Il y a quelques jours, je suis rentrée de La Réunion, où j'étais aux côtés des Réunionnaises et des Réunionnais afin de les aider à surmonter la profonde crise – dont le mouvement des « gilets jaunes » a été le déclencheur – affectant l'île.
Nous avons évoqué le sujet qui nous occupe ici. Au cours des nombreux dialogues que j'ai menés sur le terrain, la question foncière a été soulevée à plusieurs reprises, bien souvent associée – ce qui semblera relever de l'évidence – au problème plus général du logement.
À vrai dire, il aurait été surprenant qu'elle ne soit pas abordée, tant les enjeux fonciers sont un trait commun de nos territoires ultramarins. Plus que jamais, nos concitoyens y attendent de leurs représentants des actions concrètes et des réponses pratiques à leurs difficultés quotidiennes.
Dès lors que votre proposition de loi, monsieur le rapporteur Letchimy, allait dans ce sens, le Gouvernement a d'emblée choisi de la soutenir. Je me réjouis que votre démarche ait reçu le soutien des parlementaires ultramarins, qui ont participé nombreux à l'élaboration du texte soumis aujourd'hui à votre examen, mesdames, messieurs les députés.
Par ailleurs, je remercie la commission des lois de l'investissement dont elle a fait preuve sur ce sujet essentiel pour nos concitoyens d'outre-mer. Madame la présidente de la commission, il s'agit bel et bien d'un beau travail parlementaire, comme vous me le faisiez observer au cours de la suspension de séance.
À l'issue d'une première lecture dans chaque chambre, la proposition de loi qui vous est soumise est – pour l'essentiel – aboutie. Les préoccupations que j'ai exprimées devant vous lors de la première lecture du texte, relatives à son indispensable équilibre, n'ont plus lieu d'être, car celui-ci, me semble-t-il, est atteint.
L'audace nécessaire au déblocage des situations d'indivision – qui entravent le développement des territoires ultramarins – ne vous a pas empêchés, mesdames, messieurs les députés, de préserver le respect du droit de propriété et du principe d'égalité devant la loi.
Au demeurant, le Gouvernement a choisi d'accompagner plus avant la proposition de loi en proposant de maintenir – sous réserve de l'adoption d'une correction minime de l'article 2 bis – l'élargissement aux autres territoires d'outre-mer de l'exonération fiscale en vigueur à Mayotte. Une fiscalité incitative sera donc instaurée, afin de dynamiser le dispositif législatif et de le rendre plus attractif encore.
Sur le fond, le Gouvernement se contentera de proposer des modifications mineures. La première, en plein accord avec les parlementaires de la Polynésie française, vise à faire en sorte que nous ne trahissions pas notre volonté partagée d'adapter au mieux la législation aux réalités locales.
L'ampleur des litiges fonciers en Polynésie française – où le problème revêt un aspect distinct de celui qu'il présente à Mayotte ou aux Antilles – a amené à envisager des adaptations du droit et des procédures en vigueur. Des réformes ont été menées, notamment la création par l'État d'un tribunal foncier et la réorganisation – lancée par le pays – de l'administration polynésienne en charge des affaires foncières.
En matière juridique, un travail de fond a été engagé. Il associe l'État – sous l'égide de la Chancellerie – , des parlementaires et le pays. Si ce groupe de travail a inspiré certains articles du texte, ses réflexions ne sont pas achevées à ce jour.
Nous avons donc, d'un commun accord, retiré du texte les dispositions relatives à la Polynésie française afin de les renvoyer à un projet de loi dont l'examen aura normalement lieu au cours du premier semestre 2019. Tel est l'objet de trois amendements du Gouvernement, que je défendrai tout à l'heure.
La seconde modification proposée est issue des échanges en cours au sujet de la Polynésie française. Elle consiste en une correction rédactionnelle de l'article 6 visant à y introduire la notion de formalité de la publicité foncière, qui est préférable à celle de transcription. En effet, elle est d'acception plus large et davantage appropriée à notre travail.
Permettez-moi, avant de conclure, d'ajouter encore deux mots. Je voudrais d'abord répondre à Sylvain Brial. La question foncière a suscité des inquiétudes au sein de la population des îles de Wallis et de Futuna, notamment à cause de l'ordonnance du 28 septembre 2016 qui a pu donner le sentiment qu'elle portait atteinte à la répartition des compétences opérée par le statut de 1961. Il n'en est rien, monsieur le député ! Il faut le répéter afin d'apaiser la population sur ce point. Je vous ai bien entendu ; l'État procède aujourd'hui à l'élaboration de la partie réglementaire de cette ordonnance et le ministère des outre-mer veillera scrupuleusement à ce que la prééminence de la coutume soit préservée. Le caractère inaliénable et incessible des terres coutumières, et le rôle des autorités coutumières dans leur gestion sont garantis ; il ne faut pas en douter.
Je tiens enfin à réaffirmer que s'agissant du foncier, le Gouvernement n'entend pas s'arrêter à ce texte. Comme je l'ai déjà souligné – et d'autres avant moi – , nous devons, dans certains territoires, proposer des solutions en matière de titrement. La loi a plusieurs fois tenté d'apporter des réponses, mais – nous pouvons tous le constater – sans changer grand-chose sur le terrain. Nous avons donc besoin de faire un travail complémentaire ; aussi ai-je demandé à la direction générale des outre-mer de piloter, en lien étroit avec la chancellerie, une réflexion à laquelle les parlementaires seront associés pour avancer sur ce sujet crucial. Je souhaite que d'ici juin 2019, des propositions aussi concrètes que les vôtres en matière d'indivision, monsieur le rapporteur, soient mises sur la table pour être débattues.