Permettez-moi tout d'abord de m'associer, au nom de tout l'outre-mer, à l'élan de solidarité qui s'est exprimé devant le drame de Strasbourg.
Madame la ministre, je voudrais commencer par des remerciements. Vous – mais aussi la ministre de la justice et d'autres figures telles que la présidente de la commission des lois, le Président de la République et les membres du Gouvernement dont le Premier ministre – avez bien compris l'urgence de la question et l'intérêt public de la voir traitée. Dans le débat que nous avons mené lors de la première lecture du texte, en janvier – et il en était de même lors de la première lecture au Sénat, en avril – , nous avons ressenti une émotion commune. Vous n'avez pas uniquement cherché des solutions techniques et juridiques au problème foncier de l'indivision successorale, vous avez également – je suis sûr que mes collègues Justine Benin, Maina Sage et d'autres seront d'accord – accompagné une initiative essentielle. Je le dis comme je le pense : le droit à la différence n'est pas l'ennemi de l'égalité, ni l'égalité, l'ennemie du droit à la différence. À ce propos, le Président de la République a utilisé le terme de « différenciation » ; en effet, considérer qu'on peut traiter les choses de la même manière alors qu'elles sont différentes relève d'une absurdité intellectuelle, morale et politique. C'est dans ce sens que j'ai beaucoup apprécié votre esprit d'ouverture. Guillaume Vuilletet, ici présent, a également été un acteur essentiel du processus. La majorité comme tous les autres groupes ont parfaitement compris qu'il y allait de l'intérêt public.
De quoi s'agit-il ? Nous avons une histoire et une société différentes ; cependant nous faisons partie de la République. Au sein de celle-ci, nous ne sommes pas qu'un handicap : nous lui apportons beaucoup. On a souvent tendance à raisonner, philosophiquement, en termes de handicap et c'est ainsi que le Gouvernement nous voit, alors même que nous avons beaucoup d'atouts. Je vous rappelle que 97 % des surfaces maritimes françaises et 80 % de la biodiversité se trouvent dans l'outre-mer. Demain, lorsque l'or vert sera mis en scène et en exploitation dans le monde entier, cela donnera à la France une position magistrale, exceptionnelle. Nous voulons être de ceux qui construisent l'ingénierie de la pensée du développement. Cette expression me semble donc vitale, à la fois pour l'Europe, pour la France, pour la République et pour nous-mêmes.
Cela étant, comment peut-on vivre avec 40 à 50 % de terres en indivision ? Comment fait-on lorsque ce taux atteint 83 %, comme dans la commune de Macouba, au nord de la Martinique ? Comment voulez-vous traiter, dans ces conditions, la question de l'hygiène et de la santé ? En effet, la prévalence des bâtiments ou terrains en indivision induit des conséquences sanitaires graves, tels que le chikungunya, des problèmes d'insécurité et des difficultés de promotion immobilière ; elle engendre surtout une explosion sociale et familiale. Ces situations ne peuvent être réglées que de deux façons : soit par des histoires entre familles, qui ne se terminent jamais – les indivisions durant dix, vingt ou trente ans, on a le temps de mourir sans jamais tirer profit de son bien familial, de ce que papa et maman ont construit – , soit par la décision unanime des indivisaires de sortir de l'indivision ; mais comment l'espérer lorsque la règle d'unanimité ne peut pas être respectée ? C'est pourquoi cette proposition de loi a proposé de revenir, pendant une dizaine d'années, à la règle de la majorité simple, et vous l'avez accepté. Cette exception accordée à l'outre-mer a une valeur très forte : c'est le premier texte de loi de différenciation accepté par la République depuis très longtemps.