Intervention de Marguerite Deprez-Audebert

Réunion du jeudi 6 décembre 2018 à 10h05
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarguerite Deprez-Audebert, référente :

Madame la Présidente, chers collègues, notre commission examine aujourd'hui quatre textes européens transmis par le gouvernement au titre de l'article 88-4 de la Constitution. Ce sont des propositions de décision du Conseil autorisant l'Union européenne à signer et à conclure un accord de libre-échange et un accord de protection des investissements avec la République du Vietnam.

S'il nous est apparu pertinent, en tant que référents de la commission des Affaires économiques, de présenter une communication sur ces textes, c'est pour deux raisons : d'une part, parce qu'ils symbolisent la nouvelle architecture de la politique commerciale européenne décidée par la Commission européenne, et, d'autre part, parce qu'ils permettent de faire un point également sur la politique commerciale que, malgré le Brexit, les avancées de l'Europe de la Défense européenne les tensions sur le CFP, l'Union européenne continue à mettre en oeuvre dans le silence médiatique.

Quelques rappels en préalable. Depuis 1957, la politique commerciale a toujours été une compétence de l'Union européenne, qui l'a longtemps exercée dans le cadre multilatéral du GATT puis de l'OMC. En revanche, depuis 2006, tirant les conséquences du blocage du cycle de Doha, l'Union européenne privilégie la négociation d'accords bilatéraux avec ses principaux partenaires économiques. Ces accords ne sont pas de simples accords commerciaux. Ils ont une portée bien plus large que le seul commerce des biens et des services. Ils portent en effet également sur les marchés publics, la propriété intellectuelle, la coopération réglementaire ou encore l'investissement. Parce que leur objet est très large, ces accords dits de « nouvelle génération » portent également sur des matières qui relèvent de la compétence des États-membres. Ils sont alors considérés comme « mixtes », ce qui emporte deux conséquences procédurales : d'une part, la décision du Conseil autorisant la signature et la conclusion de ces accords doit être adoptée à l'unanimité ; d'autre part, ces accords doivent être ratifiés par l'ensemble des États-membres selon leurs procédures internes.

Nous avons tous en mémoire le psychodrame du CETA, qui a vu le Parlement wallon bloquer, sur la base de la constitution belge, la prise de position du gouvernement belge au Conseil, empêchant celui-ci d'adopter ses décisions sur cet accord « mixte ». C'était à l'automne 2016. Quelques mois plus tard, le 16 mai 2017, la Cour de l'Union européenne de justice a rendu un avis définissant de manière précise ce qui, en matière commerciale, relève de la compétence exclusive de l'Union européenne et ce qui relève de la compétence des États-membres. La Cour de justice a en substance considéré que les États-membres conservent leur compétence uniquement sur une partie des investissements et, en particulier, sur le mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs.

C'est sur la base de cet avis que la Commission européenne a décidé, pour tous les accords à venir, de les scinder en deux. Il y aura désormais, comme c'est le cas pour l'accord entre l'UE et le Vietnam, un accord de libre-échange, relevant de la compétence exclusive de l'Union, et un accord de protection de l'investissement, relevant à la fois de la compétence de l'Union et de celle des États-membres. Ce choix de scinder les accords en deux a évidemment pour but d'éviter que se reproduise le psychodrame du CETA. En effet, s'agissant des accords de libre-échange, ils seront désormais adoptés par le Conseil à la majorité qualifiée et ratifiés par le seul Parlement européen. L'unanimité au Conseil et la ratification des Parlements nationaux seront donc limitées aux seuls accords de protection des investissements, de portée bien plus limitée. Par cette décision sur la forme des accords commerciaux, la Commission européenne limite la portée du contrôle des Parlements nationaux. Certes, cette décision est parfaitement justifiée en droit et validée par la Cour de justice de l'Union européenne mais il n'en reste pas moins que le CETA sera très probablement le dernier accord de libre-échange à être examiné par notre Assemblée.

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