Hier après-midi, des jeunes d'un lycée professionnel avaient demandé à me rencontrer. Pour me dire son angoisse, l'un d'eux eut cette formule : « On n'a pas envie d'être des travailleurs pauvres ». Monsieur le premier ministre, ma voix s'est troublée au moment de lui répondre.
Le soir, j'écoutai le Président sortir de son silence. La seule véritable concession, quoique incomplète, qu'il a consentie fut d'annuler partiellement la hausse de la CSG. Pour le reste, les recettes sont bien connues et déjà engagées : primes et exonérations. Elles figurent au premier chapitre de votre vieux grimoire de cuisine libérale, à l'usage des premiers de cordée.
Or, nous vous le répétons depuis dix-huit mois, la réponse attendue, une juste répartition des richesses, une justice écologique, ne tient pas dans ces subterfuges qui, loin de l'état d'urgence sociale, sont votre marque de fabrique. Votre accélération a réveillé la révolte contre tant d'années de régression sociale. Cette crise qui vient de loin mérite des remises en cause, des réponses sociales beaucoup plus ambitieuses pour le pouvoir de vivre. Elle appelle un profond renouveau démocratique de notre République.
Hélas, vous vous accrochez à la suppression de l'ISF comme un arapède à son rocher, vous mégotez sur la contribution des multinationales sans vraiment soutenir les PME, vous refusez d'augmenter réellement les salaires et le SMIC, de relever le point d'indice de la fonction publique, de revaloriser les pensions, que vous désindexez, tout comme les prestations sociales. Même vos maigres concessions, autofinancées, vous les faites en abîmant la sécurité sociale et en menaçant les services publics. Vous annoncez d'ailleurs le maintien de vos inquiétantes réformes chamboule-tout.
Monsieur le Premier ministre, comment financerez-vous ces mesures ? Quand prendrez-vous enfin la mesure de la colère, des aspirations de nos lycéens ?