dans l'hypothèse d'une absence de ratification de l'accord de retrait. Il est évident qu'un accord est préférable à cette sortie sèche dont les retombées économiques, difficiles à estimer, pourraient être catastrophiques.
L'Union européenne et le Royaume-Uni ont mutuellement intérêt à parvenir à un retrait ordonné.
S'il n'y a pas d'accord, notre priorité absolue doit être de protéger les citoyens et les entreprises, tout particulièrement les PME de nos territoires. Trop peu d'entre elles sont véritablement préparées au choc économique qui s'annonce, aux changements induits par le rétablissement des contrôles aux frontières, voire des droits de douane.
Nous devons donc habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans les domaines pour lesquels il sollicite cette habilitation afin d'anticiper les éventuels vides juridiques et préparer au mieux la France à cette situation inédite.
Il conviendra, enfin, d'être attentifs au respect de la réciprocité entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, mais aussi entre le Royaume-Uni et la France. Nous avons su, en commission, montrer que le sort des près de 150 000 Britanniques présents sur notre sol nous tenait à coeur. Nous voulons en effet conserver dans la fonction publique ces Britanniques qui nous soignent, éduquent nos enfants, mais il reviendra au Gouvernement britannique de préserver les droits et les choix de vie des quelque trois millions d'Européens qui vivent sur son sol.
Madame la ministre, nous savons que le Gouvernement prépare au mieux l'éventualité d'une sortie sèche, qu'il s'agisse des infrastructures à construire dans les ports ou de l'information qu'il convient de mettre à disposition de l'ensemble des personnes concernées. Pensons surtout à nos entreprises qui ont besoin de visibilité.
Anticiper, informer, se préparer, c'est aussi avoir l'esprit de responsabilité et passer de ce choc que fut et demeure le Brexit à notre futur européen, en commun.